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Enseignement supérieur: assurance qualité et éthique
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 07 - 2015


Par Oum Kalthoum BEN HASSINE*
Depuis les années 2000, le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique s'est engagé dans une course à l'excellence où la compétition entre les universités du monde est devenue un enjeu majeur et la recherche de l'excellence une priorité des politiques publiques des pays (Pol, 2012). Dans cette concurrence, régie par des systèmes de classements internationaux comme celui de Shanghai (Academic Ranking of World Universities) qui établit des comparaisons entre les universités ou Webometrics qui mesure la présence et la visibilité des universités sur le web, il est tenu compte de la qualité qui est mesurée par la pertinence, l'impact des activités, la productivité scientifique et la visibilité internationale des meilleurs enseignants, des meilleurs chercheurs et des meilleurs étudiants. Ainsi, l'assurance de la qualité, qui s'inscrit désormais dans une quête de l'excellence, permet d'une part de créer une université de rang mondial qui se place au cœur de l'écosystème de l'innovation et, d'autre part, d'assurer le rayonnement scientifique international de l'université et du pays. Elle représente aujourd'hui la seule façon d'inscrire l'enseignement supérieur et la recherche scientifique dans le temps et dans l'espace mondial. Toutefois, pour ce faire, la qualité doit se rattacher au contrôle et à l'évaluation sur la base de critères objectifs, à la fois scientifiques et pédagogiques. En effet, l'évaluation de la qualité est la première étape vers une assurance qualité (Corsini, 2014).
Or, l'examen des différentes publications annuelles du classement académique des universités mondiales (Arwu), depuis sa première édition en 2003, montre qu'aucune université tunisienne ne figure parmi les mille meilleures universités dans le monde. Il en est de même dans le classement mondial Webometrics (publié tous les six mois depuis 2004) qui mesure la présence et la visibilité des universités sur le web, en tenant compte de la pertinence et de l'impact de leurs activités et de leurs productions. Sans compter qu'au niveau africain et selon ce dernier classement (édition 2014), la première université tunisienne (l'université virtuelle) occupe la 89e place, derrière l'Algérie et le Maroc.
Cet état de fait impose une évaluation de la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique tunisiens et un diagnostic de leur performance et de leur pertinence afin d'identifier les problèmes majeurs et de procéder à l'élaboration de propositions concrètes pour l'amélioration de leur qualité. Ainsi, afin de comprendre les causes de ce mauvais classement de nos universités, il convient de préciser les caractéristiques et les objectifs d'un enseignement supérieur de qualité mais aussi d'identifier les obstacles qui peuvent entraver l'assurance de cette qualité.
En nous référant aux standards internationaux et notamment aux rapports de la Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, nous pouvons définir un enseignement supérieur de qualité comme étant un système de formation ouvert, inclusif, transparent, basé sur les normes éthiques et qui vise, par la formation et la recherche, l'acquisition (par les étudiants) et l'élaboration (par les apprentis chercheurs) de connaissances approfondies et diversifiées nécessaires pour la préparation aux emplois durables et au développement personnel. Pour cela, ce système doit s'appuyer sur des enseignants chercheurs qualifiés qui apportent aux étudiants et aux chercheurs, outre les compétences professionnelles (savoir, savoir-faire, savoir-être) indispensables, un esprit critique, des compétences transversales (permettant l'adaptabilité), des compétences démocratiques (ou savoir citoyen ou éducation à la citoyenneté démocratique préparant à une vie de citoyen actif) et des compétences interculturelles (relatives aux capacités sociolinguistiques, de communication et d'échanges et empathie).
En partant de ce postulat et d'un recul de plus de 40 ans dans l'enseignement supérieur et la recherche scientifique, je peux affirmer aujourd'hui que l'enseignement supérieur tunisien est loin d'être un enseignement de qualité. En effet, les obstacles à l'assurance de la qualité dans ce domaine sont multiples et les raisons de sa dégradation, de plus en plus accélérée, se rattachent aux étudiants, au personnel académique et scientifique, aux programmes de formation, aux conditions et à l'ambiance de travail et au fonctionnement des structures de l'enseignement supérieur.
Ces obstacles peuvent être scindés en deux types de difficultés (Jacqueyrie, 2001):
— les difficultés générées par la notion de qualité elle-même (qualité des enseignants-chercheurs, qualité des programmes de formation et de recherche, qualité des étudiants, qualité de la gouvernance) qui sont discernables et qui peuvent être qualifiées d'obstacles visibles, en relation avec l'équité des acteurs et l'accomplissement de leurs devoirs;
— les difficultés liées au facteur humain c'est-à-dire aux comportements individuels ou collectifs dus au manque de communication et à la non-adhésion aux valeurs éthiques, qui ne sont pas apparentes et qui peuvent constituer les obstacles invisibles.
Dans cet exposé, je m'attacherai à développer surtout les obstacles visibles.
Parmi les obstacles visibles figure un premier ensemble de difficultés que l'on peut grouper sous l'intitulé «qualité du personnel académique et scientifique». En effet, la performance de tout système d'enseignement supérieur est en fonction de la qualité de son personnel enseignant. L'enseignement supérieur tunisien, qui n'échappe pas à cette règle, souffre d'un manque d'enseignants aptes à accomplir de manière adéquate leur mission de formation des ressources humaines (Jelmam, 2005) et à contribuer de façon efficace au développement global de la société. Ceci participe, pour une large part, à la dégradation de la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Diverses raisons sont à l'origine de ce constat dont les principales sont :
— le manque de professionnalisme et d'aptitudes pédagogiques, suite à une formation initiale défaillante et/ou inadaptée et à la quasi-absence de formations pédagogiques pour le supérieur (Jelmam, 2005). Or, l'enseignant chercheur doit être non seulement un spécialiste de la matière enseignée mais aussi de l'enseignement. Au cours d'une enquête (Jelmam, 2005), menée dans 5 universités tunisiennes, certains enseignants conscients de leurs lacunes professionnelles ont proposé, pour les combler, l'instauration de trois types de formations adaptées à leurs différents degrés d'expérience dans l'enseignement, à savoir une formation initiale pour les nouvelles recrues qui débute dès les études doctorales et qui met surtout l'accent sur les processus et les stratégies d'apprentissage, une formation de mise à jour pour les enseignants expérimentés, et une formation de «leadership» qui permettrait à certains enseignants d'acquérir une compétence approfondie en pédagogie universitaire. A côté de ces lacunes, les enseignants-chercheurs scientifiques souffrent d'un manque de culture générale et particulièrement dans le domaine des sciences sociales. En effet, l'enseignant est appelé à devenir l'intellectuel chercheur qui, à travers son lien privilégié avec la société des connaissances, peut maximaliser la « démarche d'appropriation critique » du savoir par les étudiants. Pour cela, il est appelé à élargir sa culture, à renouveler sa pédagogie et à considérer que l'étudiant est en relation de partenariat avec ses enseignants ;
— le manque d'équité dans le recrutement, en raison des modalités de la composition des jurys dont les élections des membres fonctionnent, de plus en plus (surtout depuis 2011), selon une logique de « réseaux nationaux » et ceci pour le recrutement de proches au détriment du recrutement de meilleurs candidats. Ce favoritisme et ce clientélisme, qui introduisent l'injustice et l'inégalité de chances entre candidats, portent atteinte à la qualité des recrues. Quant aux membres nommés, ils étaient auparavant très souvent proposés par le parti au pouvoir et sont actuellement choisis par les syndicats également sur la base du clientélisme et du copinage, laissant sur le carreau les candidats qui ont les meilleures capacités et aptitudes et permettant à la « médiocrité de s'installer et de prospérer ». Les dégâts sont alors irréversibles et occasionnent la dégradation de la qualité de l'enseignement et de la recherche universitaire ;
— la qualité des thèses, des mastères, des questions de recherche, des habilitations et la non-conformité aux normes de soutenance qui n'obéissent pas aux normes de qualité. Ainsi, beaucoup de sujets de thèse et de questions de recherche sont loin d'être novateurs et originaux pour développer des capacités de chercheur et contribuer à l'avancement des connaissances dans leurs domaines respectifs. Ainsi, dans le domaine que je connais bien, celui des sciences biologiques, nous assistons plutôt à un phénomène que l'on peut qualifier de « mimétisme ou duplication» (surtout depuis que les encadrants bénéficient d'une prime d'encadrement) où on copie les sujets et les questions de recherche qui ont déjà été abordées ici et ailleurs en changeant tout simplement la localisation spatiale (lieu de prélèvement et d'observations) ou temporelle de l'objet de la recherche et ceci sans avoir l'aptitude de préciser la démarche et les objectifs de la recherche mais aussi sans aucune argumentation du choix des méthodes ni aucun questionnement des résultats trouvés. Sans compter que certaines personnes impliquées (encadrants et apprentis chercheurs) n'adhèrent pas aux normes strictes de probité intellectuelle et d'éthique qui exigent l'honnêteté dans la collecte et l'analyse des résultats de recherche. De ce fait, des cas de rétraction d'articles de chercheurs tunisiens sont, de plus en plus, cités contrairement au Maroc et à l'Algérie, sans que les autorités académiques ne prennent des mesures sanctionnant ces pratiques (http://retractionwatch.com/2012/06/20/serial-plagiarizers-banned-from-dermatology-journal-forever/). Certaines habilitations (HDR) relèvent d'un « recyclage » des résultats des thèses déjà soutenues et dont les auteurs ne changent que la présentation des données, encouragés en cela par un jury de soutenance complaisant, composé de membres souvent non spécialistes, désignés par le candidat lui-même ou par son patron. Le problème de la crédibilité du jury de soutenance ne concerne pas que l'habilitation mais affecte également les soutenances de thèses et de mastères. Ainsi, récemment, certaines soutenances de mastères en biologie (préparés sous la responsabilité d'un même encadrant) se sont déroulées à huis clos dans une salle fermée à clé, contrairement aux textes en vigueur (stipulant que la soutenance est publique) et dans l'indifférence générale et le mépris des règles générales de déontologie ;
— la tolérance au plagiat et l'absence de solutions et d'actions préventives ou répressives contre ce phénomène, malgré la saisie des autorités universitaires concernées, a engendré une prolifération des cas ces dernières années, ce qui va à l'encontre de la qualité. Ces pratiques, qui représentent un manquement grave à la déontologie universitaire, touchent aussi bien les enseignants-chercheurs que les apprentis-chercheurs et les étudiants. Le plagiat ternit la réputation internationale des universités et sape leur crédibilité. En plus du plagiat et de l'autoplagiat, différents autres procédés de fraude (fabrication des résultats de recherche, falsification délibérée de données, présentation et traitement volontairement trompeurs de résultats de recherche) sont de plus en plus pratiqués par certains membres de la communauté universitaire et peuvent aller jusqu'au fait de fausser des résultats de recherches à des fins de profit personnel ;
— la corruption, qui inclut le clientélisme et le népotisme et qui entache l'obtention des diplômes et le recrutement des enseignants-chercheurs, est un obstacle majeur. Dans le rapport mondial de Transparency International (octobre 2013) relatif à la « Corruption dans les écoles et les universités », il est indiqué que « la corruption est un obstacle dangereux à la qualité de l'enseignement et au développement socioéconomique » et que « près d'une personne sur cinq dans le monde a dû s'acquitter de pots-de-vin pour accéder à des services éducatifs». L'enseignement supérieur tunisien n'échappe pas à ce schéma global. En effet, le manque de transparence, d'intégrité et l'absence de normes éthiques favorisent la corruption mais aussi la fraude et le plagiat. Pourtant, l'importance de l'enseignement relève aussi de son rôle de renforcement de l'intégrité à titre personnel et professionnel. A ce propos, le Rapport mondial sur la corruption englobe également l'intégrité académique comme une composante essentielle du système. L'intégrité académique est alors décrite comme étant composée de valeurs d'honnêteté, de confiance, de respect, d'équité et de responsabilité et «est fondamentale pour la réputation des institutions académiques».
Le deuxième ensemble de difficultés visibles peut être inclus dans la rubrique «Qualité des programmes de formation et de recherche». En effet, la qualité des programmes de formation et de recherche se heurte à différents obstacles qui génèrent une baisse de la qualité de la formation et de l'apprentissage et parmi lesquels nous pouvons citer :
— les méthodes d'enseignement qui, le plus souvent, ne tiennent pas compte des principes pédagogiques, ne répondent pas aux objectifs attendus et ne garantissent pas les compétences diversifiées attendues de l'enseignement supérieur qui doivent largement dépasser les compétences professionnelles ;
— la dégradation des infrastructures universitaires et de la qualité des supports d'apprentissage ;
— le contenu purement technique des enseignements scientifiques où il n'y a pas de place pour les sciences sociales qui forgent les principes de responsabilité et d'éthique chez les apprenants. La politique de marginalisation des sciences sociales, qui a caractérisé les deux dernières décennies a, comme l'a souligné à juste titre Sanekli (2015), «largement contribué à sacrifier des aptitudes essentielles et à refouler des capacités créatives très utiles soit pour l'intelligence individuelle soit au niveau de la rationalisation des compétences ». L'auteur considère que « l'intelligence scindée en deux et vidé de sa matrice, à savoir la réflexion, la pensée, la critique, la création et l'imaginaire, en bref, l'humanisation du savoir et des compétences autrement, a contribué à la création d'une société froide ignorante, consommatrice jamais innovatrice ». En effet, les sciences sociales dispensent aux apprenants les outils aptes à former l'esprit critique qui empêcherait le dogmatisme car il ne faut pas perdre de vue que le savoir est d'abord une valeur humaine, ensuite une utilité ;
— l'inadaptation des programmes par rapport au marché de l'emploi, en raison du manque d'ancrage dans les besoins du milieu socioéconomique et l'inexistence de mécanismes de coopération avec cet environnement pour la formation pratique des étudiants et ceci malgré l'évolution des métiers et des savoirs exigeant des niveaux de qualifications de plus en plus élevés. En effet, la collaboration avec l'environnement social est quasi absente et les occasions concrètes d'interactions entre les enseignants-chercheurs et le milieu ainsi qu'entre les étudiants et le milieu font terriblement défaut dans notre système d'enseignement.
Pour toutes ces raisons, les diplômes universitaires qui, normalement, doivent préparer à l'exercice d'un métier, ne représentent aujourd'hui que des simples documents dont les détenteurs vont, de plus en plus, augmenter le nombre des demandeurs d'emploi. Ainsi, le diplôme universitaire n'est plus une garantie d'une bonne professionnalisation, ni un titre d'excellence scientifique. Or, la mission d'un enseignement supérieur de qualité est de former des citoyens de valeur avec un esprit de créativité.
— le manque de pertinence des sujets de recherche par absence de véritables problématiques et questions de recherche, ce qui entrave l'acquisition d'une formation adéquate et l'entreprise des recherches originales et significatives permettant la contribution à la progression de la science ;
— l'absence, dans certains cas, d'une évaluation objective qui doit être étroitement liée aux intentions de formation et non aux considérations personnelles.
Le troisième ensemble d'obstacles est lié à la «qualité des étudiants» et inclut :
— le faible niveau des étudiants à l'entrée du supérieur, en raison de la dégradation des deux autres cycles de l'enseignement, notamment l'enseignement secondaire qui est responsable du manque des pré-requis nécessaires pour aborder le cursus universitaire ;
— le faible niveau des étudiants à la sortie du supérieur, en raison de l'absence de professionnalisation, la motivation essentielle des étudiants n'étant plus l'acquisition des connaissances et des savoirs pratiques mais plutôt l'obtention d'un diplôme par tous les moyens (tricheries, corruptions, etc.). Ainsi, l'obtention du diplôme est devenue le seul but de l'enseignement et la principale motivation des étudiants et des parents. L'acquisition des compétences professionnelles n'étant plus à l'ordre du jour, il devient actuellement impossible de produire des nouveaux talents, des professionnels accomplis, des scientifiques de haut niveau et encore moins des savants. Cela empêche les diplômés de l'université de jouer leur rôle dans le développement social de leur pays.
Le quatrième ensemble d'obstacles visibles est en rapport avec la «qualité de la gouvernance». En effet, des dysfonctionnements graves, ouvrant la voie aux abus de pouvoir, au clientélisme et aux pratiques discriminatoires, affectent la gouvernance de l'université et nuisent à l'intérêt des étudiants et du personnel enseignant. Ces irrégularités, qui se sont accentuées voire aggravées après le 14 janvier 2011, apparaissent particulièrement dans les pratiques de pouvoir au sein des instances universitaires.
L'autonomie de l'université est certes nécessaire au maintien de la cohérence et du dynamisme de l'enseignement supérieur mais doit reposer sur les notions de responsabilité et d'éthique mais aussi sur la participation de tous les partenaires à la gouvernance, sur un système d'information crédible et sur des critères d'évaluation fiables. L'autonomie exige donc responsabilité, éthique, participation, concertation et transparence.
Quant aux obstacles invisibles, ils sont dus au non-respect des valeurs éthiques comme les cas de diffamation plus fréquents qu'on ne le pense et qui nuisent aux conditions de travail, à la sérénité des relations au sein de l'université et même à sa réputation internationale.
Ainsi, cette revue des obstacles à l'assurance de la qualité dans l'enseignement supérieur met en évidence des problèmes de fond qui portent atteinte à la qualité de la formation et de la recherche et, d'une manière générale, au fonctionnement et à la réputation de l'université, mais aussi à la justice et à l'équité. L'intensité de ces dysfonctionnements varie selon les disciplines, les départements d'une même université et les différentes universités. Cependant, l'absence de normes éthiques, constituant un code de conduite pour tous les intervenants, ne peut que contribuer à l'accentuation de ces dysfonctionnements.
A l'époque de la démocratie et de la liberté d'expression où l'éthique dans l'enseignement supérieur et la recherche scientifique devient décisive, il est temps de tirer la sonnette d'alarme, souligner avec force que le système global d'enseignement supérieur tunisien se détériore de plus en plus et œuvrer pour la mise en place d'un dispositif éthique réglementaire à travers l'élaboration d'une charte éthique et déontologique nationale à laquelle souscriraient tous les acteurs.
Références
Corsini P., 2014. – Bonne gouvernance et meilleure qualité de l'enseignement. Rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Doc.13585 du 25 août 2014.
Jacqueyrie A., 2001. – Les obstacles à la qualité : barrières visibles et invisibles ; adsp n° 35, juin 2001.
Jelmam Y., 2005. – L'enseignement supérieur tunisien vu par ses acteurs – réalités et perspectives. Revista Iberoamericana de Education (ISSN : 1681-5653).
Pol P., 2012. – La passion de l'excellence dans l'enseignement supérieur en Allemagne, en Espagne et en France. Repères n° 14, mai 2012. www.campusfrance.org
Sanekli M., 2015. - L'enseignement en Tunisie: diagnostics, déficiences et pistes de réformes in Kapitalis du 02 mars 2015. http://www.kapitalis.com/afkar-2/27903-l-enseignement-en-tunisie-diagnostics-deficiences-et-pistes-de-reformes.html
Transparency International, 2013. – Global Corruption Report : Education, published by Routledge. Edited by G. Sweeney, K. Despota & S. Lindner.
*(Professeur des universités)


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