Actuellement, dans les librairies de Tunis et de sa banlieue, il existe un engouement incroyable pour un roman en trois volumes, intitulé " Millénium ". Avant de savoir de quoi il s'agit, on est déjà attiré par la couverture rouge et noire (apparemment propre à l'éditeur) avec un portrait en médaillon et deux titres. Le deuxième titre correspond au numéro du volume. Le premier, en surtitre, est long et intriguant. " Les hommes qui n'aimaient pas les femmes " est le titre de Millénium 1. " La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette " est l'intitulé de " Millénium 2 ". La trilogie est enfin clôturée par " La reine dans le palais des courants d'air ", titre de " Millénium 3 ". Généralement, le lecteur du premier tome n'accroche pas tout de de suite. L'auteur prend le temps de nous introduire dans l'univers d'un journal économique appelé " Millénium " et dans celui de Mikael Blomkvist, copropriétaire du fameux média avec Erika Berger et star du journalisme d'investigation. Ce dernier se voit confier une enquête qui ne sera que le début d'une guerre contre les forces du mal. Eh oui, il y a les bons et les méchants dans la trilogie de Millénium. C'est comme dans la réalité qui dépasse souvent de loin la fiction, une réalité qu'on apprend à connaître et à reconnaître, en encaissant les coups, à l'instar de Lisbeth Salander, un personnage qui s'annonce au premier volume, et qui devient très important dans les deux tomes suivants, étant au centre de l'intrigue. Tout a l'air d'un roman policier ou d'un thriller. L'auteur, Stieg Larsson (1), a utilisé tous les ingrédients de ces genres pour nous livrer un roman que l'on peut désormais classer dans le néoréalisme littéraire. Plus que dans le réalisme, Larsson réagit contre " la sottise, le poncif et le bon sens ". Il cherche à dépeindre une époque, l'actuelle, telle qu'elle est, sans idéalisation, sans jugements surtout… Sa représentation de la réalité est réaliste. Il n'en occulte ni les problèmes ni les injustices. Larsson fait partie de ces auteurs qui estiment qu'il est de leur responsabilité historique de se faire les porte-voix du peuple et de ses besoins. Avec un langage simple et direct, il prend part au grand débat mondial, politique, économique et même technologique. Rappelons que le néoréalisme est un mouvement littéraire et cinématographique (2) qui s'est d'abord développé en Italie et s'est imposé entre 1943 et 1950. De nombreux écrivains ont pris une part active contre le fascisme et le nazisme, puis aux débats politiques une fois la guerre terminée. Les thèmes les plus fréquents des œuvres néoréalistes sont la lutte des paysans, les revendications ouvrières et les révoltes des citadins. Le terme de néoréalisme s'est d'abord appliqué au cinéma de cette époque, qui raconte des histoires inspirées de la réalité et des problèmes sociaux d'une Italie qui, après les horreurs et les destructions de la guerre, tente de construire son avenir. L'expérience néoréaliste constitue l'un des sommets du cinéma italien, qui devient un modèle pour les autres pays. Le néoréalisme d'aujourd'hui, est, si l'on ose dire, d'un autre ton. En lisant un roman de ce genre, on est plongé dans l'actualité ou, au moins, dans un contexte réel au passé proche. Les auteurs du néoréalisme littéraire n'hésitent pas à nommer les acteurs de la vie politique et les évènements toujours récents qui marquent la marche du monde, tel que le fameux 11 septembre, évoqué dans bon nombre de romans sortis après ce drame. Lire Stieg Larsson, c'est partir en Suède, se promener dans ses rues, vivre au rythme des Suédois et selon leurs habitudes. Boire plusieurs cafés pendant la journée, et se contenter souvent d'un sandwich au fromage et d'un verre de lait pour se nourrir. Larsson nous fait surtout découvrir ce que les Suédois eux-mêmes ne savent pas sur une certaine réalité économique et politique. Il nous fait même voyager dans le monde des mathématiques et de l'informatique, à travers Lisbeth, une hacker de la république des hackers. Si les personnages sont aussi compétents dans les maths, les technologies modernes, l'économie, l'histoire, l'investigation etc., l'auteur serait donc un génie. Il est surtout génial dans sa manière de construire son intrigue, de tisser des liens infinis entre les personnages, de les faire évoluer, de nous surprendre et de rebondir, à chaque fois de plus belle, compliquant ainsi la vie à sa fiction. Il n'oublie aucun détail et tient son lecteur en haleine jusqu'à la fin de la trilogie. Larsson est le roi du suspense. Et il a une vision de l'amour, sans morale, sans façons, sans jugements… Au deuxième tome, là où on commence à connaître l'histoire de la vie de la mystérieuse Lisbeth, on ne lâche plus le roman. Si Larsson n'était pas mort après avoir livré le troisième volume à son éditeur, on aurait attendu un quatrième volume. Car la vie de Millénium peut se prolonger comme celle d'un vrai journal. Stieg Larsson, né en 1954, journaliste auquel on doit des essais sur l'économie et des reportages de guerre en Afrique, était le rédacteur en chef d'EXPO, revue suédoise, observatoire des manifestations ordinaires du fascisme. Il est décédé brutalement, en 2004, d'une crise cardiaque, juste après avoir remis à son éditeur les trois volumineux tomes de la trilogie Millénium. Source : Wiképedia