Le Club Africain n'est pas une équipe qui conserve le ballon, mais qui le joue assez vite sur la profondeur Au début, le football se jouait à 10 devant, aujourd'hui, il se joue à 10 derrière. Ça fait mauvaise langue, mais s'il l'on veut tordre ici le cou à certains clichés, il serait judicieux de placer cette orientation dans son contexte, précisément celui relatif aux dernières péripéties du derby de la capitale. Pour le CA, ce ne fut pas une révolution, tout au plus une évolution dictée par les exigences du moment et le profil de l'adversaire. Ce CA-là est ainsi passé du «dribbling» au «passing». Finis les dribbles en solitaire de Chenihi. Au placard les rushs sans conviction de Khelifa. On fait désormais attention au déplacement de ses coéquipiers, on lève la tête et on passe en retrait. Bref, on en arrive à découvrir qu'une passe bien pensée peut mettre en difficulté toute une défense adverse. Plus d'un observateur l'a affirmé récemment. Le derby va forcément contribuer à ancrer la passe dans la culture du jeu clubiste. Fini le «kick & rush» et autre jeu direct sans véritable recherche de la profondeur. Place à la pondération et au jeu réfléchi. Serait-ce la fin du tâtonnement de ces derniers temps ? Un fait est certain, le onze s'applique davantage, que ce soit en situation de possession ou de repli stratégique. Le positionnement (haut ou bloc bas), la combinaison qui s'impose et qui permet une organisation rationnelle des joueurs, le quadrillage et le marquage (l'apport de Nader Ghandri en particulier), tout cela a été mis en valeur et à profit sans que le CA ne subisse de profonds changements et modifications dans sa composition. Récupération-projection On l'a vu et revu devant l'EST. Face à une Espérance technique et fluide, on avait assisté à un glissement des deux avants dans une position intermédiaire. Ils ont été rappelés au charbon, tel ce travail de sape abattu par Saber Khelifa sur son couloir de prédilection, bloquant Mbarki au passage. C'est dans cette organisation-là que l'équipe peut s'émanciper d'un jeu jugé rigide un temps. S'adapter à cet aménagement via des éléments nouveaux qui favorisent une meilleure implication d'ensemble. Reste maintenant à mieux cerner le rôle dévolu à Kader Oueslati, et le CA gagnera forcément en automatismes. Car comme noté face aux «Sang et Or», ce dernier a carrément évolué en pointe. Or, son apport est mieux optimisé au milieu comme remarqué lors de matches précédents. Oueslati n'est pas un électron libre, mais un milieu à l'ancienne. S'il apporte sa science et sa vista à la transition, parfois, en glissant carrément plus bas ou en grimpant plus haut, il laisse aussi vacant son poste de meneur pour un rôle plus ingrat mais déterminant pour le CA. Lors du derby de la finale de la Coupe de Tunisie (on n'a pas fini d'en parler), la disposition prônée a considérablement compliqué la tâche des demis, qui avaient besoin d'être soutenus, tout en vouant les avants à l'oubli. Un CA, qui, à force de se replier, se fatigua, s'usa et livra tellement combat pour la possession du ballon, qu'il n'eut plus de loisir de penser aux attaquants. Livrer bataille en ne disposant pas des mêmes armes, c'est vouer l'équipe aux gémonies, la pousser à servir de chair à canon. Bref, on arrête ce discours martial car le football ne reflète pas l'art de la guerre de Sun Tzu. Le plan de jeu ne tient finalement qu'à la qualité des joueurs, voir un ballon qui ricoche sur le poteau, un faux rebond assassin... Le CA a toutefois vu clair cette fois-ci. Par la couverture du terrain qu'il a proposée et par la proximité des lignes, il s'est offert quelques combinaisons tactiques intéressantes. L'une d'entre elles, la tactique dite du «verrou», a parfaitement fonctionné par moments. Un schéma qui repose en premier lieu sur la présence d'un quatrième joueur défensif, en retrait des trois autres et libéré de tout marquage. C'est lui qui verrouille la défense, la solidifie, en se plaçant comme un obstacle supplémentaire pour les attaquants adverses. Cela a permis aux poulains de Kaïs Yaâcoubi de posséder une forte assise défensive et une bonne capacité de projection en contre-attaque. Cette tactique n'est cependant pas adaptable à l'envi. Il faut disposer d'attaquants particulièrement véloces et brillants qui seront plus caractérisés par leur talent individuel que par leur jeu collectif, tels que Chenihi et Saber Khelifa. En clair, même avec un style prudent, le CA est allé vers l'avant. Un Club Africain qui n'a jamais été une équipe qui conserve le ballon, mais qui le joue assez vite sur la profondeur.