Pour ce réalisateur malien invité en tant que membre du jury international, le festival des cinéastes amateurs est une grande découverte et l'inspire pour faire renaître un cinéma africain de ses cendres. Etes-vous un des fidèles aux manifestations cinématographiques tunisiennes ? Je viens en Tunisie depuis 1981. C'était à l'occasion des JCC (Journées cinématographiques de Carthage). A l'époque, je travaillais avec Souleimane Cissé en tant que directeur de production. Vous êtes venu avec quel film ? « Fiyen » qui veut dire « le vent ». Avec Cissé, nous sommes revenus en 1990 avec le fameux « Yelen ». Mais c'est en 2007 que j'ai présenté aux JCC mon propre film : « Faro, la reine des eaux » Qu'avez-vous découvert aux JCC ? Que les Tunisiens ont une grande culture cinématographique. Mais ma grande découverte c'est ici, à Kélibia. A l'ouverture du Fifak (Festival international du film amateur de Kélibia), cette présence du public m'a « réveillé ». Je me suis dit : « Le rêve est encore possible ». Et quel est ce rêve ? Faire du cinéma. Tout simplement. Est-ce si difficile que ça de faire du cinéma au Mali ? Il n'y a plus de salles. Il n' y a plus de public. Ce dernier est devenu si distant ! D'ailleurs, je me demande pour qui faisons-nous des films ? Pour la télévision et les festivals, uniquement ? C'est déjà bien que les télévisions achètent. N'est-ce pas ? Les télés n'achètent pas. Quand Canal Plus produit sous forme d'un préachat, elle donne, par la suite, le film aux chaînes de télévision africaines à titre gracieux. C'est le deal. Les films sont tout de suite piratés après leur diffusion. Voilà ce qui arrive dans le meilleur des cas. Et qu'est-ce qui vous a séduit dans l'expérience de la Ftca (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs) ? Cet esprit, cette volonté d'apprendre et cette curiosité. Les jeunes ici en veulent. Le cinéma a une écriture propre et je vois que ces jeunes essayent de se l'approprier. Le Fifak est un modèle que je souhaiterais transporter chez nous, au Mali, et dans toute l'Afrique subsaharienne. Bien entendu, qui dit Fifak dit Ftca et tout son programme de formation. Si nous avions bien compris, chez vous, le besoin se ressent en matière de formation. Comment cela se fait ? Au Mali, il existe une seule école et qui n'est pas spécialisée. Il s'agit du Conservatoire des arts. Il y a une autre école au Burkina Faso : l'ISIS (Institut supérieur de l'image et du son) et une troisième au Bénin. Dans toute l'Afrique subsaharienne, il n'y a que trois écoles. Encore faut-il que ces dernières offrent la formation qu'il faut. Car, une école, ça coûte cher. Il lui faut du matériel qu'elle doit renouveler à chaque fois, selon les évolutions des technologies. Que font la plupart des gens pour étudier le cinéma ? Ils vont en Afrique du Sud ou au Maroc. Un accord de partenariat a eu lieu entre la Ftca et le milieu cinématographique d'Afrique subsaharienne. Etes-vous impliqué ? En effet, il y a eu des négociations sérieuses avec le réalisateur sénégalais Moussé Touré. Une première installation aura lieu à Dakar. La deuxième se tiendra au Mali. Que voulez-vous dire par « installation » ? Il s'agit d'« installer » la réplique du Fifak dans ces pays qui en ont besoin. Que pensez-vous des films tunisiens que vous avez vus lors de cette 32e édition du Fifak ? J'ai été agréablement surpris par ces films projetés dans le cadre de la compétition nationale et qui méritent de concourir dans la section internationale tellement ils sont bons. On sent que derrière ces courts métrages, il y a une écriture et que la fédération a mis le paquet dans la formation. C'est clair, la Ftca veut que ces jeunes grandissent petit à petit en gardant les pieds sur terre. Je crois que je vais emboîter le pas à Moussa Touré et transmettre le modèle. Il est temps de donner un coup de fraîcheur à ce qui a été déjà construit chez nous en matière de septième art.