Que se passe-t-il à Nida Tounès ? Dans quel écheveau s'est-il pris pour s'acheminer irrémédiablement vers l'éclatement, voire la déliquescence ? En témoigne la conférence de presse donnée hier par M. Ridha Belhaj, membre de Nida Tounès, au sujet d'une émission enregistrée par la chaîne Hannibal à laquelle il a participé et dont la diffusion, prévue initialement dimanche dernier, a été suspendue en dernière minute, «suite à des interventions extérieures», selon M. Ridha Belhaj. Cet homme, l'un des douze fondateurs de Nida Tounès, se rebiffe pour dénoncer des pratiques contraires aux principes et aux fondements de la révolution et de la Constitution. «C'est une grave atteinte à la liberté d'expression, fruit de longs combats», clame-t-il». Concernant l'émission, M. Ridha Belhaj précise qu'«elle a été axée autour de la visite effectuée le 6 avril par Caïd Essebsi pour se recueillir sur la tombe de Bourguiba. J'ai dénoncé cette initiative qui remet en ligne des pratiques désuètes des temps passés et qui n'a plus cours aujourd'hui. L'émission a évoqué mon passage au cabinet présidentiel ainsi que la révocation de l'ancien chef du gouvernement, Habib Essid, mais aussi les luttes intestines qui déchiraient Nida Tounès. Je tiens à souligner à cet égard que le système a glissé irrévocablement vers un régime présidentiel». Pressions pour supprimer des passages «L'animateur de l'émission, Néji Zaïri, m'avait appelé la veille de la diffusion de l'émission (enregistrée jeudi) pour me dire qu'il a subi des pressions pour supprimer certains passages, mais il a affirmé sa détermination à diffuser cette émission intégralement», souligne M. Belhaj. «Aujourd'hui, explique-t-il, on assiste à des interventions au palais présidentiel dans la gestion des affaires de l'Etat et dans la prise de décisions. Il y a des parties qui veulent et tentent de dominer à la présidence de la République. Aujourd'hui, je lance un appel solennel à œuvrer pour sauver le pays d'un tournant grave et dangereux qu'il a pris. Il y a des figures de l'ancien régime qui cherchent à revenir sur l'avant-scène et avoir leur mot à dire au sein de Nida Tounès. Ce parti n'est pas un héritage à concéder et n'appartient pas à la famille». Sept mois après A la question de La Presse s'il a démissionné de son poste de conseiller à la présidence ou s'il a été révoqué, M. Belhaj est clair : «J'ai démissionné et il n'y a qu'à consulter le Journal officiel (du 2 février dernier), évoquant à cet égard le motif qui m'a amené à démissionner». Sept mois après la prise du pouvoir à la magistrature suprême par M. Caïd Essebsi, les choses ont changé et le pouvoir semble échapper au président de la République et les décisions semblent plutôt dictées par d'autres parties. «Nous avons des priorités, dont notamment la lutte contre le pourrissement qui gangrène le parti Nida Tounès et qui le menace». Revenant sur l'émission suspendue, M. Ridha Belhaj a annoncé qu'elle va être diffusée aujourd'hui (mercredi soir) à 21h30. «On m'a informé de cette décision, mais je ne sais pas encore si elle va être diffusée selon la date indiquée», revenant sur le fait que «ce cas n'est pas unique et que des parties occultes ont fait que de tels actes de censure se répètent encore, rappelant une époque qu'on croyait révolue». Auparavant, M. Boujemaâ Rémili a introduit la rencontre, en soulignant qu'un tel acte «est grave, voire dangereux, parce que constituant une atteinte à la liberté d'expression et, partant, à la transition démocratique avec ses composantes. Cela nous ramène à une époque révolue. Mais aujourd'hui, il s'agit de transformer cet acte négatif en un événement positif, en le dénonçant fortement». Mais la conférence de presse, à peine terminée, a failli frôler le pugilat. Des membres des coordinations de Nida Tounès venus en force sont intervenus avec violence pour dénoncer Ridha Belhaj et les déclarations qu'il vient de faire, criant et vociférant pour entonner ensuite l'hymne national. Une intervention presque musclée, dictée par qui ou quelle partie ? En tout état de cause, Nida Tounès en pâtit largement et poursuit son chemin dans une guerre intestine d'accusations et de dénonciations fratricides. Jusqu'où ? Guerre de leadership et de mainmise ? L'atmosphère baigne dans l'incertitude quant au devenir de ce parti. Notons que la veille, lors d'une émission diffusée par la chaîne «El Hiwar Ettounsi», Mme Saïd Garrach, conseiller du président de la République, a été catégorique au sujet de la censure imposée à l'émission objet de controverses : «Il n'y a eu aucune intervention de la présidence de la République pour suspendre la diffusion de cette émission. Aucun responsable à la présidence et encore moins M. Béji Caïd Essebsi n'est intervenu, d'autant qu'il donne l'exemple en matière de défense de la liberté d'expression». Il s'agit tout simplement de personnes qui cherchent à s'imposer sur la scène médiatique, a-t-elle ajouté, soulignant qu'il s'agit d'attaques qui visent directement la présidence de la République, que ce soit le chef de l'Etat ou les conseillers et chargés de mission. Encore un «j'accuse» qui éclabousse Nida Tounès et jette la confusion. Y voit-on plus clair ? Encore une fois, wait and see pour connaître l'épilogue de ce nouvel épisode d'un feuilleton qui n'en finit pas.