La commission parlementaire du développement régional a présenté son premier rapport sur les régions du Nord-Ouest. Elaboré suite à des visites sur terrain, le rapport relève les principaux obstacles au développement et formule des recommandations propres à aplanir les difficultés Pour la première fois depuis qu'elle a été élue, l'Assemblée des représentants du peuple a organisé hier toute une séance plénière dédiée à la région du Nord-Ouest. La première d'une série qui fera le tour des régions de l'intérieur. En l'absence du chef du gouvernement et en présence de quelques ministres — des Finances, du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables, de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire ainsi que de la Santé, de la Formation professionnelle et l'Emploi — et gouverneurs, l'exercice a suscité beaucoup d'interrogations chez les élus. Certains, comme Mustapha Ben Ahmed (Indépendant) et Fayçal Tebbini (Sawt Al Fallahin), se sont demandé : «A quoi pourrait bien servir une telle séance, mise à part la logorrhée inutile ? « De toutes les manières tout le monde sait de quoi souffrent les régions », lance Mustapha Ben Ahmed, pour qui ce genre de séances n'est pas prévu par le règlement intérieur de l'ARP. Le député Abdelaziz Kotti (indépendant) va même jusqu'a qualifier la séance de « folklorique ». A l'approche des éventuelles élections municipales, la séance avait des airs de campagne. Champs verts et villes pauvres Sous la coupole, les prises de parole se suivent et se ressemblent. Au Kef, à Jendouba, à Siliana ou à Béja, presque les mêmes constats et les mêmes attentes. Les représentants de ces régions déplorent des blocages incompréhensibles de certains projets importants liés au développement. La commission parlementaire du développement régional a présenté, au cours de cette première séance, un rapport élaboré suite à des visites sur terrain effectuées dans les régions par les membres de la commission. Ce rapport rapporte les principales difficultés financières, foncières et juridiques qui font obstacle au développement dans ces régions. Il contient également les points de vue et recommandations des responsables régionaux et des représentants des organisations nationales ainsi que des associations et des députés des régions concernées. Le rapport en question explique ces retards par des obstacles d'ordre financier, procédural, législatif ou foncier. « Des champs verts et des villes pauvres », résume l'un des membres de la commission de développement régional. « Pendant 60 ans, le Nord-Ouest a été marginalisé parce que certains ont décidé que cette région n'ait pas droit au développement », s'indigne le député Abdellatif Mekki (Ennahdha). Lors de son intervention, il a demandé au gouvernement de considérer la région non pas comme un fardeau, mais comme une opportunité. « Si l'on y développe sérieusement l'agriculture par exemple, les Tunisiens auront accès à une nourriture saine et abordable qui permettrait d'en finir avec la malbouffe et donc d'éviter certaines maladies », dit-il. De son côté, à gauche de l'échiquier, Mourad Hmaïdi clame que le diagnostic a déjà été fait, mais que c'est l'approche du gouvernement qui pose problème. Fadhel Ben Omrane (Nida Tounès) se pose pourtant en défenseur du bilan de la majorité. Pour lui, la nouvelle majorité a trouvé des projets de loi dans les tiroirs. « Elle les a sortis et les a votés », lance-t-il, comptant sur le partenariat public-privé et le nouveau code d'investissement. Jendouba, en queue de peloton L'indice de développement régional classe ce gouvernorat à la 24e place, soit en queue de peloton. Une position qui conforte la conviction populiste selon laquelle ce gouvernorat est « puni » par le pouvoir central depuis des décennies. Avec 257 mille hectares de terres arables, les agriculteurs souffrent encore de problèmes liés à l'eau d'irrigation sujette à une mauvaise gestion des ressources hydriques. Les députés demandent également un effacement d'ardoises pour les agriculteurs surendettés. Le rapport de la commission de développement régional explique que la vétusté de l'infrastructure de la Sonede contribue au gaspillage d'une grande quantité de ressources hydriques. Les Jendoubiens souffrent également d'une infrastructure sanitaire des plus délabrées. «Evidemment, il y a un hôpital à Jendouba, sauf que les habitants de ce gouvernorat viennent se soigner à Tunis », ironise Mustapha Ben Ahmed. C'est que l'hôpital de Jendouba manque terriblement d'équipements et de personnel médical. Le député frontiste Mongi Rahoui, pour sa part, demande une révision totale du modèle de développement. « L'humain devra être au centre de tout plan et projet de développement », dit-il. Sur les 673 projets prévus dans le gouvernorat, seuls 29% ont été réalisés ; 43 projets font face à de grosses difficultés de réalisation. La commission a insisté sur la nécessité d'accorder la priorité aux régions dans le cadre du plan de développement (2016-2020), moyennant le recours à l'approche participative au niveau du conseil régional. Béja, le grenier de Rome Jadis, Béja était appelée le « grenier de Rome », mais aujourd'hui la région, comme le reste des régions du Nord-Ouest, souffre d'énormes difficultés. Malgré ses ressources «magnifiques», Béja fait face à une crise de l'eau, qui touche particulièrement les zones rurales. Le député de Machrou Tounes, Noureddine Ben Achour, a révélé lors de son intervention que la construction d'un hôpital dans la région est, depuis plusieurs mois, bloquée en raison d'un problème financier lié au déclassement du terrain. Le Kef perd ses habitants Le constat a été fait par le député Abdellatif Mekki : d'année en année, la région du Kef perd ses habitants. Ils sont, selon lui, en train de quitter la misère du Kef. « La situation est telle que nous ne souhaitons pas avoir plus de projets, mais de préserver ce que nous avons », déclare l'ancien ministre de la Santé. Au Kef, les usines ferment l'une après l'autre. «Aujourd'hui, nous ne faisons qu'essayer de sauver ce qui peut l'être dans la région». Siliana, l'oubliée Siliana n'est pas mieux servie que les autres gouvernorats du Nord-Ouest. Le rapport de la commission de développement régional note, dans cette région, la détérioration de l'infrastructure et des services publics. Malgré la beauté de ses sites, le tourisme n'a pas pu se développer dans cette région. Le rapport recommande notamment au gouvernement de valoriser ses sites touristiques. Il demande également que le projet de construction d'un hôpital à Makthar prévu depuis 2012 voie enfin le jour.