On attend toujours la mise en branle des grandes réformes économiques. La guerre déclarée contre la corruption a été jusqu'ici bien perçue par l'opinion et certains milieux économiques et financiers. Même si une partie de la classe politique au pouvoir est rétive Politique et économie s'enchevêtrent, est-il besoin de le rappeler ! «Faites-nous de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances», a dit le baron Louis à Guizot au cours d'un Conseil des ministres en 1830. Ayant été à cinq reprises ministre français des Finances sous les deux Restaurations et la monarchie de Juillet, l'homme savait de quoi il parlait. Sous nos cieux aussi, il en est ainsi. Seulement, les crises politiques n'en finissent pas d'attarder la reprise économique. La semaine écoulée, on a eu droit à un énième exercice de passes d'armes entre le gouvernement et les députés. Certes, dira-t-on, il s'agit d'un exercice démocratique, qui plus est du contrôle de l'exécutif par le Parlement. Oui, bien évidemment. Seulement, on attend toujours la mise en branle des grandes réformes économiques. La guerre déclarée contre la corruption a été jusqu'ici bien perçue par l'opinion et certains milieux économiques et financiers. Même si une partie de la classe politique au pouvoir y rechigne. Soyons clairs. Le gouvernement Youssef Chahed n'a guère les coudées franches en la matière. Nous ne parlons pas des députés de l'opposition qui, en refusant la guerre annoncée contre la corruption pour un motif ou un autre, sont somme toute dans leur rôle. Mais une partie de la coalition multipartite au pouvoir, sous l'égide du gouvernement dit d'union nationale, s'y refuse elle aussi d'une manière non déguisée. C'est le cas de Nida Tounès et d'Ennahdha notamment. Les guerres de positions et d'escarmouches que mènent les uns et les autres en disent long là-dessus. Ainsi, des députés tels que Fadhel Ben Omrane (Nida, chef de la coalition parlementaire), Mohamed Ben Salem et Samir Dilou (Ennahdha) font-ils montre d'une hostilité ouverte à l'endroit du gouvernement. Plus généralement, les crises politiques qui s'imbriquent et s'enchevêtrent font écran au dynamisme économique escompté. Des crises à fragmentations mais aussi fragmentaires et sinueuses. Or, l'année en cours a donné par moments l'impression d'avoir bien débuté. Témoin, le taux de croissance de 0,9% enregistré au premier trimestre de l'année en cours. Même si le le taux du deuxième trimestre semble bien en deçà et demeure presque escamoté. On escompte aussi une bonne saison touristique et le renflouement des caisses en devises devenues si coûteuses et précieuses par la misère de ces jours. Ajoutons-y les performances attendues de l'huile d'olive tunisienne à l'échelle mondiale, ainsi que les débuts de concrétisation des accords conclus lors de la conférence internationale sur l'économie et les finances Tunisia 2020, et la bouclée peut être bouclée. Pour ce faire, il faudrait que la rentrée soit paisible ou apaisée. Durant l'hiver et le printemps et jusqu'à l'orée de l'été, ça n'a guère été le cas. La grogne sociale s'était répandue telle une traînée de poudre de Gafsa à Tataouine en passant par Sidi Bouzid et ailleurs. Les grèves sectorielles n'ont guère cessé. Il y a eu du bruit, de la fureur et des victimes. Et de larges pans de l'économie en panne. Youssef Chahed est prévenu. Il devra redoubler d'efforts en vue d'assurer les attributs d'une rentrée marquée du sceau de la reprise. C'est-à-dire de l'espoir raisonné. Le pays ne pourra guère supporter de nouveaux rounds de bras de fer oiseux ou fondés sur la logomachie et les surenchères. Jusqu'ici, il bénéficie de deux soutiens de taille, le président de la République et l'Ugtt, la puissante centrale syndicale. Et il devra capitaliser là-dessus. Sinon, il finira comme M. Habib Essid, l'ex-chef du gouvernement, en cas de lâchage par la présidence de la République ou comme M. Néji Jelloul, ex-ministre de l'Education, en cas d'hostilités avérées avec l'Ugtt. Et, dans tous les cas de figure, il ne devra compter que sur ses propres forces. Parce qu'en politique plus qu'ailleurs, la vie ne fait pas de cadeau.