Le jeu et la manière peuvent varier, le principe non, et ce, même en l'absence de coordination. Ces derniers temps, l'on a beaucoup discouru à propos du «béton» que l'on retrouve fréquemment sur nos terrains, sorte de variation davantage renforcée d'atout sécuritaire. Les ‘'verrouilleurs'' y sont légion, surtout quand on joue à l'extérieur. Par une pratique basique du musellement via un bloc-équipe de plus en plus hermétique, ce football se lance lui-même dans l'impasse du marquage. Ce qui amène l'adversaire à s'adapter. Et, pour s'en défaire, des améliorations deviennent indispensables. Nous l'avons noté la saison passée, lors de la victoire de l'ES Métlaoui contre le CA à Radès même. Une équipe qui sacrifie la possession du ballon tout en se procurant un grand nombre d'occasions. C'est là l'une des nombreuses moutures du bloc bas, complétée la plupart du temps par la défense de ligne qui vient restreindre le champ de vision des demis adverses. Ceci nous amène à poser la question suivante: faut-il revenir au «catenaccio» lancé par Helenio Herrera pour gagner ? Le verrou, le béton, le cadenas. Que de termes utilisés pour «condamner» à première vue le jeu offensif et à imposer sur lui un effet destructeur. En même temps, il est vrai que ce stratagème bouleverse les principes et permet par un jeu de contre-attaques à faire des défenseurs de redoutables attaquants, comme par exemple l'ex-Clubiste Yassine Mikari et Sfaxien Hamza Mathlouthi (et bien avant lui le Ghanéen Maman Yussufu via ses déboulés sur le côté). Ce mérite symbolisé par de rapides montées, cristallise l'intégration individuelle des arrières en contre-attaque. Bien avant, le CA prenait ce risque occasionnellement. Récemment, lors du dernier derby, il y a recouru avec succès. En face, l'EST n' a pas su profiter de cet anachronisme car elle ne dispose pas d'une «version repliée» quand elle subit occasionnellement, ou du moins quand elle est surprise par la vitesse d'exécution adverse. Curieusement, ce CA-là, en dépit de son dispositif ultradéfensif, marquera un but, dans un style offensif, démontrant que le verrou n'empêche pas d'être spectaculaire et efficace. L'Etoile au firmament En football, l'on ne peut imposer son plan de jeu à tout-va. Une équipe doit forcément composer avec le profil d'en face. A titre d'exemple, comme cela a été remarqué lors des deux dernières saisons, le CA a peiné face à une Etoile du Sahel qui se déplaçait en une seule vague, portée soit vers l'attaque, soit vers la défense, tout en optant pour le hors-jeu piège par intermittence, sorte de dérivé de la défense en ligne. Ce n'est pas le football total mais ça y ressemble. Une Etoile aux capacités physiques évidentes, difficile à maîtriser. Cela requiert une polyvalence des joueurs et une cohésion qui rendent presque indéchiffrable la lecture de son jeu. Adoubé à un numéro 10 tel que Lahmar, un neuf et demi tel que Msakni, le tout chapeauté et nourri par un destructeur de la trempe de Franck Kom, cette Etoile-là combinait les attaques placées et le jeu en débordement grâce à des ordonnateurs et des remiseurs de qualité. Reste à compléter le tableau par un finisseur de la trempe de Bounedjah et un feu follet électron tel que Brigui, et nous voilà en présence d'une équipe qui bénéficie d'une organisation modulable et particulièrement appréciable. Modulable en raison du fait que les systèmes ne sont plus aussi figés que par le passé. Appréciable car le onze étoilé a souvent revu son schéma d'organisation en fonction des événements (la saison passée face à l'Espérance à Radès, juste après le but égalisateur de Hamza Lahmar). En clair, lorsque l'équipe est en possession du ballon, les latéraux peuvent, après avoir quitté leurs bases arrière pour le milieu de terrain, venir animer le jeu dans les couloirs. L'occasion leur est alors donnée de s'engouffrer sur les ailes, de venir créer le surnombre, et de prêter ainsi main-forte aux avants en leur adressant des centres ou en provoquant des redoublements de passes. Puis, quand l'équipe perd le ballon, les latéraux regagnent leur place initiale, défensive. C'est la tendance, mais ce n'est pas du sur-mesure. Ça dépend surtout du talent et de la maturité tactique. Jouer plus vers l'avant, avec de petits formats et des joueurs très vifs est devenu l'exception dans nos contrées. A titre d'exemple, si l'Espérance s'y attelle avec plus ou moins de réussite et d'implication, elle devra profiter de ses temps forts et appréhender ses temps faibles. Pourtant, nous avons forcément apprécié cette équipe intense et technique, dotée d'un triangle d'or au milieu composé de Ferjani Sassi, Bguir et Badri. Tout aussi instructive, la farouche opposition d'un CA animé par l'envie et l'agressivité tout en étant capable de fermer autant d'espaces que de se projeter rapidement en contre. Deux profils diamétralement opposés via deux objectifs similaires: la victoire. Le jeu et la manière peuvent varier, le principe non, et ce, même en l'absence de coordination.