Par Azza FILALI En matière politique, il est temps pour l'Occident de réviser sa copie. Aux Etats-Unis, l'élection de Donald Trump prouve, une fois encore, que l'accession au pouvoir suprême est à la portée de celui qui dispose de plus de moyens, et qui sait caresser les foules dans le sens de leurs obsessions archaïques : défense du sol, exclusion des étrangers preneurs d'emplois et terroristes en puissance... Dans tout cela, rien à voir avec la compétence, le niveau culturel ou l'honnêteté financière du candidat ! Qui, parmi les supporters de Trump s'est un instant inquiété de la manière avec laquelle il a bâti sa fortune, de son niveau moral ou culturel ? D'ailleurs, depuis quand la culture est-elle requise pour diriger ce dinosaure que sont les USA ? Depuis son élection, à la Maison-Blanche, pas une semaine sans que Mister Trump ne fasse don à ses concitoyens et au reste du monde de quelque décret aussi néfaste que rocambolesque ! C'est que l'actuel président est fidèle à ses promesses électorales : suppression de « Obamacare », interdiction d'accès aux ressortissants de certains pays musulmans, en dehors des bailleurs de fonds du Golfe ( et de la Tunisie, quel privilège !), libération de la production des gaz à effet de serre, sans égard pour les recommandations internationales, tout cela sans compter le fameux mur de 3.000 km que Donald Trump compte ériger pour empêcher les virus mexicains d'accéder à son territoire de citoyens blancs, croyants et purs. God save America ! Du côté de nos amis français, rien ne va plus et les jeux sont quasiment faits. Voici François Fillon, donné, en novembre, grand favori de la droite et du centre, rattrapé, en janvier, par un scandale d'emplois fictifs (avec salaires exorbitants), accordés à son épouse et ses deux enfants, alors qu'il était député de la nation. Voici Marine Le Pen, également accusée d'avoir conféré des emplois inexistants à deux de ses plus proches collaborateurs et cela en tant que députée européenne. Les deux candidats sont l'un mis en examen, l'autre en passe de l'être. Il est regrettable que des hommes et des femmes politiques, qui prônent la transparence, la rigueur, l'exemplarité, n'aient pas commencé par nettoyer devant leur porte. Il est aussi certain que derrière ces révélations de dernière minute sur les deux malheureux candidats se cachent les intérêts d'autres candidats à la présidentielle. C'est que la politique est toujours sale, même lorsqu'elle veut se donner des allures de dame patronnesse, rôle dans lequel certains médias français excellent... La vérité, toute la vérité, rien que la vérité ! Soyons sérieux : la vérité est une douce utopie, il y a « des vérités », c'est-à-dire des faits conjoncturels, tributaires du lieu et du moment de leur déclaration, valables dans telle circonstance, caduques dans telle autre. En somme, autant de vérités que d'êtres qui les énoncent, les « travaillent », les interprètent, puis en négocient la présentation au public. Du carnaval de Trump, tout comme de la campagne française (qui, vu le mauvais temps sévissant en France, se déroule dans les salles d'audience des tribunaux), que déduire ? D'abord que l'exercice politique est partout logé à la même enseigne, et que les Etats-Unis ou la France, grands donneurs de leçons, ont à leur passif autant de corruption, de malversations que n'importe quel pays au monde, le nôtre en particulier ! Dès lors, ni les Etats-Unis, ni la France n'ont de leçons à donner au monde, qu'il s'agisse de politique ou d'actions caritatives ! N'avons-nous pas appris, ces dernières semaines, qu'au sein des très vertueux « Médecins sans frontières », se cachaient des agents pratiquant la vente d'organes, depuis les pays nécessiteux vers les contrées de nantis ? Est-ce encore une fausse rumeur émanant des médias ? En tout cas, si cela s'avère exact, ce sera l'exemple parfait du troc: un sac de riz contre un rein, une boîte de médicaments contre un foie, tout cela trempé dans la gratitude des miséreux, sans oublier la bénédiction des bien-pensants, et vogue la galère ! La corruption est la sœur cadette du pouvoir. Elle a donc existé de tout temps. Sans doute a-t-elle atteint, ces dernières décennies, des sommets inégalés, en raison de l'appât du gain (on fait le plein avec ce qu'on peut) et de la course effrénée à la consommation qui exige qu'on gagne toujours plus, pour satisfaire des envies érigées en besoins. Dans ce cadre-là, notre pays n'est pas en reste, loin s'en faut : si l'ancien ministre de l'ancien ministère de la Fonction publique a attendu de démissionner pour annoncer qu'une personnalité haut placée se sucrait à coups de milliards, si la Banque centrale de Tunisie est devenue ce bunker impénétrable, aussi secret que le KGB, si les enseignants du primaire et du secondaire ont repris en douce leurs cours particuliers à domicile, interdits par le ministre, si la loi 52 piétine à l'Assemblée, car elle dérange les barons qui tiennent le marché de la drogue, si 100 milliards de médicaments ont été dérobés aux hôpitaux durant la seule année 2015, autant d'illustrations quant à la bonne santé et la prospérité dont jouit la corruption sous nos cieux. Mais le dénigrement seul ne suffit pas. Il est vain de coucher sur papier des programmes de lutte contre la corruption. Quant à l'instance dirigée par « Monsieur Chawki Tabib » (qui mériterait une standing ovation au pays de Donald Trump), elle est pareille à une poignée d'hommes entreprenant, avec peu de moyens, de nettoyer un champ immense et truffé de mines... En vérité, si la politique laisse faire la corruption, seule la politique peut arrêter la corruption. Pour cela, il faudrait des actes, des personnalités publiques interpellées, jugées et condamnées pour malversations. Il faudrait lutter contre le sentiment d'impunité qui a surgi après le 14 janvier 2011 et que les fonctionnaires se remettent à avoir peur d'être sanctionnés ou de perdre leur poste ; il faudrait, par la force, restaurer un seuil minimum d'honnêteté professionnelle. A tout cela, une seule issue : un homme politique fort, déterminé, qui ne soit sous la houlette ni des partis ni de la présidence de la République, qui déciderait d'agir contre la corruption et le ferait. En attendant, contentons-nous de comptabiliser les coups bas des uns et des autres, en nous disant que chez nos « amis », français et américains, la situation n'est pas meilleure. Piètre consolation !