A l'initiative de la présidence du gouvernement, et en partenariat avec l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) et la Société financière internationale, groupe de la Banque mondiale (Ifc), diverses administrations régionales des gouvernorats du Sud ont été récemment conviées, à Sfax, à un atelier d'évaluation des résultats du projet de simplification des procédures administratives régissant l'exercice des activités économiques. L'atelier, le troisième du genre après ceux du Nord et du Centre, à Sousse, au mois d'avril dernier, s'inscrit «dans le cadre du suivi des mesures administratives régissant les activités économiques mises en œuvre dans huit ministères, à savoir les ministères de l'Intérieur, de l'Equipement, de l'Aménagement du territoire et du Développement durable, du Tourisme et de la Santé», a notamment indiqué Intissar Brigui, sous-directeur à la présidence du gouvernement, lors de la présentation du programme de la séance, lequel comporte notamment une intervention consacrée aux résultats de l'étude évaluative menée par l'Iace, avant les travaux de l'atelier et la présentation des recommandations émanant des participants. L'atelier a pour objectif, d'abord, de sensibiliser les représentants des administrations régionales concernées à l'échelle des gouvernorats du Sud quant à l'importance du projet, de les informer au sujet des disparités concernant l'application des réformes apportées par ledit projet, tant au niveau des ministères qu'à celui des régions, et enfin identifier les difficultés qui entravent la mise en œuvre de ces réformes, pour recueillir, à la fin des travaux, les points de vue et les recommandations des participants. « Il s'agit également de valoriser les facteurs de réussite de la mise en œuvre de ce processus engagé selon une démarche participative», a notamment indiqué Intissar Brigui. Il y a lieu de rappeler, à propos de l'atelier de Sfax, que l'Etat avait engagé en 2012 un processus participatif relevant des huit ministères susmentionnés, destiné à la simplification des procédures administratives régissant les activités économiques. L'entreprise ayant pour objectif de promouvoir un environnement propice à l'investissement et à la croissance, le projet consiste en l'annulation de certaines autorisations, l'automatisation et/ou la décentralisation de procédures, à aboutir à la réduction des délais, des étapes et des coûts, facteurs contraignants et même rebutants, pouvant avoir de fâcheuses répercussions sur l'investissement et le climat des affaires. Côté statistiques, Nawal Filali, spécialiste du développement du secteur privé au sein de la Société financière internationale (IFC), membre du groupe de la Banque mondiale, institution qui accompagne le gouvernement tunisien dans le projet de réforme des procédures administratives, précise : «1.500 procédures avaient été initialement inventoriées sur les huit ministères concernés. Suite aux consultations avec le secteur privé, 240 procédures fiscales et douanières ont été priorisées. Disons qu'au total, on en est actuellement à 330 procédures simplifiées ou éliminées. Aujourd'hui, notre objectif est réellement de s'assurer de leur application sur le terrain. C'est l'étape actuelle qui fait l'objet d'une première évaluation d'impact». Abordant la question des disparités de niveau concernant l'application des procédures, Nawal Filali, explique : «C'est ce qu'on essaie de comprendre. Mais en général, ces disparités s'expliquent par plusieurs facteurs : le manque d'information et de sensibilisation des fonctionnaires qui sont en charge de leur application. Ensuite c'est une question de moyens d'application. Le défi de ces représentants des administrations est d'être aujourd'hui opérationnels en termes de ressources financières techniques, informatiques, moyens à même de leur permettre de concrétiser tous ces efforts et réformes. Toutefois, les réformes sont à 90% adoptées sur l'ensemble des procédures. Aujourd'hui, les recommandations se font en termes d'opérationnalisation et de concrétisation sur le terrain. L'objectif de l'atelier d'aujourd'hui est de sensibiliser, de comprendre les défis pour implémenter ces réformes, et d'accompagner les fonctionnaires pour qu'ils puissent réellement appliquer les nouvelles procédures». A la question de savoir quelles conditions détermineraient réellement le succès dudit projet, notre interlocutrice répond : «Les conditions de réussite du projet tiennent d'abord à son institutionnalisation puisqu'un décret a été signé en 2012 qui a permis d'avoir une démarche pérenne qui a mobilisé les différents acteurs du secteur public et privé. Le succès réel du projet serait, surtout, que ses effets et son impact soient ressentis par le secteur privé, les opérateurs économiques, les investisseurs et que toutes ces composantes puissent réellement prendre la mesure de tout ce qui a été mis en œuvre dans le cadre de ce projet par les différentes parties prenantes, c'est-à-dire des ministères, les bailleurs de fonds, que ce soit le gouvernement suisse, la Banque mondiale et l'IFC, en vue d'opérationnaliser le processus de réforme. Il faudrait rappeler que ce projet a été adopté dans le cadre d'une approche participative, c'est-à-dire que le secteur privé a été consulté tout le long du processus, et que les recommandations de rectification émanent aussi de ce secteur. La deuxième condition de succès a trait, bien entendu, à l'effectivité de l'application du processus sur le terrain. Le secteur privé, une force de recommandation Le succès du projet est donc étroitement lié à l'impact qu'il peut avoir sur le secteur privé et sur l'économie tunisienne. Il faut souligner que la participation du secteur privé est qualitative dans la mesure où il s'est impliqué dans l'application des mesures en tant que force de recommandations et acteur de ce processus qui doit continuer, d'autant qu'on doit être constamment dans l'amélioration». Qu'en est-il donc des appréciations et de l'évaluation du secteur privé, bénéficiaire du projet de simplification des procédures administratives régissant l'exercice des activités économiques? Yasser Araouri, expert auprès de l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace), chargé de présenter les résultats de l'étude portant sur l'impact de la réforme engagée, affirme : «Nous avons choisi, en définitive, un échantillon de 40 procédures officielles réformées pour en évaluer l'effet et en déterminer le stade d'avancement. En réalité, au départ, la consultation des opérateurs du secteur privé avait permis à l'Iace de sélectionner 240 procédures sur un ensemble de 1.107, établies par les ministères concernés, et ce, en commun accord avec l'administration tunisienne. L'intérêt s'est focalisé sur cet échantillon de 40 procédures pour détecter les problèmes qui entravent l'avancement de la réforme. Or ces problèmes sont très lourds de conséquences en matière de manque à gagner pour l'économie nationale. Rien, en effet, que l'évaluation de ce manque à gagner résultant uniquement de la non-application de 8 procédures se situe, conclut l'étude menée, à 9,5 millions de dinars par an ! Si on externalisait pour l'ensemble des 240 procédures sus-indiquées, il serait aisé d'imaginer l'importance du chiffre à perdre à l'échelle macroéconomique en Tunisie, que ce soit pour le secteur privé ou les personnes physiques, en cas de non-application à 100% desdites procédures». Selon Yasser Araouri, le problème pour le secteur privé provient de la non-application de la réforme telle qu'elle a été proposée : «Les 40 procédures étudiées ayant porté sur quatre types de réforme proposées ont révélé que les procédures de dispense de documents ont été respectées à hauteur de 90%. Concernant la suppression des procédures, l'on s'est rendu compte que certaines administrations persistent à les appliquer, alors qu'elles ont été bel et bien supprimées probablement par manque d'information. Pour sa part, la réduction des délais a été respectée à hauteur de 46%, ce qui est encore modeste. Et là où le bât blesse, c'est le taux de respect des délais, qui demeure au niveau de 27%. En d'autres termes, le problème de la réduction des délais persiste encore à hauteur de 73%. En clair, l'administration n'est pas encore capable de respecter les délais. Or, il s'agit pour le secteur privé d'une réforme primordiale à côté de la transparence vis-à-vis de l'exécution des procédures officiellement adoptées et publiées».