Des dizaines de journalistes vivent en dessous du seuil de pauvreté et une centaine d'entre eux sont victimes de renvois abusifs annuellement Le Syndicat national des journalistes tunisiens ( Snjt ) organise, depuis hier et pendant trois jours, à Tunis, son 4e congrès et le 26e congrès de la profession. Cet évènement marquera d'une pierre blanche l'histoire du syndicat mais aussi l'histoire de la profession avec notamment l'élection d'un nouveau bureau exécutif dont la mission sera aussi rude qu'elle l'a été durant la période postrévolutionnaire. Le quatrième pouvoir a eu à résister face aux menaces et aux lobbies qui ont tenté d'assujettir les journalistes pour servir leurs propres intérêts. Aujourd'hui, en dépit des forces malsaines, de la tentation qu'opèrent certaines parties pour imposer la loi de l'argent sale, les journalistes continuent à tenir bon, car convaincus de leur responsabilité aussi bien dans la garantie de la liberté d'expression que dans la réussite de la transition démocratique. Ouvrant la rencontre, M. Néji Bghouri, président du Snjt, a rappelé que la presse tunisienne a payé cher la facture de l'exploitation dictatoriale qui lui a été infligée par l'ancien régime. La période de convalescence postrévolutionnaire n'a pas pour autant été sereine. Les journalistes ont du faire face aux pratiques de terreur. Ils ont même revendiqué la création d'un conseil supérieur de la presse, lequel promet de jouer un rôle important dans la préservation des droits des journalistes et dans la protection de la profession. Qu'en est-il des engagements de l'Etat ? L'orateur a évoqué les questions autour desquelles s'articuleront les débats au cours du Congrès, dont la situation précaire qu'endurent bon nombre de confrères. «Selon une étude réalisée par l'Observatoire des affaires professionnelles relevant du Snjt, des dizaines de journalistes vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Chaque année, une centaine de journalistes sont exempts de leurs emplois dont certains à cause de leur résistance face aux tentations malsaines », a-t-il indiqué. Il a rappelé, par ailleurs, que le syndicat avait établi un dialogue avec le gouvernement, lequel dialogue a permis de s'arrêter sur des mesures à prendre. Parmi ces mesures, l'on cite la réforme du cadre réglementaire et institutionnel du syndicat afin qu'il soit plus performant, plus efficace tant au niveau des établissements médiatiques qu'à travers ses annexes régionales. Il a été convenu aussi d'instaurer un fonds d'une valeur de cinq millions de dinars en faveur des journalistes et de réduire les taxes de transmission en faveur des chaînes et radios régionales. S'agissant des annonces publiques, il a été décidé, en effet, de la création d'un comité spécialisé qui se chargerait de l'instauration des nouveaux critères. Le dialogue avait annoncé l'octroi de 5% des recettes relatives aux annonces publiques aux journalistes. Il était également question de monter un projet de logement en faveur des journalistes. « Ces engagements sont restés, jusque-là, sans suite aucune », a-t-il souligné. Il a indiqué, par ailleurs, que le Syndicat s'applique depuis trois ans à l'élaboration d'un projet de convention intégrée, touchant aussi bien à la presse électronique qu'à celle audiovisuelle. M. Bghouri a rendu un vif hommage aux 1.700 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes dont 28 journalistes. Il a aussi commémoré la mémoire de Néjiba Hamrouni, l'ex-présidente du Snjt et la militante pour la liberté d'expression. Il a de même rappelé le dossier équivoque de Nadhir Ktari et Sofiène Chourabi, portés disparus. La rencontre a été ponctuée par la projection d'un film documentaire sur ces deux jeunes journalistes qui ont été kidnappés en Libye. L'émotion amère, la colère se lit encore dans le regard de la maman de l'un et de celui du papa de l'autre... Les augmentations salariales, la réforme juridique et la convention intégrée à l'ordre du jour Prenant la parole à son tour, M. Noureddine Tabboubi, secrétaire général de l'Ugtt, a rappelé le rôle crucial de la presse dans l'éclairage de l'opinion publique, dans l'animation des débats nationaux et dans l'ancrage des valeurs de la démocratie. Il a appelé, par conséquent, au renforcement de la responsabilité du paysage informatif et communicationnel à travers la garantie impérative des droits des journalistes à la dignité, à une rémunération et à une stabilité professionnelle à même de leur assurer un climat de travail et de rendement positif. « Le travail précaire, l'entrave au processus réformiste du journalisme public, l'abus de pouvoir, la dictature de l'opinion et l'atteinte à la profession sont inacceptables. L'Ugtt soutient le Snjt mais aussi le syndicat général de presse. Elle affirme le principe de l'union entre ces parties et appelle à une meilleure coordination et collaboration entre ces parties syndicales afin de garantir l'indépendance des médias », a-t-il souligné. M. Taboubi a indiqué, aussi, que l'Ugtt s'active quant à la réussite des négociations sur l'augmentation salariale dans le domaine de la presse écrite. Elle milite contre le travail précaire dans les médias et contre le renvoi abusif. « Nous œuvrons aussi pour l'instauration d'une convention intégrée relative au domaine audio-visuel, laquelle verra le jour dans le plus bref des délais », a-t-il ajouté. L'Ugtt revendique la réforme législative et la révision des décrets de loi spécifique à la profession. Le combat continue... Prenant la parole à son tour, M. Ameur Meherzi, doyen des avocats, a indiqué que journalistes et avocats partagent quasiment le même sens du militantisme. Assurant des responsabilités de taille, ils luttent ensemble pour une citoyenneté réelle et édifiante. « Aujourd'hui, la Tunisie a plus que jamais droit à une presse de qualité car indépendante et performante. Certes, la révolution a gaspillé autant d'acquis économiques. Notre responsabilité commune et le contexte national exigent que nous relevions, ensemble, les défis dans une phase historique encore plus délicate et plus difficile que celle de la lutte contre la dictature », conclut-il. La première journée du Congrès a été aussi l'occasion pour diffuser un film documentaire en hommage posthume à Néjiba Hamrouni. Le Centre Cawtar a remis aussi le prix Néjiba Hamrouni pour le meilleur article publié et traitant des affaires de la femme dans le monde arabe.