Adossée à des peines allant d'une à cinq années d'emprisonnement (en cas de récidive) et à une amende évaluée à 1.500 dinars, la loi 52 ne permet pas au juge de réduire la peine à la lumière de circonstances atténuantes. Elle remonte à l'année 1992 et «fait partie de l'arsenal répressif de l'ancien régime», expliquent plusieurs militants des droits de l'Homme Mais le supplice des condamnés de la loi 52 ne s'arrête pas au stade de la prononciation d'un jugement, estimé trop sévère par la plupart des organisations humanitaires. Leur voyage au bout de l'enfer se poursuit dans un espace carcéral, surchargé, qui incarne en lui-même une torture. Dans son dernier rapport sur la Tunisie, le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a relevé la surpopulation des prisons locales, soulignant que certains lieux de détention étaient remplis à...150 % ! Pour avoir fumé un joint en privé, des jeunes, âgés entre 18 et 30 ans, seront jetés en prison aux côtés de criminels endurcis, dans des conditions de promiscuité considérées comme inhumaines. La dernière affaire des deux jeunes lycéens de Siliana, qui passeront leur bac dans trois mois, arrêtés pour usage de cannabis, a beaucoup ému l'opinion publique. Une fois libérés les ex-détenus, munis désormais d'un casier judiciaire, se verront stigmatisés par la société et encore plus exclus du monde du travail. « Les plus précaires, ceux vivant dans les cités populaires, seront amenés, dans beaucoup de cas, à intégrer les circuits de distribution des stupéfiants, comme seule horizon devant la fermeture de toutes les possibilités d'emploi », enregistre Mehdi Barhoumi, d'International Alert. Béji Caïed Essebsi s'étant engagé durant sa campagne présidentielle à alléger la loi 52, il présente un projet d'abrogation de cette législation en décembre 2015, qu'approuve le gouvernement le 30 décembre de la même année. Des avancées y ont été relevées, dont l'abolition des peines de prison pour les personnes arrêtées une première et une seconde fois dans des affaires de consommation de cannabis et la plus grande place accordée au traitement des cas d'addiction. Mais pour Ghazi Mrabet, le nouveau texte contient encore des défaillances en matière de respect des droits de l'Homme. Il porte atteinte à l'intégrité physique de l'individu « puisque si la personne refuse le test d'urine, elle est passible d'un an de prison », note l'avocat. Il ne distingue pas entre les drogues dures et douces, applique une double peine aux étrangers en leur interdisant de séjourner en Tunisie pendant dix s'ils sont consommateurs et à perpétuité s'ils sont distributeurs et ajoute une nouvelle infraction relative à « l'incitation à commettre des infractions liées à la drogue» « Cette disposition, telle qu'elle est rédigée, s'oppose à la liberté d'expression. Elle pourrait être utilisée pour poursuivre les membres de groupes de rappeurs dont les chansons parlent de zatla, comme celles de Kafon et de Med Amine Hamzaoui », alerte Ghazi Mrabet.