Le récent recensement général de la population et de l'habitat pour 2024 a fait émerger plusieurs tendances structurantes pour la Tunisie, comme le souligne l'économiste et universitaire Ridha Chkoundali dans une analyse publiée ce 28 mai 2025 sur son compte officiel du réseau social Facebook. Ces données démographiques appellent, selon lui, à reconsidérer certaines orientations économiques et sociales du pays. La question controversée du décompte des Tunisiens Si l'Institut national de la statistique (INS) annonce 11 972 169 habitants, le Pr. Chkoundali estime ce chiffre incomplet : « Il faut y ajouter les près de 2 millions de Tunisiens à l'étranger dont les transferts financiers sont vitaux pour notre économie. Au total, nous approchons plutôt des 14 millions de nationaux ». Cette « omission », selon l'expert, minimise le rôle économique de la diaspora qui « permet à la Tunisie d'honorer sa dette extérieure et d'importer des produits essentiels ». L'économiste relève aussi que le taux de croissance démographique est tombé à 0,87% en 2024, contre 2,48% en 1984. « Cette baisse explique artificiellement certaines améliorations du revenu par habitant », analyse-t-il, mettant en garde contre « une illusion de prospérité quand une croissance économique inférieure à 1% suffit à faire progresser les indicateurs ». Les nouveaux visages de la société tunisienne Pour l'économiste, le recensement confirme plusieurs mutations profondes : – Féminisation: Les femmes (50,7% de la population) ont une espérance de vie supérieure de 5 ans aux hommes – Vieillissement accéléré: La part des +60 ans atteint 16,7% contre 12% précédemment – Education genrée : Les femmes sont désormais majoritaires parmi les diplômés du supérieur – Baisse de fécondité : L'indice est tombé à 1,59 enfant par femme « Nous devons adapter notre modèle économique à cette nouvelle réalité », plaide le Pr. Chkoundali, appelant à « réorienter les investissements vers l'économie du savoir et les services de santé ». Il pointe notamment « l'urgence de revoir à la hausse les budgets de l'éducation et de la santé ». L'analyse souligne aussi les inégalités territoriales : si l'électrification dépasse 90% partout, « 48,5% des Sidi Bouzidiens n'ont pas accès à l'eau potable et 80% des habitants de Médenine sont privés d'assainissement ». Pour l'économiste, « ces chiffres rappellent l'ampleur du chantier social qui reste à accomplir ». Ces données dessinent les contours d'une Tunisie en pleine mutation, où les défis démographiques appellent, selon l'expert, « une refonte des politiques publiques pour les prochaines décennies ».