Parmi les procédures de suivi prévues par la Convention : une procédure d'évaluation pays par pays et une autre spécialisée dans les enquêtes, si des informations fiables indiquent la réalisation d'un phénomène grave Depuis Tunis et avec l'athlète Habiba Ghribi comme ambassadrice, a été lancée, vendredi dernier, la campagne de sensibilisation portant sur «la Convention de prévention et de lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique», dite Convention d'Istanbul. Le top départ donné en fin d'après-midi dans un hôtel de la capitale a vu la participation massive de la société civile locale et maghrébine. Slogan de la campagne: «Les violences faites aux femmes ne sont pas une fatalité». Légalement contraignante pour les pays qui l'ont ratifiée, cette disposition se présente comme un nouvel outil pour les ONG. Depuis le 11 mai 2011, ce protocole, d'abord européen ouvert à tous les pays, qu'ils soient européens ou non, « repose sur l'idée qu'il faut lutter contre une forme de violence fondée sur le genre, dans la mesure où elle est exercée sur les femmes parce qu'elles sont des femmes ». C'est Euromed-Droits, un réseau de plus de 80 organisations des droits de l'Homme, des institutions et des personnes situées dans 30 pays de la région méditerranéenne qui chapeaute l'événement. Lilia Rebai, en sa qualité de présidente d'Euro-Med-Droits Tunisie, s'est chargée de présenter un aperçu sur la campagne et sur ses finalités. Etaient présentes à la tribune également des figures associatives nationales, Sana Ben Achour de Beity, Saloua Kammoun de l'Afturd, Monia Ben Jemii de l'Atfd, en plus de Françoise Brié, représentante du Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes (Grevio). C'est auprès de cette instance que les ONG peuvent adresser leurs rapports et alerter sur des violences graves. Les parlements sont impliqués La Tunisie, premier pays de la région à avoir ratifié et levé toutes les réserves spécifiques posées à la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes «Cedaw», n'a, toutefois, pas signé la convention d'Istanbul. De plus, fait majeur à signaler, la législation interne n'a pas encore intégré les instruments internationaux de lutte contre la violence à l'égard des femmes, apprend-on au fil des interventions. Parmi les procédures de suivi prévues par la charte : une procédure d'évaluation pays par pays et une autre spécialisée dans les enquêtes si des informations fiables indiquent la réalisation d'un phénomène grave, répandu ou récurrent lié à tout acte de violence couvert par la Convention. Il est une obligation imposée aux parties signataires d'inviter leurs parlements à participer au processus de suivi et de leur soumettre des rapports. C'est une des innovations majeures de la Convention d'Istanbul. Les politiques intégrées Les violences sur les femmes ne sont pas des actes isolés, imputables à leurs auteurs déviants, alerte Sana Ben Achour, professeur de droit, mais une donnée structurelle et systémique des sociétés fondées sur le système patriarcal. Cette violence touche toutes les femmes, indépendamment de leur âge, de leur statut socioéconomique, de leur niveau d'éducation, a-t-elle encore fait valoir. Monia Ben Jemii et Saloua Kammoun ont signalé l'urgence d'impliquer la société civile dans toute démarche, pour bénéficier de son expertise avérée dans le domaine des conseils spécialisés et d'accompagnement des victimes. La nécessité de créer des mécanismes de suivi et de multiplier les centres d'hébergement et les refuges répartis sur tout le territoire a été plusieurs fois évoquée. L'autre revendication réitérée par les oratrices est de mettre en œuvre une politique intégrée de soutien des victimes, leur garantissant l'autonomie économique et une insertion sociale, ainsi que la scolarisation de leurs enfants. Faute de quoi, « elles retourneront au foyer de leurs agresseurs, comme nous l'avons vécu avec certaines victimes», ont-elles regretté. S'il incombe aux Etats de lutter efficacement contre toute forme de violence en prenant des mesures pour la prévenir, en protégeant les victimes et en poursuivant les auteurs, il faut savoir que la Tunisie, pays pionnier en la matière, n'a cependant pas signé la Convention d'Istanbul et les raisons de cette «nonchalance» institutionnelle préjudiciable aux victimes ne sont pas claires.