Quand Paul décide, à cause de la crise économique en Europe du Sud, de continuer son chemin vers l'Allemagne, Jakob doit se décider : doit-il aider Paul activement dans sa quête d'une vie meilleure ou doit-il rester dans le rôle du documentariste qui observe à distance? Le Goethe-Institut propose, depuis le 13 juin, un programme culturel sous l'intitulé Saha Chribtek-Les nuits festives de Ramadan. Au menu, du cinéma et des concerts de musique, le tout présenté, jusqu'au 20 juin, dans le jardin du Goethe. C'est la projection spéciale du nouveau documentaire allemand Quand Paul traverse la mer - Journal d'une rencontre, en présence du réalisateur Jakob Preuss, qui a inauguré ce programme. Le public a répondu présent à l'invitation et a pu profiter, dans le jardin du Goethe aménagé à l'occasion, d'une projection à la belle étoile de ce documentaire (version originale sous-titrée en français) pour la première fois en Afrique. «Je vous laisse découvrir ce film très personnel», nous annonce le réalisateur. Quand Paul traverse la mer - Journal d'une rencontre est né de la rencontre du réalisateur avec Paul Nkamani, un Camerounais qui a quitté son pays et qui a traversé le Sahara, puis la Méditerranée pour se retrouver en Europe, en perdant sur le chemin la moitié de ses copassagers. Une odyssée qui frappe au cœur de l'actualité en abordant le sujet de l'immigration clandestine. Très personnel, parce que plus qu'un travail de documentation, il s'agit d'une amitié naissante entre un cinéaste allemand et un Camerounais dont les études universitaires ont été avortées dans son pays. Une connexion humaine a fini, au gré des mois, par s'établir entre les deux hommes. Ce que nous apprend le synopsis : Paul Nkamani a quitté son pays, le Cameroun, et est arrivé sur la côte marocaine (Mellila) après une longue et dangereuse traversée du désert. C'est ici que Paul rencontre le documentariste allemand, Jakob Preuss, en repérage pour un nouveau projet le long des frontières extérieures de l'Union européenne. Peu après cette rencontre, Paul réussit à obtenir une place sur un zodiac direction l'Europe, mais le paye au prix fort : la moitié de ses copassagers meurent en mer, Paul survit. Le réalisateur découvre les images bouleversantes du sauvetage de Paul sur l'Internet espagnol et essaie de le retrouver. Après avoir passé deux mois dans un centre de rétention, Paul est transféré dans un centre d'accueil pour migrants à Grenade, et Jakob peut enfin le revoir. Quand Paul décide, à cause de la crise économique en Europe du Sud, de continuer son chemin vers l'Allemagne, Jakob doit se décider : doit-il aider Paul activement dans sa quête d'une vie meilleure ou doit-il rester dans le rôle du documentariste qui observe à distance ? Quand Jakob rencontre Paul La rencontre se fait à Mellila, la caméra de Jakob nous fait découvrir un camp de fortune aménagé dans les bois, où on fait la connaissance de Paul et d'autres «campeurs». Venus d'un peu partout de l'Afrique subsaharienne, jeunes hommes et autres familles en quête d'un avenir meilleur s'organisent en collectivité pour survivre dans ce terrain hostile, en attendant de trouver une «brèche» pour rejoindre l'autre rive de la Méditerranée. Cette «brèche» comporte de très gros risques bien entendu. Deux alternatives s'offrent à ces voyageurs clandestins : sauter par-dessus le mur de barrières et échapper, avec beaucoup de chance (et une bonne condition physique), aux gardes-frontières (marocains et espagnols) avec le risque de se faire attraper et se voir expulser illico presto, ou alors attendre un zodiac et faire la périlleuse traversée en mer. Dans le camp, chacun donne ses raisons, il y a bien entendu le manque de développement, la corruption, le chômage, la pauvreté, la précarité, etc. Dans un registre plus politique, les «campeurs», tout en soulignant la crise économique que connaît l'Europe, pointent du doigt sa politique d'immigration en rappelant que les Occidentaux profitent bien des richesses de l'Afrique... Paul, de son côté, parle d'immigration sélective... (une position que Jakob ne comprend pas). Paul vient d'une famille modeste, son père est décédé par manque de soins et de médicaments. Ses études universitaires ont été avortées suite à des revendications estudiantines et une grève qu'il avait menée avec des camarades à lui. Après quelques tentatives de mini-projets échouées, il décide de faire la traversée au grand malheur de sa mère, nous racontent les séquences en animation du film. Un choix à faire... 97 minutes pour nous faire vivre le long périple de Paul qui a parcouru deux continents, contourné un groupe terroriste, travaillé durant trois ans dans le bâtiment afin de rejoindre Mellila, traversé la Méditerranée pour atteindre Almeria, et continuer à contourner les autorités jusqu'à Berlin, toujours avec le risque de se faire expulser... Mais pas que cela, 97 minutes d'un lien humain entre deux inconnus et une amitié dont les contours se dessinent petit à petit au fil des séquences. Jakob devait se décider à un moment donné : doit-il aider Paul activement dans sa quête d'une vie meilleure ou doit-il rester dans le rôle du documentariste qui observe à distance ? (Une autre forme de frontière cette fois), et c'est en France, à Paris, qu'il fait le choix d'aider Paul en lui débrouillant un logement. Une fois en Allemagne, le réalisateur l'héberge chez lui pour une nuit. «Qui aurait pu imaginer que tu te retrouveras en Allemagne, chez moi !», rétorque-t-il. On tombe sous le charme de Paul, on s'habitue à sa présence à l'écran, on s'inquiète pour lui, on comprend un peu sa petite colère dissimulée par un sourire (un sourire et un calme qui l'ont à peine quitté tout au long du film et qui lui viennent sûrement de la légendaire sagesse africaine) quand Jakob décide un jour de ne pas l'aider et de se contenter de le suivre avec sa caméra... Un excellent film qui brave toutes les frontières pour nous parler avec beaucoup d'humanisme de l'immigration clandestine. A voir et à revoir.