Les enfants de l'immigration viennent nombreux renforcer les rangs du onze national. Un plus incontestable à condition de se mettre au service d'une volonté commune de réussir. Opération portes ouvertes en équipe nationale dont le staff brasse large. On assiste ces derniers temps à une succession d'invitations lancées à des joueurs expatriés pour venir rejoindre les rangs du onze national. Cela semble avoir porté ses fruits puisque le président de la fédération, Wadie Al Jari et le sélectionneur national, Henry Kasperczak, ont réussi à convaincre tour à tour Karim Laâribi, Dylan Bronn, Selim Khelifi et manifestement Karim Rekik de jouer pour l'équipe de Tunisie «A», alors que certains d'entre eux avaient enfilé le maillot national de leur pays de naissance (France, Allemagne, Italie...) quand ils étaient jeunes : U 17, U19, U20, olympiques... La fédération internationale (Fifa) a provoqué il y a quelques mois un véritable séisme en permettant à un binational d'opter, une fois à l'âge des seniors, pour l'autre nationalité que celle qu'il avait choisie au sein des sélections des jeunes. Cela fit le bonheur de nombreuses nations, dont notamment celles maghrébines ou d'Afrique subsaharienne. Une manne du ciel tombée dans l'escarcelle de ces pays-là qui en ont véritablement grand besoin, s'agissant de joueurs formés en Europe, donc selon les standards du football nettement mieux structuré du Vieux continent. Il n'y a peut-être qu'en Tunisie où l'on se permet d'apposer joueurs du cru et joueurs expatriés et que l'on soupçonne d'une certaine manière ces derniers d'exprimer moins de patriotisme que les locaux (comme cela! on décerne des certificats de patriotisme, selon un taux d'attachement aux couleurs nationales dont nos illuminés sont les seuls à maîtriser les critères et les mécanismes d'attribution). On met ainsi l'accent sur les hésitations coupables de ces binationaux à venir rejoindre le team tunisien. Et s'ils rechignent à le faire, c'est sans doute — prétendent-ils — qu'ils calculent, qu'ils pèsent le pour et le contre, qu'ils louvoient, qu'ils tentent de privilégier leurs intérêts, bref qu'ils cherchent à monnayer un tel choix. On rappelle aussi malicieusement que ce n'est pas vraiment ni un choix convaincu ni un choix de cœur, mais plutôt un «pis aller» si l'on peut dire tout simplement parce que ces enfants de l'immigration savent parfaitement que hormis deux ou trois exceptions genre Sabri Lamouchi dans le temps ou Wissem Ben Yedder actuellement, ils ont très peu de chance d'accéder un jour ou l'autre au fruit interdit, à l'équipe de France assimilée au top, à la consécration suprême. Et cela peut se comprendre compte tenu de la dimension à laquelle peut faire accéder cette appartenance, et les horizons infinis qu'elle sait ouvrir. Une fois arrivés au pays d'origine pour satisfaire une convocation, les enfants de la deuxième ou troisième génération sont suivis de près, leurs moindres gestes et attitudes sont épiés... On veut ainsi établir le bien-fondé d'une idée reçue qui donne à croire qu'ils se tiennent à part, qu'ils s'intègrent difficilement, qu'ils ne communiquent pas suffisamment avec les «autochtones», qu'ils prennent un peu de haut les convoqués à partir du championnat de Tunisie. Chasser les préjugés Que de préjugés a-t-on entretenu sur le compte des binationaux de l'équipe de Tunisie depuis les années 1990 lorsque celle-ci avait commencé à compter sur leurs services, soit pratiquement la génération d'Ali Boumnijel, Raouf Bouzayène... Et les choses allaient se compliquer un peu plus une fois nos footballeurs les plus brillants ont appris à franchir plus souvent le rubican et les frontières en partant épouser une carrière professionnelle en Europe (la vague des Zoubeïr Beya, Adel Sellimi, Mehdi Ben Slimène, Nabil Maâloul, Mohamed Ali Mahjoubi...). Avant que la naturalisation des deux brésiliens Francilendo dos Santos et José Clayton ne rende la sélection un peu plus une mosaïque de microcosmes éclatés. Au bout du compte, beaucoup de binationaux donnent le sentiment d'être «plus Tunisiens que les autres», si nous devions nécessairement sacrifier à cette rhétorique d'un populisme primaire. Les derniers noms qui viennent s'ajouter à la longue liste d'expatriés ne vont sans doute pas tous être retenus. Il y a du bon et du moins bons, certains répondant aux attentes, aux critères et au niveau requis, d'autre non. Toutefois, cette ouverture permet au staff technique de bénéficier d'une plus grande marge de choix, de trouver de nouveaux profils formés au sein d'écoles aussi variées et imprégnées de cultures footballistiques aussi vastes. Et qui sait, peut-être nous réserve-t-elle une autre belle trouvaille que le milieu de terrain de Lille, Naïm Sliti lequel a éclaboussé de son talent, immense et indiscutable, la dernière édition de la Coupe d'Afrique des nations. Les binationaux doivent constituer une force et un enrichissement pour le Club Tunisie, et une juste reconnaissance de leur talent et de leur envie d'apporter quelque chose à la mère-patrie pour les enfants de l'immigration dont on peut imaginer la fierté de porter les couleurs du pays de leurs parents. Jouer pour la sélection de ce pays leur assure notoriété et reconnaissance, et peut leur servir de tremplin. Au final, c'est de l'ordre de gagnant-gagnant et d'un intérêt réciproque que doit être appréhendé ce brassage joueurs du cru-binationaux, bénéfique pour toutes les parties et enrichissement culturel du onze national. A condition d'accepter certaines règles du jeu et de respecter les contraintes propres à un projet commun.