Nous continuons la publication des textes ayant participé aux concours «Plume d'or», récemment organisé par notre journal. Cette semaine, nous vous proposons, telle quelle, la participation de Chayma Hamdi. Dans un monde en perpétuel changement, et plus que jamais menacé de crise, la question de l'identité personnel est au cœur de tous les débats. En effet, comment définir qui nous sommes? Quel avenir nous réservons-nous? Comment, enfin, atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour le futur ? «Qui suis-je?» est une question récurrente dans l'esprit de tout être humain, à plus forte raison dans celui d'un adolescent. Ce dernier se trouve en perte de repères dans une société qui lui impose des modèles totalement divergents : d'un côté, l'Occident avec son individualisme forcené et sa richesse apparemment facile, d'un autre, un mode de vie plus oriental, basé sur les valeurs familiales et islamiques, mais plus difficile à assumer dans un monde où la suprématie du modèle occidental ne fait aucun doute, et sur lequel plane, en outre, l'ombre de l'intégrisme religieux et du terrorisme. Cet écartèlement idéologique conduit à une espèce de schizophrénie caractéristique des jeunes générations tunisiennes, d'autant plus qu'il se produit aussi à plus grande échelle: tout le monde arabe est en effet concerné par ce phénomène, des émissions telles que Star Académie, en sont la preuve flagrante. A quel modèle alors se référer, si même les adultes ne savent plus où ils en sont ? De nombreux jeunes basculent alors dans l'extrême opposé, à savoir l'intégrisme religieux qu'ils prennent pour l'application la plus fidèle du texte coranique, supposé leur ouvrir les portes du Paradis. S'agit-il alors pour le jeune Tunisien de tenter de concilier ces deux extrêmes pour trouver une vie plus ou moins équilibrée ? La question n'est pas tant l'identité de l'homme, tel un revêtement qu'il porterait de manière généralisée dans le temps, que le contexte dans lequel il vit et celui qui, par la même occasion, le forge, lui et sa société. Nous vivons tous ensemble, c'est un fait, nous ne parlons plus l'exode rural de nos jours parce que l'urbanisme a atteint un point culminant. Mais alors, qu'est-ce qui s'impose aux hommes et femmes du XXIe vivant en société? On constate d'abord un véritable recul de la pensée indépendante. L'esprit humain n'est plus apte à l'esprit critique, la pensée indépendante est très difficile, les médias sont les prophètes de cette décennie. Nous sommes endoctrinés tous les jours par la télévision, les journaux et la radio. Plus loin que la propagande, ceci est la manipulation à grande échelle. Les menaces sont innombrables : partant du système éducatif qui nous trompe, preuve à l'appui, dans des sujets tels que l'histoire, la science, l'exemple étant visible aussi bien en Occident (les Américains déformant l'histoire à leur gloire) qu'en Orient (les imams déformant le Coran pour endoctriner le peuple). Que savons-nous qui ne soit pas sorti de la bouche d'un professeur ou de celle de la télévision, la plus grande source d'influence de nos sociétés, celle qui peut créer des faits sur demande et en discréditer d'autres tout aussi simplement. C'est par elle que nous comprenons le monde en somme, sans trop se poser de questions. Mais allons au-delà de la machine qui forme la réalité qui est bien souvent différente de la réalité. Les valeurs, en général, ont changé, partant de la société occidentale et déteignant sur les autres. Parce qu'il faut admettre une chose essentielle à la compréhension de l'état des nouvelles générations : nous allons vers une ère d'uniformisation des sociétés, une uniformisation des cultures, ayant pour base le modèle occidental. Partout, la jeunesse veut vivre à l'occidentale délaissant les valeurs locales. Il est plus facile à assumer, certes, on véhicule ce mode de vie à travers le cinéma, les publicités, les vidéos clips, les magazines, le petit écran, mais aussi dans nos relations sociales. Plus qu'une influence, c'est une véritable pression qui se pose chez les jeunes et chez les plus vieux. Le mot d'ordre de cette idéologie, si on peut se permettre le terme, c'est : consomme ! Et cela fonctionne; on réussit à vendre le rêve de la consommation et du pouvoir d'achat mais on ne limite jamais ses répercussions. L'importance est accordée au niveau du confort, du loisir et du divertissement (en développement phénoménal et dont les branches atteignent un incalculable nombre de différentes formes), et à la consommation en général, comme si elle était la porte de la liberté. Mais la consommation est la porte barrée de la liberté parce que, pour consommer autant, il faut sacrifier autre chose. Qu'en est-il alors de la nature ? Le président vénézuélien Hugo Chavez a une phrase intéressante à ce sujet. Il déclare : si le climat était une banque, il aurait été sauvé depuis longtemps. Il y dénonce le néolibéralisme comme étant l'unique phrasé des politiciens que nous connaissons, le gain d'argent justifie toutes les activités, et ce, malheureusement, sans exceptions. «Fais de l'argent et consomme, c'est tout ce qu'on te demande». D'autres menaces assaillent l'Occident et ceux qui suivent le modèle dont l'impuissance face à ce système, l'indifférence quant aux vrais problèmes, tant qu'on ne parle pas sérieusement tout le monde est content, la paresse formée par le confort est un formidable système de valeurs raisonnable assurant le meilleur échange possible entre les hommes. Les valeurs familiales sont détruites dans le modèle occidental, un recul par rapport au mariage est généralisé chez les jeunes générations, l'individualisme nous sépare les uns des autres et empêche tout recours collectif, excepté le recours gouvernemental. Les crises économiques se repètent et nous ne comprenons toujours pas leur fonctionnement si ce n'est que cela augmente grandement le chômage, chez les jeunes en particulier, avec une montée de la violence, de la délinquance et de l'insécurité. Les sociétés sont déséquilibrées dans le rapport entre classe et l'inégalité se prolonge entre nations. La liste des menaces s'allonge tellement qu'il semble impossible de recenser tous les éléments qui poussent à penser que le peuple est en déclin, qu'il est grandement manipulé, et que son comportement ne lui permet pas de s'en apercevoir, tant il est captivé par la télé, Internet, les loisirs, la consommation… Mais est-ce vraiment ce que nous voulons ou est-ce qu'on nous dit être bien de vouloir ? S'il existe une nature humaine, va-t- elle vers cette manière de vivre ? Ce que nous voulons est simple, nous voulons un homme capable de pensée indépendante. Et cette pensée ne peut s'acquérir que d'une seule manière : la culture. Lire des philosophes, les livres sacrés, se documenter soi-même sur l'histoire et la science, et se forger sa propre opinion. En effet, nous n'avons d'autre choix que de nous cultiver, continuellement, pour nous ouvrir sur le monde, sur les différentes façons de vivre des modes de pensée alternatifs, et par là-même, tenter de recréer notre propre identité.