Les forces armées (policiers et militaires) arracheront-elles le droit de voter lors des prochaines échéances électorales ? Hier, au palais du Bardo, personne ne savait quel sort les députés nadhdhaouis allaient réserver aux consignes de leur président Hier, vers 18h00, au palais du Bardo, les députés de la nation ont entamé le vote sur le projet de loi organique relatif aux élections et aux référendums. Un moment que tout le monde attendait depuis plusieurs mois à la faveur de la polémique divisant le paysage politique national dont l'axe principal se résume en la question suivante : faut-il ou non accorder aux sécuritaires et aux militaires le droit de voter ? Jusqu'à hier soir et bien avant le démarrage de l'opération de vote du projet de loi, article par article (hier il n'y avait pas de discussion), on ne savait pas encore si Ennahdha avait changé d'avis et décidé de s'aligner sur les positions des autres groupes parlementaires qui ont déjà fait savoir qu'ils sont d'accord pour que les sécuritaires et les militaires participent aux élections comme tous les autres citoyens tunisiens. Ghannouchi favorable Une source informée au palais du Bardo confie à La Presse: «Il paraît que Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, a donné ses instructions aux députés nahdhaouis pour qu'ils avalisent l'article accordant aux sécuritaires et militaires le droit de participer aux élections. La grande inconnue maintenant est de savoir combien de députés nahdhaouis appliqueront les directives. La question est à poser sérieusement, dans la mesure où on constate que plusieurs députés d'Ennahdha ne s'alignent plus automatiquement sur les positions arrêtées par leur direction. Et quand on revient au vote sur les propositions appelant à la création d'une commission parlementaire d'investigation sur les présomptions de corruption à l'encontre de Sihem Ben Sedrine, présidente de l'Instance vérité et dignité, on s'aperçoit facilement que les députés nahdhaouis n'ont pas suivi comme auparavant les consignes. Et les chiffres sont là pour prouver la véracité de notre analyse dans la mesure où seuls 82 députés ont voté contre la création de la commission, et si on en retranche les députés du Front populaire, du Courant démocratique et certains députés se proclamant indépendants, on va découvrir que sur les 69 députés nahdhaouis, il existe beaucoup qui se sont rebiffés, sans compter ceux qui n'ont pas assisté au vote, ce qui est contraire à leurs habitudes». Le nombre n'est pas décisif Mais au fait, pourquoi les nahdhaouis se sont-ils démarqués jusqu'ici des autres formations politiques en refusant que les sécuritaires et les militaires votent, alors que si on évalue leur nombre total, on trouvera qu'ils ne dépassent pas 120 ou 130 mille électeurs et qu'il est possible qu'ils n'aillent pas tous voter. A cette question, un observateur qui veut garder l'anonymat pour «ne pas froisser les nahdhaouis», dit-il, avance la réponse suivante : «Il ne faut pas se leurrer. Ennahdha craint que les sécuritaires et les militaires votent contre ses candidats. Et même si leur nombre n'est pas décisif, il ne faut pas oublier que leurs familles et leurs proches voteront par solidarité ou sous les ordres aussi contre Ennahdha, ce qui lui fera perdre au décompte final des centaines de milliers de voix». Il est à signaler que le gouvernement a proposé que l'article 3 du projet de loi sera consacré au vote des forces armées (militaires et sécuritaires). Plusieurs députés appartenant à Nida Tounès, au Front populaire, à l'ULP et à Machrou Tounès ont déclaré, hier, «qu'il n'y a aucun prétexte pour priver les forces armées de participer aux élections municipales et que le projet de loi sera adopté quelle que soit la position d'Ennahdha». Et comme à son habitude, Ennahdha souffle le chaud et le froid et laisse planer le suspense à sa manière. Badreddine Abdelkefi, vice-président du groupe parlementaire nahdhaoui, souligne : «Nous voterons les amendements proposés par le gouvernement. Toutefois, Ennahdha demeure attaché aux arguments qu'il a avancés au sujet du droit de vote des forces armées».