La vérité est qu'Issa Hayatou a 70 ans et que le football africain a besoin d'un sang nouveau et de nouvelles énergies. La vérité aussi est que le président sortant a oublié que quoi que l'on puisse avoir, l'on n'a qu'une durée de légitimité déterminée. «Si je pensais que je ne pouvais pas y arriver, je ne me serais jamais présenté», a déclaré Ahmad Ahmad, après le vote, alors que son rival, l'incontournable Issa Hayatou, était escorté en dehors de l'auditorium, refusant de s'adresser aux journalistes. Le Malgache a battu Issa Hayatou par 34 voix contre 20. Les élections et les épreuves ne se gagnent pas par les plus forts ni par les plus avertis, mais par ceux qui y croient... Cette victoire aux élections de la présidence de la CAF n'est pas seulement une surprise de taille, mais elle confirme surtout l'idée que l'Afrique est aujourd'hui prête pour le changement. Les grands événements amènent les grands changements et si on n'est pas prêt à changer, c'est qu'on n'a pas suffisamment évolué. Au fil des années, on ne voyait plus seulement la présence d'Issa Hayatou comme une défaillance du football africain, mais surtout comme une déviance constituée et entretenue. Du côté de la Fifa, ce résultat de vote ne peut qu'apaiser les relations devenues tendues avec la CAF, depuis qu'Infantino a pris la présidence de l'instance, en février 2016, et qu'il était même accusé depuis plusieurs mois de rouler pour le rival d'Issa Hayatou. Le patron du foot mondial, dont l'éventuelle influence dans l'élection reste à établir, y aurait vu un moyen de prendre sa revanche contre Hayatou, qui avait soutenu Sheikh Salman bin Ebrahim Al Khalifa lors de l'élection à la présidence de la Fifa en février 2016 Peu connu, il y a encore quelques mois, Ahmad Ahmad, qui avait accédé à la tête de la Fédération malgache de football en 2003, avait osé annoncer le 13 janvier dernier et à la veille du coup d'envoi de la CAN sa candidature pour la présidence de la plus haute instance du football africain et, surtout, défier une expérience et une sagesse inégalées. Un jour il pourra dire que ça n'a pas été facile, mais qu'il a réussi. Et c'est cela le plus,important. Relativement méconnu par rapport à son adversaire, Ahmad Ahmad a déjoué la plupart des pronostics en obtenant un mandat de quatre ans à la tête de la CAF. Hayatou, 70 ans, dernier dignitaire du foot mondial et épargné par les affaires qui ont emporté Sepp Blatter, Michel Platini et d'autres membres de la Fifa, en était le favori toujours incontestable. Cette initiative avait alors été jugée suicidaire. En 29 ans de règne, deux personnes seulement avaient eu le courage d'affronter Issa Hayatou lors des élections. Mais quelques jours plus tard, sa candidature avait obtenu le soutien des présidents des 14 fédérations de la Cosafa (Conseil des fédérations d'Afrique australe), une position qui avait crispé les relations entre la CAF et la Cosafa, ainsi que des pays anglophones majeurs, comme le Ghana ou le Nigeria, avant de rallier progressivement certains pays francophones. Ancien joueur, entraîneur et ministre des Sports de son pays, le Malgache avait mené sa campagne contre le président sortant en promettant «une transparence dans la gestion» de la CAF et la fin des «pratiques démodées». Le Camerounais, qui dirige l'instance depuis 1988, s'est pour sa part porté candidat pour un huitième mandat. D'abord chambrée, cette candidature a peu à peu fédéré les mécontents des dernières années. Un mécontentement longtemps maîtrisé, des fois aussi dompté, mais qui n'avait cessé de grandir depuis cinq ans. La vérité est qu'Issa Hayatou a 70 ans et que le football africain a besoin d'un sang nouveau et de nouvelles énergies. La vérité aussi est que le président sortant a oublié que quoi que l'on puisse être, l'on n'a qu'une durée de légitimité déterminée. « Ça va, ça avance » «Ça va, ça avance», lâchait Ahmad Ahmad, la veille des élections en Ethiopie. Une déclaration qui pouvait ressembler à une tromperie, alors qu'il sortait d'une réunion avec une quinzaine de délégués seulement. A l'inverse d'Issa Hayatou, qui ne cessait pas ces derniers temps de tenir des propos acerbes, parfois aussi malveillants à l'égard de la Fifa, Ahmad Ahmad s'est tout particulièrement montré fédérateur dans son discours d'avant et d'après le vote. Un discours attractif, dans lequel il précise qu'il ne se porte pas candidat pour servir ses ambitions personnelles, mais plutôt pour assurer que chaque président de fédération puisse s'exprimer librement et participer à l'avenir du football africain. Cela ne paraissait pas le cas d'Issa Hayatou, souvent accusé de favoritisme et de népotisme. Pourtant, aucun des deux hommes ne peut se targuer d'une réputation sans faille. Le nom de Ahmad Ahmad a été aussi cité par le Sunday Times dans l'affaire de corruption qui a entouré l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Selon le journal britannique, il aurait perçu de 30.000 à 100.000 dollars en échange de son vote pour le Qatar, ce que l'intéressé avait démenti formellement. Personnage controversé, soupçonné notamment d'avoir aussi accepté de l'argent en échange d'un soutien au Qatar, Hayatou a toujours rejeté ces accusations. Il n'a jamais été suspendu par la Fifa, dont il avait assuré la présidence par intérim quand Sepp Blatter a été emporté par les affaires et les scandales. Mais il avait reçu un blâme du CIO, dont il est devenu membre en 2001, pour avoir perçu de l'argent de la société de marketing ISL, en charge du marketing de la Fifa et disparue dans une faillite retentissante en 2001.