Jouer, c'est agir, sommes-nous tentés de rappeler à un ensemble espérantiste qui, quelque part, mérite quand même qu'on comprenne ses défauts autant qu'on apprécie ses qualités!... En football et par les temps qui courent, avoir des idées bien élaborées ne suffit pas. Il faudrait assurément un petit quelque chose de plus. Jusqu'aux dernières minutes d'un match fortement disputé, l'Espérance donnait l'impression de pouvoir tenir la place et le rôle auxquels elle était vouée. Elle était tellement présente sur le terrain, tellement envahissante que paradoxalement elle semblait avoir oublié l'essentiel et tout ce dont elle était capable d'accomplir. Pour autant, l'on sait que le football n'est pas seulement une succession de matches, mais aussi de contraintes et d'obligations. Ce qu'on a achevé dans un moment risque d'être remis en cause après. Tout cela était peut-être difficile à comprendre et à réaliser chez une équipe constituée dans sa majorité de joueurs dont le talent n'a su combler le manque de réalisme. Mais il n'explique pas pour autant cette incapacité à pouvoir rassembler les deux bouts dans un match dans lequel elle s'était en quelque sorte perdue entre certitude sportive et contingence de résultats… Elle aurait certainement mieux fait d'installer une autorité fondée sur l'affirmation d'un tempérament et d'un capital confiance. Ce n'est pas d'ailleurs et seulement au niveau de l'improvisation, c'est-à-dire dans le développement d'un football originel, qu'elle pouvait tout particulièrement mettre sa main sur le match, c'est aussi et surtout dans le domaine de la stratégie qu'elle aurait pu justement affirmer sa suprématie. Elle se devait par conséquent d'exploiter tout ce qui était de nature à lui procurer une plus grande dimension de jeu. Pas seulement par intermittence, ou encore selon l'esprit du moment. Elle ne pouvait de surcroît se contenter d'intégrer les contraintes auxquelles elle faisait face. Mais aussi et surtout de les devancer et de s'en protéger même. Darragi, évidemment En plus de ce qu'elle a laissé entrevoir, notamment dans le domaine de l'imagination et de la créativité, du forcing qu'elle avait exercé avec brio et abnégation, autant de qualités qui appartiennent du reste aux équipes d'exception, l'Espérance aurait dû aussi penser à se procurer d'autres arguments qui ne devaient pas être seulement un stimulant, mais aussi une finalité pour tuer le match. Surtout qu'elle était tenue d'y peser de son poids, de sa tradition, de son équilibre, de son expérience. Toute autre considération ne devait que s'incliner devant l'approche destinée à donner plus de réalisme et une signification tout autre au jeu de l'équipe. Jouer, c'est agir, sommes-nous tentés de rappeler à un ensemble qui, quelque part, mérite quand même qu'on comprenne ses défauts autant qu'on apprécie ses qualités. Et c'est en définitive à cause de cela qu'on ne saurait passer sous silence les prouesses vraiment exceptionnelles émanant d'un joueur de la trempe de Darragi. Il nous semble, et d'ailleurs il n'en sera peut-être jamais autrement, qu'il est derrière tout ce qui se fait, s'accomplit et s'obtient par la formation espérantiste. La confirmation de Darragi ne devrait avoir d'égal que dans l'idée que l'on se fait de plus en plus sur l'apport incontournable de deux joueurs qui semblent, sans aucune exagération, donner un nouvel élan au jeu de l'équipe. Afful d'un côté et Traoui de l'autre. La reconversion du premier dans le rôle d'excentré droit semble métamorphoser le profil offensif de l'équipe. Pas loin et presque dans le même couloir, le deuxième, c'est-à-dire Traoui, en fait aussi des siennes. Il s'est imposé à sa manière et au moment où les places sont devenues chères au milieu de terrain… On ne devient pas un «grand» d'Afrique si l'on ne sait pas dépasser ses propres défaillances. On le devient encore moins, si l'on ne parvient pas à finir le travail quand l'invitation apparaît si évidente. L'affiche, l'enjeu, le style du match, tout invitait au fait à l'exploit. L'EST ne pouvait avoir ce jour-là une meilleure motivation. Mais la vocation d'une équipe de pareille envergure ne pouvait s'accomplir que dans la durée et dans la constance. Aussi lourde, la pression devait-elle être face à un adversaire condamné à ne pas perdre, ou encore à gagner à tout prix, elle aurait dû, le temps de quelques minutes, préserver la noblesse des grandes équipes dans laquelle elle s'est entraînée. Celle qui devait faire à la fois les vainqueurs d'aujourd'hui et ceux de demain… Nous aurions aimé que l'Espérance ait suffisamment de ressources pour aller encore plus loin dans l'affirmation de ses intentions et de ses idées. Son public, son grand public, aurait aussi aimé que le résultat puisse réellement refléter la vocation et les vertus de l'équipe. Une équipe qu'il aime tout particulièrement pour ses mille feux, une équipe qui a toujours eu un signe très fort. Un signe de fierté pour un football censé professer la bonne parole, le beau geste partout où il passe. Passion à tous les échelons, ambition à tous les «étages». Cela fut pour l'EST d'avant et forcément d'aujourd'hui et de demain. Dans tout ce qu'elle est tenue désormais d'entreprendre, dans la leçon à retenir du match d'avant-hier face au Sétif, elle devrait apprendre à ne rien oublier, à ne rien céder, tout autant qu'elle est poursuivie et renforcée par un esprit débordant de surpassement. Quelque chose de typiquement espérantiste. Un genre d'implication et d'adhésion inconditionnelle, une fraîcheur dans l'expression. La puissance de feu, tout le monde peut en avoir. Mais encore faut-il savoir s'en servir plus que les autres.