Par Pr Jamel Trabelsi (Université Louis Pasteur — Strasbourg) Le degré de maturité atteint par le tissu économique national et les orientations stratégiques de notre pays visant le renforcement de l'export constituent les principaux vecteurs véhiculant le processus d'internationalisation de notre économie. Il est vrai que ce processus est limité et ne concerne qu'une petite minorité de nos entreprises. Ceci pourrait être expliqué par l'incertitude des perspectives de ce processus et l'ampleur de l'investissement dans l'apprentissage des pratiques de gestion de ressources humaines (GRH). Les programmes Famex 1 et 2 (Fonds d'accès aux marchés d'exportation) visant à soutenir techniquement et financièrement les entreprises afin de développer leurs marchés à l'export n'ont pas, en effet, suffi pour générer une vraie dynamique d'internationalisation de nos firmes. La troisième génération de ce programme (2011-2014) aura comme principal objectif de déclencher le déclic permettant d'instaurer une solide tradition d'internationalisation de notre économie. Les enjeux stratégiques de l'internationalisation Les avis sont mitigés quant aux bienfaits et méfaits du processus d'internationalisation. Pour les adeptes de l'internationalisation, ce processus stratégique est un facteur de croissance et de pérennité pour les entreprises. A défaut, elles céderont sous la concurrence et disparaîtront. Les opposants considèrent que l'absence des marchés à terme dans les régions ne permet pas le développement de l'internationalisation des firmes tunisiennes. Entre ces deux avis extrêmes, il existe un courant pour lequel, l'efficacité du processus d'internationalisation est tributaire de sa capacité à élargir et développer le marché domestique. Il doit contribuer à l'accroissement de la production, à la création de l'emploi à promouvoir les actions en faveur de l'environnement…et à éviter les externalités négatives ancrées sur le seul objectif d'efficience économique. En somme, une stratégie saine d'internationalisation ne peut être que bénéfique pour notre économie, elle-même incontournable dans le cadre de nos projets de développement futurs. Ce processus constitue le catalyseur de la prospérité des nations ; le cas de l'Allemagne est une parfaite illustration des retombées positives de ce processus sur l'économie domestique. L'internationalisation constitue une constante des stratégies des investisseurs allemands, ils ont défié les distances culturelles pour s'implanter un peu partout dans le monde. Grâce à cette stratégie, ils ont réussi à faire de leur produit (Bosh) une marque internationale mondialement reconnue. La solidité de leur structure économique est essentiellement due à la solidité de leur processus d'exportation. L'Allemagne est le seul pays de la zone euro à ne pas être affecté par la surévaluation de la parité euro-dollar. Au contraire, il a tiré profit de cette parité grâce à la crédibilité planétaire des ses produits induite à juste titre par la solidité du processus d'internationalisation des firmes allemandes. Contrairement aux idées reçues, le Maghreb, le monde arabe et l'Afrique constituent un futur espace économique important pour les firmes tunisiennes. Elles doivent se positionner tôt sur ces marchés, particulièrement sur les marchés africains. La réalisation d'un tel objectif est tributaire de la capacité de nos firmes à intégrer le processus d'internationalisation. La concurrence sera rude et la présence de nos entreprises dans tous les secteurs d'activités est cruciale dans la pérennité de notre croissance économique. En dehors des considérations économiques, la consolidation de l'implantation des firmes tunisiennes au Maghreb dans l'agroalimentaire, la mécanique automobile, le service, la logistique… permettra l'instauration d'une dynamique d'échange assurant une stabilité politique essentielle pour le maintien et la consolidation du l'UMA (l'Union du Maghreb Arabe). La mutation économique que connaît l'Afrique, particulièrement l'Afrique australe et dans un degré moindre l'Afrique subsaharienne, va générer à l'horizon 2025 une nouvelle dynamique économique qui attirera sûrement la convoitise des investisseurs internationaux. Les enjeux et les perspectives de cette mutation économique en Afrique seront de taille et permettront aux entreprises performantes, développées et à haut degré d'internationalisation de conquérir ce futur riche espace économique. Ce positionnement sur le plan international permettra, par conséquent, à ces entreprises de devenir les locomotives pour le développement de l'économie nationale. Le chemin à parcourir vers l'internationalisation L'amorce du processus d'internationalisation de l'économie tunisienne nécessite particulièrement la mise en place d'une solide stratégie des pratiques de gestion des ressources humaines (GRH). Cette nouvelle stratégie qui doit avoir la double dimension nationale et internationale sera inspirée des spécificités managériales, culturelles, historiques et géographiques de l'espace économique dans lequel nos entreprises opéreront. La GRH constitue un facteur déterminant dans la course vers la compétitivité des entreprises. L'Allemagne, malgré l'absence de son histoire coloniale, a réussi, grâce à son modèle de GRH, à réduire la distance culturelle avec des pays étrangers et d'y instaurer une solide tradition économique. Dans cette optique, les entreprises tunisiennes doivent consolider l'adoption des projets de partenariat avec les entreprises européennes capables de transférer des modes organisationnelles performantes et des bonnes pratiques de GRH. Les préalables à l'internationalisation sont, par conséquent, multiples et couvrent essentiellement les aspects managériales et humains. Les firmes tunisiennes candidates à l'internationalisation doivent, par conséquent, s'inscrire dans une dynamique d'ouverture et de partenariat avec les entreprises étrangères performantes dans une perspective d'acquisition des avantages compétitifs. L'instauration d'une solide tradition de la recherche et développement est aussi un facteur déterminant dans le processus d'internationalisation. L'ouverture de nos firmes tunisiennes sur les marchés étrangers n'est pas seulement tributaire des facteurs endogènes mais aussi de l'efficacité de la formation professionnelle et académique. Les institutions éducatives ont la lourde responsabilité d'adapter leurs systèmes éducatifs aux exigences des entreprises candidates à l'internationalisation. La créativité, la découverte, l'ouverture… sont des valeurs fondamentales de l'esprit de l'entreprise conquérante et compétitive; ces valeurs doivent être inculquées à nos étudiants afin de rendre efficace notre capital humain et approprié aux modèles les plus performants de la gestion des ressources humaines. Le processus d'internationalisation de notre économie doit s'effectuer d'une manière graduelle. Il est, en effet, crucial de renforcer dans un premier temps la capacité d'exportation de nos firmes pour des secteurs bien ciblés comme le service et les industries mécaniques et électriques. Le développement des entreprises tunisiennes, c'est le Maghreb, le monde arabe, l'Afrique au vu des liens culturels existant entre la Tunisie et ces zones géographiques. Les soutiens sans faille à travers les projets Famex 1, 2 et 3, les dynamiques d'ouverture instaurées par l'Etat, l'élaboration des conventions bilatérales de non double imposition… sont des facteurs incitatifs au renforcement de l'export et la consolidation du processus d'internationalisation de notre économie.