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Hommage à l'Armée nationale et gloire au soldat tunisien (1ère partie)
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 06 - 2017


Par le Colonel Boubaker BENKRAIEM*
De bout en bout de cet article, en avant-plan ou en toile de fond, un acteur majeur aura jeté son ombre tutélaire sur le parcours que près de deux millions de jeunes concitoyens ont eu le mérite et l'honneur d'effectuer lors du service national, entre 1956 et 2017, ce devoir constitutionnel que la majorité de l'élite tend, aujourd'hui, à oublier, et que je tiens à retracer dans l'unique but de contribuer, pour une part si modeste fût-elle, à l'éclairage de certaines stations de l'histoire contemporaine de notre pays : l'Armée nationale. C'est que celle-ci est devenue une partie constitutive de notre être, nous les officiers, appartenant à la génération de l'indépendance, et aux premières promotions d'officiers de la Tunisie indépendante. Sous l'uniforme ou en tenue de ville, dans des missions militaires ou civiles, elle préside à chaque instant de notre vie. Elle nous inspire à tout moment, nous imprégnant jusqu'à la moëlle épinière de ses nobles valeurs. En cela, certes, nous sommes semblables à tous les enfants de l'institution, de l'homme de troupe aux plus hauts gradés, mais avec une sensibilité toute particulière que ne peut partager avec nous qu'un groupe de compagnons d'armes de plus en plus restreint au fil des jours : tous ceux qui ont constitué, à l'automne 1956, le premier contingent de cette armée assurément singulière parti se former dans la prestigieuse Ecole spéciale militaire inter-armes de St Cyr Coëtquidan. Oui, ceux-là ont vu naître cette grande institution qui, à son tour, les a vus grandir dans son giron. A peine sortis de l'adolescence, nous avons, en effet, trouvé en elle non seulement l'horizon de notre vie professionnelle mais encore une école de civisme, de don de soi, de discipline, de dévouement et de sacrifice. Elle a développé en nous ce nationalisme et ce patriotisme qui nous collent à la peau ainsi que les grandes qualités morales qui nous ont guidés tout au long de notre carrière.
L'Armée nationale fête, le 24 juin, son 61°anniversaire. C'est l'occasion de rappeler, au peuple tunisien, dont l'attachement à son armée qu'il retrouve, à chaque fois, est indéfectible, les différentes étapes et les vicissitudes par lesquelles elle est passée. Je le fais parce que nombreux de nos concitoyens, dont une bonne partie de notre élite, ignorent les circonstances dans lesquelles a été créée notre armée nationale ainsi que les difficultés qu'elle a trouvées pour l'acquisition, au départ, du minimum d'armement. En effet, les pays occidentaux, par solidarité avec la France, ont décidé, durant quelques années, d'un embargo à notre encontre, sous prétexte que cet armement pourrait être cédé aux combattants algériens qui, depuis le 1er novembre 1954, menaient ce combat libérateur contre l'occupant.
Notre armée nationale est l'une des rares armées au monde à s'être formée par elle-même et grâce à ses propres enfants. En effet, il était de tradition que lorsqu'un pays colonisé accède à l'indépendance, c'est l'ex-puissance coloniale qui l'aide à créer les attributs de sa souveraineté, dont l'armée. Cependant, la Tunisie ne l'a pas fait, pour les raisons évidentes qu'il n'est pas difficile d'imaginer. C'est pourquoi je rends un vibrant hommage à nos anciens, les vingt-six officiers tunisiens qui avaient servi dans l'armée française et qui ont été transférés, sur leur demande, à la jeune armée tunisienne ainsi qu'au contingent composé de près de mille quatre cents militaires comprenant un certain nombre de sous-officiers et dont la majorité était des hommes de troupe engagés dans la même armée française. A ce petit contingent s'est greffée la petite Garde beylicale dont les grades de ses officiers ont été revus à la baisse. Je voudrais citer parmi ces anciens qui ont eu ce grand mérite —du moins ceux dont je me souviens encore—, les commandants Habib Tabib, Mohamed El Kéfi, Amor Grombali, les capitaines Mohamed Habib Essoussi, Lasmar Bouzaiane, Sadok Mansour, Béchir Bouaïche, Chérif Slama, Abdelaziz Ferchiou, Hassine Remiza, Mohamed Missaoui, Mohamed Kortas, Ahmed El Abed, Mohamed Limam, Amara Fecha, Kaddour Ben Othmane, Mohamed Abbès, Ali Charchad, les lieutenants Mohamed Béjaoui, Abdelhamid Benyoussef, Moncef Essid, Sadok Ben Saïd, Mohamed Salah Mokaddem, etc. Cette petite escouade d'officiers n'avait pas bénéficié, pour la majorité, d'une formation militaire suffisante, car elle n'avait pas suivi de stages dans les grandes écoles d'état-major ou d'écoles de guerre, vu leur origine et leur niveau. Pour forger la nouvelle entité, ils ont pioché dans leur riche expérience d'hommes engagés aux premières lignes sur tous les fronts de la Seconde Guerre mondiale et même, hélas, des guerres coloniales françaises (en particulier en Indochine) pour créer et organiser une armée avec un état-major, des unités de combat ainsi que des services de soutien, des centres d'instruction et des écoles de formation. En un mot, ils ont su assurer et garantir une vie normale à des milliers d'hommes dans tous les domaines (recrutement, hébergement, habillement, alimentation, salaires, santé, matériels et équipements, armement et munitions, matériels roulants, instruction et formation, etc.). C'est seulement à notre maturité, après tant d'années de service, avec l'expérience que nous avons acquise et les responsabilités que nous avons assumées, que nous, les officiers de la première promotion d'officiers issus de St Cyr, nous nous sommes rendus compte de la complexité de la tâche de nos aînés, les officiers transférés de l'armée française et de la Garde beylicale. Ceux-ci et ceux-là ont rendu à la jeune armée tunisienne des services énormes que nous apprécions, maintenant, à leur juste valeur. C'est, d'ailleurs, grâce à eux que nous devrions être fiers et nous vanter d'être parmi les rares armées au monde à avoir formé et organisé notre institution sans conseillers ni techniciens étrangers et nous n'avons eu, à ce propos, ni aide ni assistance d'un pays tiers. Bravo à nos anciens qui se sont ingéniés avec les moyens du bord pour créer de toutes pièces et organiser une armée moderne digne de ce nom. Pour tout ce qu'ils ont fait, nous, les jeunes officiers de la promotion Bourguiba, qui, dix ans plus tard, avons commencé à prendre les rênes du commandement, nous leur sommes reconnaissants pour la vie. Très rapidement, notre jeune armée allait connaître son baptême du feu. Presque sans transition entre l'acte de création de cet embryon de forces armées et son déploiement sur le terrain, la guerre étant à nos frontières ouest et sur notre territoire, conservant encore une présence militaire française, nos soldats étaient déjà sollicités pour des opérations de défense des frontières avec l'Algérie occupée, objet d'attaques éclairs ou d'opérations de minage qui avaient déjà causé des pertes dans nos rangs pourtant encore squelettiques. C'est pourquoi soixante postes frontaliers ont été implantés le long de la frontière tuniso-algérienne, partant de Tabarka jusqu'à Bordj El Khadhra et destinés à tranquilliser et, au besoin, protéger la population : à titre d'exemples, le 6 octobre 1956, trois mois après sa création, un violent accrochage opposa une compagnie de l'armée française à un groupe de résistants algériens dirigés par Si Abbes, entre Bouchebka et Kasserine, ayant entraîné d'importantes pertes des deux côtés ; le même jour, des renforts français ont effectué un ratissage complet des cheikhats de Fedj Hassine et de Hydra, blessant des femmes et emprisonnant des hommes et incendiant des gourbis ; le 22 octobre 1956, au sud, des troupes françaises ont tenté d'occuper le poste de surveillance de Ben Guerdane pour s'emparer des documents et des dossiers ;le même jour, l'armée française s'empare, en plein vol , de l'avion qui transportait du Maroc certains des leaders de la rébellion algérienne ; le 24 octobre,au nord,un accrochage, entraînant des blessés, eut lieu sur la route Ain Draham - Jendouba où des barrages ont été dressés pour empêcher les troupes françaises de se déplacer ; le 1er novembre, un accrochage eut lieu à Kébili occasionnant un mort et un blessé ; le 22 novembre, un autre incident occasionnant deux morts et plusieurs blessés eut lieu à Bir Drassen (Cap Bon) suite à la protestation des populations quant à l'installation des équipements radar sur les hauteurs de la région ; le 31 mai 1957, c'est le plus tragique incident et le plus meurtrier qui eut lieu, dans la région d'Ain Draham, avec l'armée française : en effet, fuyant les arrestations, les ratissages, les tortures, les massacres et les assassinats, des Algériens, hommes, femmes et enfants se sont réfugiés en Tunisie. Des unités de l'armée française les ont poursuivis dans les cheikhats tunisiens des Ouled Msallem et des Khmairia non loin d'Ain Draham. L'Armée tunisienne et la Garde nationale, tentant de les protéger et leur porter secours, se sont trouvées face à face avec elles, ce jour-là, vers midi, et ce fut l'affrontement. Khemaies El Hajri, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, accompagné de Béji Caïd Essebsi, directeur général des affaires régionales au ministère de l'Intérieur, de passage, par hasard, dans la région pour inspecter des camps de réfugiés algériens, a été grièvement blessé et succomba quelques jours plus tard, ainsi que neuf autres Tunisiens des forces de l'ordre (militaires et gardes nationaux). Il y a eu aussi une douzaine de blessés. Deux ans à peine après l'Indépendance, nous avons subi, à titre de représailles, puisque notre pays a pris fait et cause pour la guerre d'indépendance de l'Algérie en accueillant près de vingt mille combattants, le bombardement du paisible village frontalier de Sakiet Sidi Youssef, le 8 février 1958, par des escadrilles de bombardiers B26. Il y a eu des centaines de morts, tunisiens et algériens, essentiellement des civils, dont un grand nombre d'écoliers. Aucun combattant ALN ne se trouvait parmi les morts ou les blessés. La Tunisie, profitant, avec beaucoup de subtilité, de cette agression caractérisée, prit les mesures suivantes :
1° - la déposition d'une plainte auprès du Conseil de sécurité de l'ONU,
2°- l'interdiction à l'armée française, stationnée en Tunisie, de quitter ses casernements fut prise,
3° - des barrages furent dressés devant toutes les casernes françaises,
4°- la Tunisie demanda officiellement l'évacuation de toutes les troupes françaises stationnées sur son territoire,
5°- une campagne de presse, savamment orchestrée, maintenait la pression sur les troupes françaises et gonflait à bloc notre moral.
Trois mois plus tard, cette jeune institution a été engagée dans la bataille de Remada le 25 mai 1958. C'est avec l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle, le 1er juin 1958, que des négociations ont abouti à la décision de l'évacuation de toutes les troupes françaises encore stationnées en Tunisie, avant l'automne 1958, exception faite pour la base de Bizerte. De même, l'arrivée aux affaires du général de Gaulle, laissait espérer au gouvernement tunisien que l'accord transitoire, signé en 1958, devait conduire, par la négociation, à la conclusion d'un accord définitif, allant dans le sens logique des choses, c'est-à-dire, à l'évacuation de la base de Bizerte. Mais il n'en fut rien et cette évolution négative résultait de la forte personnalité des deux chefs d'Etat tunisien et français, Bourguiba et de Gaulle, que tout opposait : le tempérament, la formation politique et la culture.
D'autre part, la France, n'étant pas encore une puissance atomique bien qu'elle ait procédé aux premiers essais de sa bombe à Reggane (sud algérien) en 1960, tenait à garder Bizerte dont l'importance était pour elle vitale car elle était l'une des bases du triangle stratégique formé par Bizerte, Toulon et Mers El Kebir et qui contrôlait le bassin occidental de la mer Méditerranée.
Aussi, l'extension des pistes d'atterrissage de la base de Sidi Ahmed qui était certainement programmée depuis longtemps, a débuté au mois de juin 1961. Perçu par Bourguiba comme une sorte de provocation inadmissible et inacceptable, elle était, en fait, le véritable détonateur qui a mis le feu aux poudres.
Pour Bourguiba qui a toujours favorisé l'action politique à l'épreuve de force, qui a toujours été modéré dans ses revendications, qui a toujours recherché le compromis avec la puissance occupante, la confrontation devenait inévitable même si le rapport des forces était très largement en faveur de la France.
Et c'est en fait, trois ans plus tard, en juillet 1961, avec un cran insolent, notre armée a tenu tête et résisté, à Bizerte, à la toute puissante armée française : la base aérienne ayant été bombardée, dans la nuit du 19 au 20 juillet 1961, par l'une de nos unités de mortiers installée discrètement, tout près de la base, lui infligeant de sérieux dégâts, eut pour conséquence une riposte fulgurante de l'armée française. Elle utilisa tous les moyens terrestres, aériens et maritimes dont elle disposait dans la région. Et étant donné le déséquilibre des forces en présence, nos unités ont mené un combat retardateur jusqu'à la médina, la vieille ville de Bizerte qui a été transformée en îlots de résistance et où les troupes françaises, n'y pouvant utiliser leurs chars et leurs engins mécanisés, n'ont pu y pénétrer, et ce, jusqu'au cessez-le-feu ordonné par le Conseil de sécurité le 22 juillet 1961. La guerre de Bizerte a connu, dans nos rangs, plusieurs centaines de martyrs et de disparus. Le même combat eut lieu, au même moment, à Fort Saint, à l'extrême sud tunisien...
*(Ancien sous-chef d'état-major de l'Armée de Terre, ancien Casque Bleu «Congo et Katanga», Ancien Commandant de la Brigade Saharienne, ancien Gouverneur)


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