Le projet de loi portant réforme du système culturel en Tunisie a été au cœur de débats lors du forum, organisé le week-end dernier à Sfax autour du thème : «Pour une politique culturelle émanant de la société civile » La gestation de la réforme du système culturel se poursuit en Tunisie avec la tenue de concertations et de symposiums, à l'instar de celui de Sfax où une pléiade d'acteurs de la scène culturelle appartenant à différentes expressions artistiques et culturelles ont décortiqué, samedi et dimanche derniers, le projet de loi qui leur avait été soumis par le ministère des Affaires culturelles. A ce propos, Nawel Skandrani, chorégraphe, fondatrice et ancienne directrice du Ballet national, rappelle : «A la suite des mutations et de la nouvelle dynamique enregistrées par la scène culturelle, s'est imposée la nécessité de rompre avec la verticalité des décisions et d'adopter une approche horizontale en impliquant les opérateurs culturels lors de l'élaboration de réformes ou de la prise de décisions les concernant. De surcroît, la législation en vigueur, en la matière, est non seulement caduque, mais elle comporte surtout de nombreuses lacunes. Il est, par conséquent, heureux de constater que nos doléances aient trouvé un écho favorable auprès du ministère de tutelle qui avait écouté notre message et s'était attelé à l'élaboration d'un projet de loi sur le statut des artistes, lequel a été présenté et soumis à la réflexion des acteurs du monde de la culture, en juillet dernier, lors d'une journée portes ouvertes». En effet, le ministère de la Culture, engagé sur la voie de la promotion du cadre juridique régissant les métiers artistiques et culturels de façon à les valoriser, à en protéger les droits culturels et à en garantir la liberté conformément aux dispositions des articles 31, 41 et 42 de la Constitution, avait confectionné un projet de loi relatif à la reconnaissance de la situation juridique et sociale des artistes et des créateurs en général, avant de l'exposer, lors de ladite journée. Soutenu, en effet, par l'Union européenne des instituts nationaux de culture (réseau Eunic), le ministère de la Culture s'était inspiré d'expériences étrangères et avait mené plusieurs consultations, avant de confectionner un projet de loi, soumis par la suite à l'examen et à l'analyse des différentes parties prenantes, avant de le soumettre, dans sa version définitive, à la commission compétente auprès de l'ARP. Lors des travaux du forum de Sfax, la méthodologie adoptée a consisté, à la suite des différentes communications au programme, à former des groupes de réflexion composés de profils divers qui ont par la suite exposé leurs conclusions et autres points de vue et recommandations. Pour Me Najet Yaâkoubi, les travaux du forum ont tourné autour de la nécessité de se mettre au diapason des conventions internationales, de préserver les droits intellectuels énoncés par la Constitution et d'adopter une législation à dimension humaine. Quant aux lacunes, elle estime qu'elles se situent au niveau du manque d'organisations représentatives des corps culturels et des artistes, qui soient dotées juridiquement du droit et du pouvoir de les protéger. D'un autre côté, elle pense qu'on a besoin de textes de loi bien clairs qui définissent avec précision aussi bien le profil d'«artiste » que les droits dont il va bénéficier. Evoquant certains points litigieux, Nawel Skandrani a, pour sa part, soulevé la question de la carte professionnelle : «Beaucoup d'artistes souhaitent que la carte professionnelle soit définitivement abandonnée. La solution consisterait à s'aligner sur l'exemple français où l'on est considéré comme professionnel sur la foi de contrats et non pas par décision d'une commission du ministère des Affaires culturelles suite à un examen». L'artiste chorégraphe estime aussi qu'il est important aujourd'hui que l'organigramme du ministère des Affaires culturelles soit restructuré et que le ministère travaille de concert avec les opérateurs culturels : «En réalité, il n'y a pas de conflit. Par conséquent, il est possible de travailler ensemble dans le cadre du respect mutuel. D'un autre côté, il faut que certains artistes cessent de penser que le ministère de la Culture est la vache à traire et qu'ils comprennent une fois pour toutes qu'il n'a pas de réponse à tout et qu'on ne doit pas en être dépendants à 100 %. Il y a des artistes qui n'ont pas encore compris qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire réclamer son indépendance et en même temps considérer que le ministère de la Culture est le seul pourvoyeur de fonds. Il faut fournir des efforts pour aller chercher les fonds dont on a besoin. Le mécénat, qui vient de faire l'objet d'une nouvelle loi, est, à ce propos, tout indiqué. Il incombe maintenant aux artistes de l'utiliser pour en faire un instrument de travail». Il convient de noter enfin, que, lors des travaux du forum de Sfax, la méthodologie adoptée a consisté, à la suite des différentes communications au programme, à former des groupes de réflexion composés de profils divers qui ont par la suite exposé leurs conclusions et autres suggestions et recommandations. Avant la clôture des travaux du forum, il a été convenu de s'ouvrir sur les régions, d'impliquer d'autres corps de métier dans ce processus de réflexion et d'élargir le débat, à travers une nouvelle plateforme électronique, comme l'a indiqué Fethi Belhaj, responsable du programme européen d'appui à la société civile. Le Pasc est en effet l'un des pourvoyeurs de fonds du forum de Sfax, tout comme la manifestation Sfax Capitale de la Culture Arabe 2016 , en plus des institutions Frédéric Ebert Stiftung, Rio et Culture Ressource, ainsi que l'Ugtt.