Dans les quartiers populaires, la spéculation bat son plein Ramadan approche à grands pas et les consommateurs se plaignent déjà de la pénurie de certains produits alimentaires subventionnés par l'Etat sur le marché, comme l'huile végétale et le sucre. La spéculation va bon train malgré les contrôles des brigades économiques. L'explication est pourtant bien simple. Certains petits commerçants contactés à cet effet ont été unanimes pour déclarer qu'il n'y a pas pénurie. «On ne déplore pas un manque de sucre ou d'huile végétale», confient-ils. Malheureusement, il y a d'autres commerçants peu scrupuleux qui ont un penchant pour le gain facile mais illégal. Anouar, propriétaire d'une épicerie à Tunis, a bien accepté d'expliquer les «tentations» qui poussent certains épiciers à la spéculation sur les produits alimentaires de base. «En ce qui concerne l'huile végétale subventionnée, on l'achète à raison de 900 millimes le litre chez les grossistes», nous explique-t-il. Et d'ajouter : «Le prix de vente s'élève à 935 millimes seulement pour les consommateurs. Cependant, certains petits commerçants enfreignent la loi en revendant le même produit aux restaurateurs et pâtissiers pour le prix de 1.500 millimes. La spéculation est plus rentable quand il s'agit de la vente de plusieurs caisses de 12 bouteilles d'huile chacune». Dans ce cadre, Anouar ajoute que la caisse est achetée chez le grossiste à raison de 10,380 dinars et elle est revendue aux propriétaires de restaurants à 18 dinars ! «Il va sans dire que l'utilisation d'huile végétale subventionnée par ces derniers est strictement interdite», fait-il remarquer. Pour le sucre, on retrouve la même pratique, note notre interlocuteur. Le prix d'un sac de sucre de 50 kg chez les grossistes est vendu à 45 dinars aux petits commerçants et 75 dinars aux restaurateurs et aux pâtissiers. Ces derniers préfèrent l'acheter illégalement chez le petit commerçant à raison de 55 dinars. Chacun trouve son compte, excepté le consommateur bien sûr. La levée de la compensation sur l'usage industriel du sucre n'a fait qu'augmenter ostensiblement ces pratiques chez les restaurateurs et les pâtissiers. Outre ces pratiques, d'autres petits commerçants avouent qu'ils ne vendent l'huile végétale ou le sucre qu'à leurs clients les plus fidèles. Pour ces derniers, ils sont royalement servis mais, en réalité, ils ne représentent qu'une minorité. «Pour les autres, on s'en moque comme d'une guigne», a confié l'un d'entre eux. Manque de contrôle et de mesures répressives Ce sont toujours les zones populaires qui sont les plus touchées. L'huile végétale et le sucre sont si utiles qu'on ne peut guère s'en passer. Et c'est justement dans les quartiers populaires que la spéculation bat son plein. Les circuits de distribution sont monopolisés au grand dam du pauvre consommateur qui se retrouve acculé à s'approvisionner dans les grandes surfaces avec les incidences négatives qu'on connaît sur son pouvoir d'achat. L'Organisation de défense du consommateur ne fait que constater les dégâts et son président Slim Saâdallah a, à maintes reprises, pointé du doigt le manque de contrôle et de mesures répressives pour mettre un terme à ce phénomène récurrent. La compensation a pour rôle de servir et protéger le pouvoir d'achat de la couche pauvre et même moyenne de la société mais, de nos jours, ce sont des restaurateurs et des pâtissiers qui en profitent, contribuant ainsi à la dégradation du pouvoir d'achat du consommateur initialement ciblé. Le président de l'ODC nous a déclaré que son organisation est en train de suivre de très près cette situation due en grande partie aux dépassements commis au niveau des circuits de distribution, préconisant par la même occasion un contrôle plus sévère sur ces circuits.