• La réorganisation de l'université doit se faire, pour répondre en définitive à trois exigences, à savoir l'exigence académique traditionnelle d'enseignement et de recherche et l'exigence sociale du développement intellectuel et culturel de la communauté, permettant aux jeunes de jouer leur rôle de citoyens Les problèmes de l'université tunisienne consistent à former chaque année des milliers de diplômés dans différentes spécialités sans qu'ils ne puissent tous dénicher malheureusement des emplois stables dans des entreprises ou être en mesure de créer des projets rentables. Mais les problèmes de l'université tunisienne qui se sont accumulés au fil des ans dépassent en fait la simple question de la formation. La gestion des affaires estudiantines, les interventions du conseil scientifique, le rapport entre les enseignants et les étudiants sont autant de points qui méritent d'être soulevés pour faire de notre université un lieu de savoir géré de façon rationnelle. Lors du Forum sur «l'université tunisienne avant et après la révolution», organisé le week-end dernier par un groupe d'enseignants (voir La Presse du 19 mars 2011), un certain nombre d'intervenants ont fait un exposé sur la situation de l'université et ont formulé des propositions pour assurer la réforme du système de l'enseignement supérieur. Professeur Ben Slimane a présenté des pistes «pour une nouvelle université tunisienne». Selon lui, «l'université tunisienne devrait nous aider à définir, à penser et maîtriser notre insertion dans l'économie et la société mondiales». D'où la nécessité d'adapter l'université à ce nouvel environnement pour répondre aux exigences économiques, techniques, sociales et culturelles. Il faut donc «agir sur cet environnement en fonction des choix de notre société civile, des jeunes Tunisiens et des différents acteurs locaux», a-t-il souligné. Evoquant la mission de l'université, M. Ben Slimane indique que celle-ci est chargée de forger une idée de l'homme, du Tunisien, du citoyen du troisième millénaire. L'université est particulièrement appelée à fournir les connaissances nécessaires. Ces derniers doivent avoir l'opportunité de choisir, décider et construire la Tunisie de demain. M. Ben Slimane appelle donc à la démocratisation de l'enseignement supérieur qui est un choix irréversible pour la Tunisie. Une telle démocratisation est nécessaire car elle permet la mobilité sociale des classes défavorisées. Elle permet aussi de corriger les inégalités qui peuvent augmenter vu la libéralisation à outrance. Enfin, la démocratisation élève le niveau éducatif et culturel. Actuellement, la formation en cours d'application est critiquée de toutes parts. Certes, des réformes ont été effectuées, mais les experts ont négligé le coordination et la concertation avec les départements compétents. Une pénurie des outils didactiques, de bibliothèques et de documentation est même constatée dans la majorité des institutions. Une architecture interactive M. Ben Slimane pense que la formation doit répondre à trois types de besoins, en l'occurrence les exigences du monde du travail et de la profession, les exigences sociales et culturelles. L'étudiant doit avoir la faculté d'une «distance-critique» et une capacité d'évaluation du processus. Les méthodes et les contenus doivent évoluer vers l'interdisciplinarité vu la volume important des connaissances à transmettre. Les nouvelles technologies peuvent être intégrées à cette démarche éducative. L'interdisciplinarité doit se baser sur une architecture interactive entre plusieurs disciplines autour des thématiques d'enseignement dont l'organisation est souple, efficace et spécifique au double plan pédagogique et institutionnel. Car le bilan de la pédagogie actuelle est négatif, se limitant à la mémorisation des connaissances. L'attitude de l'édudiant est souvent passive. L'orateur prône également une spécialisation de l'étudiant surtout aux deuxième et troisième cycles, une évaluation des formations dispensées dans les différents départements. Une refonte totale dans le sens de la souplesse et de la diversification doit toucher aussi le système des examens, la séparation entre les premier, deuxième et troisième cycles, les diplômes, l'apprentissage en cours magistral … Pour ce qui est du métier d'enseignant-chercheur, M. Ben Slimane a également des constats et des propositions à formuler à qui de droit. L'exercice du métier est caractérisé par la diversification. Il est nécessaire, cependant, d'assurer la cohérence entre les différents apports pour plus d'efficacité. Le travail en équipes polyvalentes avec des équipes extérieures est certainement enrichissant pour la formation. Une révision fondamentale du statut est également demandée pour répondre à la diversité des activités et des profils en aménageant des itinéraires des professionnels souples et variés. Suivi et contrôle des électeurs A ne pas négliger non plus la formation pédagogique et le recyclage des enseignants. S'agissant des structures universitaires, il est recommandé à court terme de revoir la compositon et le mode de fonctionnement des instances de gestion universitaires, y compris les départements, les assemblées générales des enseignants mais aussi les conseils scientifiques et ceux de l'université. Il faut responsabiliser ceux qui sont mandatés sur la base d'un programme de travail qui fait l'objet d'un suivi et d'un contrôle par les électeurs. A moyen et long terme, un débat et une réflexion doivent être organisés sur l'université tunisienne du 21e siècle. La réorganisation de l'université doit se faire, pour répondre en définitive à trois exigences, à savoir: l'exigence académique traditionnelle d'enseignement et de recherche et l'exigence sociale du développement intellectuel et culturel de la communauté, afin de permettre aux jeunes de jouer leur rôle de citoyens. A tenir compte aussi de l'exigence professionnelle pour former des spécialistes. Le système universitaire doit être différencié et peu hiérarchisé. Trois espaces concentriques doivent être fonctionnels qui sont les pôles de recherche, un espace accueillant les établissements qui assurent l'acquisition des connaissances, académiques (organisation d'activités culturelles, syndicales des enseignants et des étudiants), et une serie d'ateliers pour la formation professionnelle et la spécialisation. Dans ce même ordre d'idées, Mme Anissa Ben Hassine, maître-assistante, enseignante universitaire, estime qu'elle n'a jamais été consultée pour donner son point de vue sur une question d'ordre professionnel. Elle confirme que des réformes profondes doivent être introduites sur l'université tunisienne. Elles doivent concerner le système LMD, contenu et types de cours, recrutement et formation, promotion des enseignants-chercheurs…La réforme doit concerner aussi le fond pour toucher l'infrastructure, l'aspect décentralisation et autres. Elle souhaite également que des réformes soient engagées pour un meilleur «vivre-ensemble» dans les universités. Il faut agir, à cet effet, sur l'horaire des cours, le rythme universitaire, disponibilité des salles de prière…D'où la nécessité de combattre la centralisation et l'unilatéralisme des décisions. La démocratisation de l'université tunisienne s'avère la meilleure solution, selon Mme Ben Hassine. «La participation des parties prenantes devrait être la norme dans notre université avec l'instauration du principe des élections pour tous les preneurs de décisions». Lieu de décision collégiale, l'université ne doit pas être gérée par des gens qui ne pensent qu'à leur intérêt personnel à court terme. Une autonomie doit être garantie aux présidents d'universités et aux directeurs d'institutions d'enseignement supérieur et de recherche…