Les cours particuliers à domicile représentent un marché juteux qui poursuit son ascension en Tunisie. Malgré la loi récente visant à les interdire, des enseignants continuent à donner des cours particuliers à domicile, encouragés par le «silence» tacite des élèves et des parents qui choisissent de ne pas porter plainte. Ces cours particuliers qui débutent depuis la première année primaire ont un coût qui suit une courbe ascendante au fur et à mesure que l'élève avance dans le niveau. C'est tout un système qui s'est mis en place, alimenté par la pression exercée par la plupart des enseignants qui «conseillent» aux parents de faire des cours particuliers à leurs enfants afin d'améliorer leur niveau . Obsédés par la peur de l'échec, les parents finissent par céder. Rares sont ceux aujourd'hui qui ne font pas de cours particuliers à leurs enfants, quitte à s'endetter. Grâce à ces cours, la plupart des instituteurs et des enseignants arrivent à arrondir confortablement leurs fins de mois. En effet, au primaire, un instituteur ou une institutrice exige au minimum 20 dinars par séance pour enseigner l'une des matières de base, à savoir l'arabe, les maths ou le français. Un élève du primaire effectue en moyenne une séance par semaine soit quatre séances par mois ce qui revient à 80 dinars par mois par élève et par instituteur. Multipliez ce montant par vingt élèves en moyenne qui font des cours particuliers, le compte s'élève à 1.600 dinars par instituteur (cela reste une moyenne). En résumé, un instituteur ou une institutrice qui donne des cours particuliers réalise des gains mensuels qui atteignent au minimum mille dinars. Le coût des cours particuliers pour les élèves du collège et du secondaire est un peu plus élevé. Les quatre séances de deux heures à raison d'une séance par semaine oscillent entre 80 dinars et 150 dinars, en fonction de la zone (le coût des cours particuliers n'est pas le même à la cité Ibn Khadhoun et à la cité d'Ennasr à titre d'exemple) et de la matière. Ce sont les enseignants des mathématiques, des sciences physiques et des sciences expérimentales qui remportent le gros lot. Leurs séances par groupe de huit à dix élèves coûtent non seulement cher mais ils imposent, par ailleurs, leur calendrier aux élèves. Face à un filon aussi juteux, certains enseignants ont abandonné leur carrière dans le public pour s'installer à leur propre compte. Ce qui est tout à fait logique lorsqu'on sait qu'ils assurent des cours particuliers à un minimum de cinq groupes comportant huit élèves et que chaque élève paie au minimum 80 dinars par mois. Si on fait le compte, un enseignant du bac réaliserait des gains minimum de 2.000 dinars par mois. «Ils ont le droit comme tout le monde d'arrondir leurs fins de mois, relève ce parent d'élève dont le fils étudie dans un des établissements privés d'Ennasr. Le problème réside dans le fait qu'ils exercent beaucoup de pression sur les parents. L'institutrice de mon fils m'a proposé de lui donner des cours particuliers. Lorsque j'ai refusé, elle l'a pénalisé par une mauvaise moyenne». Une autre parente d'élève renchérit : «Je connais des enseignants qui ont prospéré grâce aux cours particuliers. Ils ont investi dans l'immobilier. Ils ont tout à fait le droit de le faire. Le hic, c'est qu'ils sont en train de s'enrichir sur le dos de nos enfants en profitant de notre peur de l'échec scolaire et de notre désir qu'ils réussissent coûte que coûte. C'est nous qui payons pour que eux fassent fortune».