Création, sur instructions présidentielles, d'un musée illustrant l'histoire de la femme tunisienne à travers le temps. Le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance annonce l'attribution, désormais, d'un prix annuel à l'échelle méditerranéenne : le Prix Fatma-Fehria Le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, en collaboration avec le bureau d'ONU Femmes à Tunis, a organisé hier à Gammarth, sous le haut patronage du président de la République, une conférence nationale ayant pour thème : « Vers une feuille de route : quel rôle des femmes tunisiennes dans la garantie du développement, de la paix et de la sécurité ? ». Ce thème, aussi complexe qu'il soit, revêt une dimension intégrale et cohésive. La Tunisie, qui s'aligne parmi les 193 pays membres de l'ONU, — et en dépit de sa détermination incontestable à soutenir la cause féminine aussi bien à l'échelle nationale qu'à celles régionale et universelle — fait encore partie des pays dépourvus d'un plan d'action national pour la protection des femmes et leur sécurisation, et ce, conformément aux commandements de la résolution 1325, laquelle fut adoptée en 2000 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il s'agit, en effet, d'une condition essentielle au renforcement de la protection, de la sécurité des femmes ; ces dernières étant plus vulnérables que les hommes et sont souvent en situation précaire, notamment dans des contextes de conflits. Aujourd'hui, la Tunisie se positionne, de par sa localisation géographique mais aussi de par sa fragilité sécuritaire, en tant qu'objet de menaces multiples. La femme, qui célébrera demain sa fête nationale, devrait être le maillon fort voire le pivot fondamental de la lutte pour la paix, la sécurité, le développement, mais aussi pour décrocher son droit à la parité, à l'équité et à la dignité. Pour y parvenir, c'est à l'Etat, au gouvernement, à la société civile ainsi qu'à la société tout court de la soutenir dans son combat. Ouvrant la conférence, Mme Naziha Laâbidi, ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, rappelle que la Tunisie a adopté la résolution 1325 sans pour autant réussir à honorer ses engagements quant à l'instauration d'un plan d'action national à même de garantir l'intégration de la question du genre dans ses politiques sectorielles et dans ses programmes de développement. « Certes, l'état des lieux n'est point alarmant. Cela dit, des lacunes restent à combler à travers la garantie de l'égalité entre l'homme et la femme », indique-t-elle. Et pour preuve, elle avance des chiffres préoccupants, trahissant la discrimination sexiste qu'endurent les femmes. En effet, elles sont plus sujettes au chômage que les hommes ; soit 28% de chômeuses contre seulement 12% de chômeurs. Sur le plan politique, la femme ne représente que 21% du gouvernement postrévolutionnaire. Le combat législatif continue La ministre ne rate pas l'occasion pour raviver la mémoire de l'assistance sur les défis relevés par les militantes féministes. Elle rappelle la substitution, dans le CSP, du principe de la « soumission » au principe du « respect mutuel » entre l'homme et la femme, ce qui représente un acquis de taille. Le 26 juillet 2017 marque d'une pierre blanche l'adoption de la loi organique sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes ce qui constitue une révolution législative. « Cet acquis législatif nous ouvrira la voie pour élaborer des plans nationaux spécifiques à l'enfance, aux jeunes couples, à la famille, à l'éducation parentale. Il nous motivera aussi pour aller de l'avant dans la lutte contre la violence. Nous nous penchons, d'ailleurs, sur l'élaboration d'une étude sur le coût de la violence. Nous allons inaugurer des centres d'hébergement et de protection des femmes victimes de violence », souligne la ministre. Elle saisit l'occasion pour annoncer l'attribution, désormais, d'un prix tunisien en guise d'hommage à deux figures féminines : Fatma Fehria et sa sœur, qui furent les premières fondatrices d'une université à Fès. Ce prix sera décerné à l'échelle méditerranéenne. « Le président de la République vient d'ordonner la création d'un musée illustrant l'histoire de la femme tunisienne à travers le temps », renchérit-elle, ravie. Fonction publique : 2% de femmes leaders ! Prenant la parole à son tour, M. Mohamed Chérif, président de l'Instance générale de la fonction publique, reconnaît le mérite de la femme tunisienne et la spécificité de la législation tunisienne comme étant une législation pro-féministe par excellence. La loi régissant le domaine de la fonction publique s'appuie non pas sur l'inégalité de genre, mais sur le mérite en tant que principal critère d'admission à la fonction publique, ce qui concrétise le principe de l'égalité de genre en matière d'accès au marché de l'emploi et par conséquent à l'autonomie. D'ailleurs, le taux de réussite de la gent féminine aux concours de la fonction publique s'élève à 63%. Néanmoins, la femme semble avoir du mal à disputer sa place dans ce créneau à dominante masculine. « L'on remarque, en effet, un écart incommensurable entre les hommes et les femmes fonctionnaires, âgés entre 20 et 25 ans. L'on compte 26 745 hommes contre seulement 2.262 femmes. Pour la tranche d'âge 35/ 40 ans, l'écart est insignifiant, soit 55.945 hommes et 53.638 femmes », indique le responsable. Il ajoute : « Le taux le plus inquiétant, en revanche, c'est celui qui concerne la place qu'occupent les femmes dans les postes de décision ; un taux qui n'excède pas les 2% et qui vient contrecarrer toutes les attentes et tous les objectifs tracés dans le programme national de développement ». Meilleure intégration de la notion genre De son côté, Mme Héla Skhiri, présidente du bureau d'ONU Femmes à Tunis, indique que la célébration de la fête nationale de la femme doit être une occasion pour prendre du recul et examiner tant les écarts constatés que le taux d'évolution des normes sociales en rapport avec la femme. Elle rappelle que la résolution 1325 responsabilise les Etats membres des Nations unies quant à la mise en place de plans nationaux et de mécanismes susceptibles de renforcer la sécurité des femmes. « Au bout de quinze années, nous avons décelé une nette amélioration au niveau de la prise en considération de la notion genre, ainsi qu'au niveau de l'autonomisation des femmes et de la représentation équitable des hommes et des femmes dans les processus de paix », fait-elle remarquer. Mme Skhiri souligne que la Résolution 1325 tend à maximiser l'accès des femmes à la sécurité, à la justice ainsi qu'à améliorer leur représentativité au niveau des processus de paix. « Jusqu'à nos jours, 57 pays membres ont honoré leurs engagements en élaborant des plans nationaux, soit trois fois plus qu'en 2010 », ajoute-t-elle.