Une des défaillances majeures du système éducatif a trait au manque d'intérêt flagrant à la formation pédagogique et aux sciences de l'éducation. Les enseignants universitaires entrent en relation avec leurs étudiants sans style ni technique pédagogique, car ils n'ont pas été formés, ce qui touche à leur efficacité, à leur pertinence et à leur efficience et ce qui explique le niveau bas pour 83% des diplômés de l'université La faculté de médecine à Sfax vient d'abriter un forum international de trois jours consacré au thème : « La pédagogie à l'université et la formation des enseignants : état des lieux, pratiques pédagogiques et pistes d'amélioration ». Ont pris part aux travaux du forum des pédagogues et des spécialistes de Tunisie, Algérie, Maroc, France, Canada (Quebec) et Belgique. Braquant la lorgnette sur l'état des lieux en matière de pédagogie à l'université au cours de la séance d'ouverture, le professeur Mohamed Ben Fatma, docteur en sciences de l'éducation, expert international en évaluation des réformes du système éducatif et président de l'Association des sciences de l'éducation, n'a pas hésité à parler de «crise structurelle du système éducatif tunisien qui dure depuis vingt ans, d'une part, parce qu'il est en décalage par rapport aux normes internationales en matière de formation universitaire et de recherche scientifique, et, d'autre part, en raison de l'absence d'une stratégie bien définie à même de répondre aux besoins et de gérer les effectifs pléthoriques d'étudiants. La crise structurelle de l'enseignement supérieur en matière de pédagogie se présente sous deux angles, ceux de la pédagogie en tant que discipline d'enseignement au même titre que les autres disciplines et la pédagogie comme outil pour amener les enseignants à parfaire et à améliorer leur action en classe». Dysfonctionnements La crise a, selon le conférencier, engendré un grand nombre de défaillances et de dysfonctionnements, «soit une carte universitaire défigurée caractérisée par la multiplication des universités et des institutions dépourvues des conditions les plus élémentaires d'épanouissement, de développement et de rayonnement, par l'hégémonie de l'administration aux dépens des besoins académiques et par la baisse préoccupante du niveau scientifique des diplômés voués par conséquent au chômage». Le docteur Ben Fatma signale que dans ce contexte global, l'une des défaillances majeures du système éducatif dans le pays a trait au manque d'intérêt flagrant à la formation pédagogique et aux sciences de l'éducation : « Même les réformes de 1990 et 2002 ont été menées de façon traditionnelle par des gens ayant de l'expérience pédagogique mais à qui la formation académique en matière de méthodologie faisait défaut». Conséquence directe de l'ensemble des défaillances diagnostiquées : «Les enseignants universitaires entrent en relation avec leurs étudiants sans styles ni techniques pédagogiques, car ils n'ont pas été formés, ce qui touche à leur efficacité, à leur pertinence et à leur efficience et ce qui explique le niveau bas pour 83% des diplômés de l'université», déplore le professeur Ben Fatma. D'où la nécessité d'adopter une vision sur des bases scientifiques, de cogiter et d'engager la réflexion dans le cadre de commissions élargies pour essayer de résoudre ce problème, « Ce qui n'est pas l'affaire de simples professeurs, de simples chercheurs ou de spécialistes en didactiques mais d'experts en sciences de l'éducation». Conseil supérieur de l'éducation indépendant Le conférencier a souligné que pour entreprendre une réforme il faut une bonne infrastructure de base comprenant un conseil supérieur de l'éducation indépendant du ministère de l'Education et de l'Enseignement supérieur, une faculté des sciences de l'éducation, qui formerait les enseignants, les experts en pédagogie, les évaluateurs, les spécialistes en construction de manuels scolaires, etc., en plus d'un institut national d'évaluation du système éducatif et d'une charte nationale de l'éducation qui sera la « constitution » en matière d'éducation. Soit des institutions indépendantes de la tutelle des ministères de l'Education et de l'Enseignement supérieur. Il rappelle à ce propos qu'il a présenté un projet en ce sens aux autorités compétentes. En attendant, l'absence de formation en pédagogie et en psychopédagogie, pour les enseignants, continuera à se répercuter sur la qualité de l'enseignement dispensé par les professeurs universitaires, incapables de réaliser convenablement leurs objectifs didactiques, et par là-même sur celle de la formation des apprenants dépourvus des aptitudes requises par le marché de l'emploi.