Fervent défenseur de la pérennité du Cnas parmi les structures de la juridiction sportive, Mehrez Boussayène, président du Comité national olympique tunisien (Cnot), s'est longtemps opposé à l'annulation par la grande famille du football de cet ultime recours, ce qui pénalise les clubs les moins nantis. La dernière visite d'une délégation du Cnot au siège de la FTF a permis de rapprocher les points de vue sur la place du Cnas dans les juridictions sportives. Quel accord a-t-il été rejoint ? D'abord, cette visite s'inscrit dans le cadre d'une démarche stratégique adoptée par le Comité exécutif du Cnot dès sa première réunion après les élections et qui consiste à effectuer des visites à toutes les fédérations, soit à leurs sièges, soit sur leurs lieux d'activité. Bien sûr, si nous avons choisi de commencer par la FTF, c'est parce que nous voulions marquer l'importance du monde du football dans la consécration de la solidarité qui doit présider à l'ambiance entre les différents membres du mouvement sportif. D'ailleurs, nous avons enchaîné avec le tir, le basketball et la pétanque. La visite à la FTF n'avait donc pas pour objet, uniquement, la place du Cnas dans les juridictions sportives. L'objectif essentiel de cette initiative était d'établir un pont de concertation entre le Cnot et la fédération la plus importante du pays de par sa gestion du sport populaire numéro 1, en vue de s'accorder sur une approche commune dans l'accomplissement de la mission qui leur est dévolue pour la consécration du rôle du sport dans l'édification de la Tunisie nouvelle dans cette phase cruciale de son histoire. Plus que jamais, nous croyons que l'olympisme, le sport, et, plus particulièrement le football peuvent apporter des solutions tangibles à la situation de crise qui sévit. Partout dans le monde, le sport est considéré comme un moyen fondamental pour le développement et la paix. D'ailleurs, la Tunisie, comme tous les pays du monde, célébrera jeudi 6 avril la Journée Internationale du Sport au service du Développement et de la Paix, telle que décrétée par l'Organisation des Nations unies après concertation avec le Comité International Olympique, en novembre 2013. C'est donc, plutôt, dans cette optique que s'inscrit notre visite à la FTF. Bien évidemment, le volet du Cnas et du système de règlement des conflits sportifs, qui constituait, jusqu'alors, un point de discorde, était également au centre des discussions qui étaient empreintes, il faut le dire, de cordialité, de compréhension mutuelle et d'une franche volonté de dépasser les différends. Il en est ressorti une convergence des points de vue quant à la nécessité de réfléchir, ensemble, et avec toutes les parties concernées sur les mécanismes à même de garantir l'indépendance totale (administrative et financière) du Cnas et le traitement de tous les conflits avec le maximum de justice et d'équité. Cette réflexion est, d'ailleurs, engagée. Elle devrait aboutir très vite, comme le stipulent les nouveaux statuts du Cnot adoptés lors de l'assemblée générale extraordinaire, le 5 février dernier, à la création d'une association complètement indépendante. «Une sortie de devises qui ne sert pas les intérêts du pays» Quel nouveau look voyez-vous pour le Cnas dans le football ? Le look qui est le sien. Un cadre d'arbitrage d'ultime recours pour toutes les composantes d'une même famille, y compris le football qui, comme je l'ai souligné, est le sport populaire numéro 1 du pays, ce qui lui confère un rôle naturel de locomotive. Bref, à travers le Cnas, le football et tous les autres sports s'aligneront sur la même ligne et donneront un signal fort de cohésion, de solidarité et de symbiose avec les institutions nationales. Le recours au TAS est-il à la portée de tous les clubs ? Quelles difficultés comporte-t-il ? Avec un système national de règlement des conflits fort, indépendant et transparent et qui soit l'émanation de toutes les parties prenantes, il n'y aura plus besoin de recourir au TAS. Le grand avantage d'un tribunal national, justement, c'est de permettre à tous les clubs, et particulièrement aux moins nantis, d'entre eux, d'être traités sur un pied d'égalité, et de pouvoir défendre leurs droits avec le minimum de moyens. En outre, et d'un point de vue purement économique, le recours au TAS se traduit par une sortie de devises qui ne sert pas les intérêts du pays en cette période de crise. Déjà que le financement de la préparation de nos sportifs d'élite à l'étranger, et particulièrement les résidents d'entre eux, n'est pas toujours facile à assurer. «Les affaires du sport doivent être traitées en famille» Dans la composition du nouveau bureau du Cnas, quels sont les critères qui ont été privilégiés par le Cnot ? Les critères d'éligibilité au Cnas sont fixés par les statuts du Cnot. Ils englobent : - La compétence et la spécialisation dans le domaine du droit (magistrats, avocats, professeurs universitaires...) - Une ancienneté de 15 ans - Outre l'intégrité et la moralité. Cela dit, la constitution du bureau du Cnas est complètement libre. Ses cinq membres ont été élus parmi neuf candidats lors de l'Assemblée générale élective du Cnot par l'ensemble des fédérations nationales, le 12 mars dernier. Les membres élus se sont ensuite réunis et ont procédé à la répartition des tâches. Quelle est l'importance des juridictions sportives dans l'organisation sportive aux yeux du Cnot ? Le sport est avant tout Ethique et Valeurs. Les différends, qui peuvent surgir entre les membres qui le composent, ne doivent pas être portés devant les tribunaux de droit commun. Ils doivent être traités au sein d'une juridiction spécifique qui prend en compte la noblesse du sport et les spécificités qui caractérisent ses différents membres. D'ailleurs, je souhaiterais personnellement que le Cnas qui, bien sûr, constitue l'ultime recours, soit saisi de moins en moins par les clubs et les autres acteurs du sport. Les «affaires» d'un même sport doivent être traitées en famille, c'est-à-dire au sein de la fédération. Le Cnas devrait être saisi dans les cas extrêmes. Mais son existence est impérative en tant que garant de droit. «S'inscrire dans la qualité et la performance» Quelles seront les priorités de votre second mandat à la tête du Cnot ? Consolider les acquis à travers une meilleure gouvernance, en faisant prévaloir les valeurs et la performance. En un mot, faire honneur au drapeau. Car, il n'y a pas de meilleure visibilité dans le monde que la scène olympique pour réhabiliter l'image de marque de notre pays et lui assurer le rayonnement international souhaité. Nous avons réalisé une bonne partie de ces objectifs lors du mandat précédent grâce à de nouveaux champions, comme Inès Boubakri, Marwa Amri et Oussama Oueslati, mais aussi grâce à un partenariat efficient avec le ministère des Sports et d'autres départements ministériels et institutions publiques et privées sur plusieurs projets qui ont valu à la Tunisie un droit de cité au premier plan de l'Afrique d'abord, et puis parmi les Comités nationaux olympiques les plus dynamiques et innovants dans le monde. Nous aurions pu mieux faire si nous avons bénéficié de plus de moyens et si nous pouvions compter sur de meilleures ressources humaines et une administration plus solide. Nous allons travailler là dessus de suite pour pouvoir mettre en œuvre notre nouveau plan stratégique. Autrement dit, nous allons nous inscrire dans la qualité et l'excellence qui constituent l'une des valeurs de l'olympisme. Bien sûr, nous allons œuvrer pour récolter plus de podiums aux Jeux olympiques de Tokyo 2020, en passant par les Jeux olympiques de la jeunesse de Buenos Aires 2018 et tous les autres jeux multidisciplinaires. Nous avons déjà mis la machine en marche. Mais, nous comptons aussi donner la priorité à la vulgarisation des valeurs olympiques à travers, non pas d'actions isolées, mais de véritables projets, qui mettront à contribution les établissements scolaires, les organismes de l'environnement, et le tissu associatif. Bref, il faudrait que l'olympisme devienne une culture chez nous, car c'est, aujourd'hui, un vecteur de changement primordial, porteur d'espoir, de partage et de bien-être. Et nous allons beaucoup compter sur le gouvernement pour adopter la philosophie de l'olympisme dans la politique de développement. De quelle façon la recrudescence de la violence dans le football interpelle-t-elle le Cnot et constitue un motif d'inquiétude pour lui? Ce sera l'un des axes stratégiques du Cnot pour l'exercice 2017-2020. Nous avons lancé l'idée d'un grand projet pour contribuer à la lutte contre la violence et qui consiste à nous rapprocher des clubs à forte assise de supporters. Sur le plan purement opérationnel et technique, nous prônons la nécessité de réviser le système sécuritaire dans nos stades. Tout en appelant l'ensemble des intervenants de la sécurité et le ministère public à appliquer rigoureusement la loi. C'est une urgence absolue. Il y a des expériences réussies dans le monde, dont il faudra s'inspirer. Encore faudra-t-il que la volonté politique y soit. Mais la solution radicale est à envisager sur le long terme. C'est une question de culture et de mœurs. Sur ce plan, et comme je l'ai dit, il va falloir travailler tous ensemble sur la promotion des valeurs olympiques. C'est pourquoi le Cnot va proposer aux clubs la création d'académies olympiques des supporters. C'est un programme d'Education des valeurs olympiques qui s'adressera aux comités des supporters, lesquels seront appelés à le transférer parmi les fans. Il va nécessiter, des fonds et nous souhaitons que le gouvernement s'y investisse, car nous pensons que ses retombées sur l'assainissement de l'atmosphère dans nos stades est énorme.