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Liberté académique et éthique universitaires
TRIBUNE
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 05 - 2017


Par Oum Kalthoum Ben Hassine *
La liberté académique constitue, avec l'autonomie et l'indépendance, les principes fondateurs de l'Université qui lui permettent d'assurer la réalisation de sa mission de formation supérieure, de développer la liberté de pensée et l'esprit critique, de créer, de diffuser et de transmettre le savoir et de forger les talents.
Il s'agit en fait d'un droit qui garantit aux institutions universitaires l'accomplissement de leurs fonctions sans aucune ingérence indue du gouvernement, des partis politiques, du pouvoir religieux, des syndicats et de tout autre lobby ou corporatisme.
Or, la non-autonomie actuelle de l'Université tunisienne ne semble pas compatible avec l'existence d'une réelle liberté académique.
En effet, depuis 2011, la syndicalisation, associée à la politisation, est à son paroxysme à l'Université où les élections des structures universitaires dépendent de la consigne syndicale et les promotions des enseignants obéissent à d'autres critères que les mérites scientifiques. Cela entrave l'indépendance des enseignants et menace les fondements mêmes de la liberté académique qui exigent, selon Georges Vedel (in Beaud, 2009), la mise en échec «non seulement du pouvoir politique et administratif, mais de tout pouvoir ‘temporel', quels qu'en soient la nature, l'origine ou le masque».
Cette situation rappelle celle de l'Université française dès le lendemain de mai 1968 et jusqu'aux années 80 et où, selon Beaud (2009), la politisation a d'abord affecté la gouvernance, comme le montre la progressive ingérence des syndicats dans les élections aux divers Conseils des universités. Elle a aussi touché le recrutement des universitaires qui s'effectuait selon des critères syndicaux ou politiques, au détriment des critères académiques, « alors que le déroulement de la carrière universitaire (accès avec la qualification ou promotion) devrait être totalement étranger à une logique syndicale ».
Comme le précise Georges Vedel (in Beaud, 2009), il ne s'agit pas de mettre en cause l'utilité et le rôle normal des syndicats « mais que telle élection universitaire dépende d'une consigne politique ou syndicale, que dans les propositions concernant la carrière des maîtres, l'on prenne en compte d'autres éléments que les mérites scientifiques et le bien du service public est proprement scandaleux ».
A côté de ces problèmes de gouvernance, l'autre péril qui menace la liberté académique est la possibilité du détournement du sens de ce droit fondamental, indispensable à la réalisation des objectifs de la mission universitaire. Ce détournement paraît plus que probable, au vu de la situation actuelle de dérive et de dérapage de l'Université tunisienne.
Il est ainsi évident que la liberté-autonomie peut être comprise comme un privilège excessif servant les propres intérêts personnels de l'universitaire au lieu de servir le bien commun et assurer l'intérêt de l'ensemble de la communauté universitaire et par là même l'intérêt de toute la société. Cela peut mener à une accentuation alarmante des problèmes qui rongent actuellement l'Université tunisienne, ce qui aboutira dans le cas des enseignants-chercheurs à une protection, voire une surprotection (par les lobbys), de ceux qui s'impliquent le moins dans la recherche scientifique et dans la vie universitaire en les encourageant à garder le statu quo.
Au fait, comment peut-on douter de cette éventualité au regard des changements négatifs récents inhérents aux problèmes de gouvernance de l'enseignement supérieur en Tunisie qui ont gravement affecté l'Université et la profession d'universitaire ?
L'éventualité de ces risques est donc réelle lorsque l'on sait que la fonction primordiale de l'universitaire est actuellement omise par bon nombre d'enseignants-chercheurs et que les obligations professionnelles sont quelquefois négligées, voire méconnues.
Comment peut-on éviter cette dérive, à un moment où les organisations syndicales ne défendent que les intérêts matériels de leurs adhérents, au mépris des obligations les plus élémentaires?
Comment peut-on veiller à ce que la liberté académique ne soit pas «un privilège absolu conféré à des universitaires irresponsables et le paravent derrière lequel pourraient se cacher ceux qui ne respectent pas du tout la déontologie universitaire » (Olivier Beaud, 2009)?
L'élaboration par la communauté universitaire d'une charte de déontologie et d'éthique, qui fixe les obligations que tout membre de cette communauté doit respecter tout au long de sa carrière, peut améliorer les comportements et les pratiques universitaires et en combattre les dérives. Cette charte doit préciser et codifier les limites de la liberté académique.
En effet, la liberté académique n'aurait aucun sens si elle n'est pas basée sur une déontologie et une éthique universitaires qui impliquent un ensemble de droits mais aussi de devoirs (obligations) pour toutes les composantes de la communauté universitaire : étudiants, chercheurs, enseignants, personnel administratif et technique.
En fait, comme toute liberté, la liberté académique doit avoir des limites à la fois externes et internes.
Ses limites externes relèvent du droit commun. Ainsi, l'universitaire est un citoyen auquel, comme pour les autres citoyens, l'ensemble des règles juridiques sont applicables en cas d'agression physique, de harcèlement, d'injures, de calomnie, de diffamation, etc.
Quant aux limites internes, elles relèvent de l'éthique et de la déontologie universitaires et exigent des obligations pour encadrer la liberté académique et lui permettre de s'inscrire dans une logique de droits et de devoirs afin de servir le bien commun et non les propres intérêts personnels des individus et aussi d'assurer l'intérêt de l'ensemble de la communauté universitaire et par là même l'intérêt de toute la société.
Obligations des enseignants-chercheurs
Il est clair de ce qui précède que les libertés académiques ne sont concevables que si les enseignants-chercheurs accomplissent leurs obligations professionnelles. Ces dernières sont constitutives de l'exercice du métier d'universitaire et concernent la mission pédagogique et la recherche scientifique.
Ces obligations, qui constituent la base de la démarche de la transmission du savoir et de l'apprentissage, doivent être largement partagées et doivent inspirer le code de conduite de l'enseignant car comme le souligne Georges Vedel, «aucun privilège ne s'est gardé sans être l'autre nom de grands devoirs» (in Beaud, 2009).
La compétence inclut l'efficacité et la quête de la qualité. En effet, l'enseignement supérieur ne consistant pas à dispenser un savoir entièrement constitué mais plutôt un savoir en évolution (« en train de se faire »), l'enseignant-chercheur a l'obligation d'être au courant de l'évolution des connaissances dans son domaine (up to date) et d'en faire profiter les étudiants.
En outre, l'objectif de l'enseignement supérieur n'étant pas uniquement la délivrance des diplômes mais notamment la formation d'esprits critiques, des « esprits capables d'avoir une indépendance d'esprit » (Matthew & Robert, 2009), l'enseignant-chercheur doit veiller à une transmission du savoir non passive et en interaction avec les apprenants car ils sont censés améliorer un jour ce savoir, voire le remettre en cause.
Cela impose l'existence d'un système d'évaluation des performances et de la qualité des prestations des enseignants (auto-évaluation, évaluation par les étudiants, évaluation par les pairs). Seligman et Lovejoy écrivaient dans la déclaration américaine de 1915 sur la liberté académique : « Si notre profession n'a pas la volonté de purger ses rangs des incompétents et des incapables, ou d'interdire qu'on utilise la liberté qu'elle exige au nom de la science comme un asile de la fainéantise, de la superficialité et de l'esprit de parti immodéré et sans discernement, il est certain que d'autres s'en chargeront » (in Beaud, 2009).
L'accomplissement des tâches liées à la fonction primordiale de l'enseignant-chercheur (enseignement, création du savoir et formation des compétences par la recherche) exige sa disponibilité et lui interdit la pratique d'activités annexes (consultance, enseignement supplémentaire dans différentes institutions,...) au détriment des responsabilités qui lui incombent en tant qu'enseignant et pédagogue.
En effet, un enseignant-chercheur doit se tenir à la disposition des étudiants pour les accompagner. Pour cela, il doit veiller à ne pas être stérilisé par la quête permanente de l'argent, au point que l'expert détrône le savant (Beaud, 2009).
Le rôle essentiel de l'enseignant-chercheur dans la formation et l'accompagnement des étudiants lui confère la place du guide et de l'exemple à suivre. Il doit, de ce fait, avoir une bonne conduite et des bonnes pratiques et être une référence en termes de moralité, d'intégrité et d'objectivité et faire preuve d'équité, de justice et d'impartialité dans l'évaluation des performances des étudiants et des enseignants (correction et notation des examens, appréciation lors des jurys de recrutement et de promotion de grade).
La liberté de recherche, qui ajoutée à la liberté de publication constitue le premier élément de la liberté académique (Rüegg Walter, 2004), impose à l'enseignant-chercheur le respect de certaines obligations et l'application de certains principes dont les plus importants sont le désintéressement et l'intégrité scientifique.
Le désintéressement représente le comportement régulateur indispensable à la production du savoir scientifique. Dans les activités de recherche, seule la recherche de la vérité scientifique doit prévaloir. Aucune influence, qu'elle soit idéologique ou monétaire, ne doit ternir cette recherche.
Le chercheur doit être le serviteur de la vérité scientifique, à laquelle il parvient par l'application intègre de la méthode scientifique.
Il doit donc bannir de ses pratiques tous les comportements pouvant porter atteinte :
– à l'intégrité des données et des résultats scientifiques (tout ce qui relève de l'inconduite scientifique /scientific misconduct) comme la fabrication des résultats de recherche, la falsification délibérée de données, la présentation et le traitement volontairement trompeurs de résultats de recherche ;
– Au crédit intellectuel et au mérite scientifique, c'est-à-dire tout ce qui relève de la fraude comme le plagiat (publication de résultats de travaux et de découvertes de tiers), la signature complaisante d'un article ou l'usurpation du statut de coauteur d'une publication sans contribution au travail, les citations intentionnellement erronées tirées de travaux antérieurs ou présumés de tiers.
Toutes ces atteintes à l'intégrité scientifique doivent être combattues car elles menacent la confiance en la science dans son ensemble. Or, cette confiance est indispensable à la construction et au progrès du savoir scientifique.
Pour cela, la communauté universitaire doit définir une matrice de normes et un cadre de jugement pour combattre les dérives.
Dans ce cadre, le rôle des associations comme l'Association tunisienne de défense des valeurs universitaires (Atdvu) est d'appeler les universitaires à la conscience de leurs devoirs par la sensibilisation, la formation et l'information sur ces normes.
La crise actuelle de l'Université tunisienne nous a imposé d'aborder la question de la liberté académique uniquement en termes de devoirs en mettant l'accent sur les obligations des enseignants-chercheurs. Toutefois, la liberté académique ne constitue ni exclusivement un devoir, ni seulement un droit mais plutôt une liberté professionnelle «régulée par l'éthique universitaire et donc par l'action de la communauté universitaire sur elle-même» (Beaud, 2009). Encore faut-il que cette autorégulation soit dans les usages des universitaires !!...
(*) Professeur universitaire
Références :
Beaud O., 2009. – Les libertés universitaires http://www.asmp.fr/travaux/communications/2009/beaud.htm
Matthew W. Finkin & Robert C. Post, 2009. - For the Common Good: Principles of American Academic Freedom. Yale University Press.
Rüegg Walter, 2004. - A History of the University in Europe. Volume III: Universities in the Nineteenth and Early Twentieth Centuries (1800-1945). Cambridge University Press.


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