Le dernier vestige de l'héritage Havelange et Blatter a été réduit en cendres. Issa Hayatou, le vieux lion indomptable, a lancé ses derniers rugissement et sorti toutes ses griffes pour garder le temple africain, mais le vent a déjà tourné. Après 29 ans de règne sans partage, période ponctuée de scandales, d'abus de pouvoir et de fraudes, et également émaillée de quelques coups d'éclat et de certaines réussites, le dernier des Mohicans s'est cassé les dents dans les urnes et sur les ressorts de l'alternance. Une onde de chose ? Loin s'en faut. Le sort d'Issa Hayatou était plus ou moins scellé. Le slogan "Tout sauf Hayatou" a marqué la campagne électorale et le scrutin. Il en était grillé à l'avance. Il a commis des erreurs qui lui ont plombé les ailes au moment où il tentait de prendre un nouvel envol et briguer un nouveau mandat à la tête de la CAF. Il a été rattrapé par ses mauvais choix. Les élections au poste de président de la FIFA, tenues en Février 2016, a constitué le principale motif de grief contre Issa Hayatou de la part aussi bien les africains que les européens, Gianni Infantino à leur tête. En effet, d'une part, les africains ont reproché à Issa Hayatou de ne pas favoriser une candidature africaine et de soutenir le candidat arabe, en la personne de Cheikh Salman Al Khalifa. D'autre part, Gianni Infantino n'a pas apprécié outre mesure qu'Issa Hayatou donne son appui à son principal concurrent et l'a attendu au tournant avec la ferme intention de le déraciner de la CAF. Etant signalé que Gianni Infantino a été élu au second tour, pour un mandat de 4 ans,avec 115 voix contre 88 pour Cheikh Salman Al Khalifa, 4 voix pour le prince Ali Ben Al Hussein et 0 voix pour Jerôme Champagne. Au scrutin africain, Issa Hayatoua subi le retour de manivelle de part et d'autre. Ironie du sort, le jeu démocratique a eu raison de la mainmise du vieux potentat qui a longtemps considéré la CAF comme sa propriété privée et sa chasse gardée. Le concurrent, le malgache Ahmed Ahmed, a emporté haut la mainles élections, avec 34 voix contre 20 au vieux briscard, fauché enfin de son piédestal continental, sur fond de conflit de générations, Ahmed Ahmed étant le cadet de 16 ans de son rival, âgé de 70 ans, et de différence de programmes. Le projet présenté par le 6ème président de l'histoire de la CAF a séduit et a prévalu. Toujours est-il que l'enjeu stratégique et le nouveau modèle de gouvernance du football mondial ont été beaucoup plus décisifs dans la défaite du camerounais que les programmes en compétition. Etant entendu que les idées préconisées par Ahmed Ahmed, en termes de réformes ciblant les contrats, les compétitions, les structures permanentes, les procédures administratives, l'organigramme, la transparence de gestion, la date de la CAN et le nombre de participants et le système de protection des joueurs et des clubs africains, s'inscrivent bien dans la vision de l'homme fort de la FIFA, une certaine communauté de vues qui a aidé à bombarder le malgache sur le toit de l'Afrique. Le rôle joué par le président de la FIFA, Gianni Infantino, dans la chute fracassante d'Issa Hayatou n'est pas à démontrer. Il a voulu sa tête et il l'a eue. Est-ce fortuit que le Conseil des Associations d'Afrique Australe, réuni le 11 Février 2017 à Johannesburg, ait décidé, d'une manière unanime et sans réserve, de soutenir la candidature d'Ahmed Ahmed après le périple qu'a effectué Gianni Infantino dans la région, visitant tour à tour Zimbabwe, Swaziland, Ouganda, Rwanda, Ghana, Tchad , Niger et Mauritanie. Le nouveau maitre de la FIFA n'a pas laissé trainer le mystère sur sa farouche volonté d'évincer le clan Blatter, dont faisait partie Issa Hayatou, et de mettre, en lieu et place, ses propres hommes de confiance ou de main.Les symboles et les piliers de l'ère Blatter devaient être délogés, mission accomplie ! Gianni Infantino a mis tout son poids pour assurer la mue des confédérations régionales, en particulier la CAF, et, à cet effet, pour faire tomber Issa Hayatou sur ses propres terres. D'aucuns ont estimé, à juste titre d'ailleurs, que l'inamovible Issa Hayatou aurait dû sortir par la grande porte, la tête haute, et se garder de se présenter aux dernières élections, mais si le pouvoir use, il brouille aussi et surtout la vue de son titulaire. La longévité ébrèche la lucidité. Issa Hayatou l'a appris à ses dépens. Il n'a jamais été dans la confrontation mais dans la magouille, jamais dans la communication mais l'opacité, il n'aime ni la transparence ni le partage. Le trône sur lequel il a tenté de s'éterniser se dérobe aujourd'hui sus ses pieds. Le discernement n'était pas son fort sinon il aurait anticipé sur le revers assourdissant qu'il a subi de plein fouet et décidé de se contenter de sept mandats, au lieu d'en postuler à un huitième. Il n'a pas compris que les casseroles qu'il trimbalait et les défaillances d'image, de crédibilité et de gestion qu'il accusait constituent un lourd tribut dont il devait s'acquitter un jour ou l'autre. Il rentrera au Cameroun, la tête basse et le bilan trop mitigé. Il a voulu mourir au pouvoir, portés à bout de bras par ses courtisans et ses caciques qu'il a choisis et mis aux grands postes, comme sa première ligne de défense et bouclier avancé de son empire. Il a manipulé et instrumentalisé, à sa guise et sur mesure, les statuts de la CAF pour durer le plus longtemps possible, mais cette dévorante et non moins accablante ambition lui a été fatale et contribué à l'éjecter de son siège de monarque à la CAF. Plus dure aura été la chute. Et c'est tant mieux !