KABOUL (Reuters) — Les plaintes pour fraudes et autres irrégularités affluent après les élections législatives de samedi en Afghanistan, dont les résultats ne sont pas attendus avant la fin octobre. Des urnes des bureaux de province sont déjà arrivées dans la capitale, a-t-on appris auprès de la commission électorale indépendante (CEI), au lendemain d'un scrutin que Kaboul a qualifié de succès en dépit des actes de guérilla des talibans, d'une abstention très importante et d'une fraude qui semble d'ores et déjà généralisée. "Je pense que c'est prématuré, malgré tout le respect que je dois aux autorités afghanes. Elles ont accompli un grand travail mais j'attendrais un peu pour parler de succès", a commenté Staffan de Mistura, représentant spécial du secrétaire général de l'Onu en Afghanistan, interrogé par Reuters. "Si elles considèrent que le succès est d'avoir pu procéder aux élections, alors nous sommes tous d'accord, c'est presque un miracle", a ajouté le diplomate suédois. Les élections font évidemment l'objet d'une attention particulière à Washington, où Barack Obama doit faire un point en décembre sur la stratégie à l'œuvre en Afghanistan et sur le calendrier du retrait des forces américaines. Un échec du scrutin ne ferait pas les affaires de la majorité démocrate à quelques semaines des élections de mi-mandat. Or le bilan ne semble pas des plus brillants. Il y a eu près d'un million de voix de moins qu'à la présidentielle de 2009, 17 personnes ont été tuées dans des attentats et les plaintes pour bourrage d'urnes, votes multiples et autres achats de voix affluent de tout le pays. Les corps de trois agents électoraux enlevés la veille ont été retrouvés hier dans la province septentrionale de Balkh, a annoncé le président de la CEI, Fazl Ahmad Manawi. Les fraudes massives qui ont entaché l'élection présidentielle de l'an dernier avaient déjà considérablement entamé le crédit des autorités afghanes. "Les résultats et la qualité du scrutin ne seront pas visibles immédiatement", nuance l'ambassade des Etats-Unis, dans un communiqué diffusé après la clôture du scrutin. La Fondation afghane pour des élections libres et équitables fait quant à elle état "d'irrégularités à grande échelle", évoquant des destructions de bureaux de vote et des bourrages d'urnes, des heures d'ouverture ou de fermeture arbitraires ou des pressions exercées par certains candidats. Dans un communiqué diffusé sur son site internet, l'organisme invite la CEI "à garantir l'intégrité du reste du processus électoral". La commission a revu hier la participation à la hausse, passant de 3,6 à quatre millions de suffrages, mais ce résultat reste très loin des 7,4 millions de la présidentielle de 2004, la première après la chute du régime taliban, et des 6,4 millions des législatives de l'année suivante. "Cette tendance au déclin traduit plusieurs choses: en premier lieu, une désillusion et un désintérêt croissants pour le processus (électoral), puis les conséquences de l'aggravation de la situation en termes de sécurité", commente sur son blog Martine van Biljert, membre de l'Afghanistan Analysts Network. Selon la CEI, 11,4 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes samedi, mais d'autres organismes fixent leur nombre entre 10,5 et 12,5 millions. La participation est impossible à exprimer en pourcentage "parce que personne ne sait combien il y a d'habitants en Afghanistan", déplore Martine van Biljert. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Onu, a invité les Afghans à s'armer de patience. Les premiers résultats partiels seront communiqués au plus tôt le 8 octobre et les résultats définitifs ne sont pas attendus avant le 30. Ce délai s'explique par l'éloignement et l'isolement de certaines circonscriptions, a fait valoir un membre de la commission électorale. Les résultats, a-t-il poursuivi, devront ensuite être intégrés, "puis nous devrons laisser à la commission des plaintes le temps de les enregistrer et de les vérifier".