Le Danemark a réussi à réaliser une augmentation sensible de la productivité et une amélioration nette du taux d'emploi grâce au régime des 32 heures. En Tunisie, le passage du régime des 48 heures à celui des 40 heures de travail par semaine permettrait la création de 273 mille nouveaux emplois (Houcine Rehili, spécialiste du développement durable) A la Maison de la culture Ibn Rachik, l'Association des recherches économiques et sociales Mohamed Ali Hammi, « Ares », a, récemment, organisé un séminaire autour de la thématique «La crise économique en Tunisie : structurelle ou conjoncturelle ? ». Dans son intervention intitulée « La crise des finances publiques en Tunisie : la crise des choix faciles », le président de l'association, le juriste et expert, Mahmoud Mtir, s'est attelé à en expliquer les raisons profondes. C'est la chute de l'économie, provoquée par la crise bancaire, qui se trouve à l'origine de la baisse sensible des ressources. Cette situation a poussé les Etats à augmenter les dépenses, soit pour soutenir les entreprises en difficulté, soit pour aider les travailleurs licenciés. D'où le déficit du budget qui a développé l'endettement. A propos des finances publiques, qui souffrent d'un grand déséquilibre budgétaire, Mtir explique que ce déficit constant de l'ordre de 6% amène les gouvernements successifs à recourir à l'endettement d'une manière permanente et systématique, et la crise devient, ainsi, structurelle, c'est-à-dire que la maladie est dorénavant chronique et non plus conjoncturelle. En ce sens que l'on s'endette pour couvrir le déficit occasionné par les dépenses, et non pas pour produire de la richesse. Concernant les ressources, on se représente mieux la gravité de la situation, lorsque l'on sait qu'elles proviennent, essentiellement, des ressources propres qui sont de l'ordre de 75% dont 90% en recettes fiscales auxquelles il faut ajouter des rentrées exceptionnelles telles que celles provenant des biens confisqués, et 10% non fiscaux, provenant, par exemple des phosphates et du pétrole. Il s'ensuit que les établissements publics, à l'instar des banques publiques et des caisses sociales, dans lesquels l'Etat a injecté des sommes colossales pour assurer leur redressement, et qui participent aux finances publiques à hauteur de 10%, sont devenus une charge pour l'Etat, à cause de la corruption qui les ronge et la mauvaise gouvernance qui entrave leur bon fonctionnement. Ce qui participe encore à ce déficit, c'est le non-recouvrement des fonds constatés ainsi que la fraude et l'évasion fiscales, sachant qu'entre 50 et 60% des prestataires ne font pas de déclaration auprès du fisc pendant une période de trois ans. D'autre part, le budget de l'Etat est alourdi par les dépenses, dont les dépenses salariales qui s'élèvent jusqu'à 60%, et le service de la dette qui atteint les 25%. D'où la pressante nécessité de réformer l'administration et les établissements publics et de lutter efficacement contre la corruption, l'évasion fiscale et la contrebande, conclut l'expert. Revoir le régime de travail Développant la thématique « Le chômage et le défi de l'emploi en Tunisie », le spécialiste en développement durable, Houcine Rehili, précise que la masse salariale représente 14% du PIB. Toutefois, l'allègement de cette charge ne réside pas, selon lui, dans le non-recrutement dans la fonction publique, comme le prétendent le FMI et ses partisans, étant donné qu'en France, à titre d'exemple, le nombre des salariés est très important : 5,6 millions représentant 8,6% de la population. La solution réside dans l'amélioration du PIB et le redéploiement des fonctionnaires, notamment dans le secteur des services. Pour améliorer le taux de productivité, l'expert fait remarquer qu'il faudrait revoir le système du travail dans le sens de la réduction du nombre d'heures. Autrement dit, on devrait passer du régime des 48h au régime des 40h. Cela permettrait également de créer 273 mille nouveaux postes d'emploi. D'ailleurs, la perte de postes d'emploi n'est pas due seulement au choix de ce système aussi onéreux qu'infructueux, mais aussi à la mauvaise gouvernance, comme le montre l'exemple de la Steg où le budget est dilapidé avec 1 million 200 mille heures supplémentaires. D'après de récentes études scientifiques, il s'est avéré que le régime de la séance unique est beaucoup plus rentable que celui de la double séance, car, au-delà de 3h à 4h en moyenne, la concentration de l'employé baisse sensiblement, ce qui ne permet donc pas d'améliorer la productivité, mais, bien au contraire, participe à augmenter les charges en énergie, la consommation de papiers et autres, pour les établissements et les entreprises. L'exemple type en la matière, avancé par Rehili pour appuyer sa thèse, c'est celui du Danemark où on a réussi à réaliser une augmentation sensible de la productivité et donc une amélioration nette du taux d'emploi grâce au régime des 32h. « Nos responsables devraient s'en inspirer, à moins qu'ils ne pensent qu'ils s'y connaissent mieux que les Danois dans ce domaine », ironise l'expert. Il trouve que s'ils tiennent obstinément au régime de travail actuel de la double séance et des 48h, qui est très coûteux pour la communauté nationale à tous les niveaux, c'est parce qu'ils n'accordent aucune dimension sociale au processus de production. La remédiation à la situation exige que l'on passe d'un régime productif à un régime social, que l'on privilégie le développement et non pas la croissance, comme au temps de Ben Ali.