Youssef Chahed doit-il procéder dans les plus brefs délais à un remaniement ministériel ? Plusieurs observateurs avertis en conviennent. Autrement, d'affaires en scandales, le nombre d'intérimaires pourrait bien enfler tel un ballon de baudruche. Et la crise au sommet de l'exécutif bicéphale se perpétuer sous diverses formes. En politique, temporiser c'est faire du surplace. Autant dire régresser. Le gouvernement de Youssef Chahed le découvre, par moments, à ses dépens. Récapitulons. Deux ministères sont en attente de nouvelles nominations depuis des mois. Et ce sont des ministères presque régaliens, s'agissant du ministère de l'Education et de celui des Finances. Des ministres en charge d'autres portefeuilles assurent leur intérim. Et l'un d'eux, M. Fadhel Abdelkéfi, a dû démissionner il y a deux jours, rattrapé par un procès pour une scabreuse affaire d'argent liquide intercepté par la douane. En somme, l'intérimaire est en quelque sorte remercié. Du coup, ce sont trois ministères qui sont vacants. Et ça en rajoute à la peine du gouvernement dit d'union nationale. Youssef Chahed doit-il procéder dans les plus brefs délais à un remaniement ministériel ? Plusieurs observateurs avertis en conviennent. Autrement, d'affaires en scandales, le nombre d'intérimaires pourrait bien enfler tel un ballon de baudruche. Et la crise au sommet de l'exécutif bicéphale se perpétuer sous diverses formes. C'est d'autant plus impérieux que deux considérations sérieuses y président. D'un côté, le gouvernement d'union nationale ne semble bénéficier, jusqu'à nouvel ordre, que du soutien actif de la présidence de la République et de la puissante centrale syndicale, l'Ugtt. Les autres partis, y compris les deux principaux de la coalition gouvernementale, Ennahdha et Nida, le soutiennent du bout des lèvres ou s'inscrivent en porte-à-faux de l'action gouvernementale. Nida Tounès ne cache guère son désaccord avec le gouvernement. Il coopte à tour de bras et aligne depuis peu les personnalités ministrables et qui s'affichent volontiers comme telles. Plusieurs d'entre elles, tel M. Khaled Chaouket, s'en prennent directement au chef du gouvernement dans une série de tribunes, de chroniques médiatiques et d'articles de presse. En d'autres termes, Nida affûte ses couteaux pour la rentrée et promet au gouvernement dit d'union nationale bras de fer et levées de boucliers. De son côté, le parti Ennahdha n'est guère en reste. Bien que disposant de cinq ministres dans le gouvernement, il affiche à l'endroit de Youssef Chahed une inimitié ouverte et non déguisée. Elle frise parfois l'hostilité dûment assumée. Tel fut le cas lorsque M. Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, a intimé une triple sommation, le 1er août 2017, à M. Youssef Chahed. Il lui a ordonné, dans une interview télévisée, de tempérer sa guerre déclarée à la corruption, de se soumettre aux résolutions d'un dialogue économique et social qu'il a unilatéralement déclaré et de s'engager formellement à ne pas se présenter à l'élection présidentielle de 2019 ! Autant dire une déclaration de guerre en bonne et due forme de Rached Ghannouchi à Youssef Chahed. Ça c'est côté cour. Côté jardin, Afek Tounès, autre parti de la majorité gouvernementale, a désormais un pied au gouvernement d'union nationale, moyennant deux super-ministères, et un pied dans l'opposition à travers ses incessantes manœuvres de coulisses menées au grand jour, au vu et au su de tous. Sur un autre plan, Youssef Chahed est pris en tenailles par le timing ingrat. S'il ne procède pas au remaniement ministériel au plus tard à la mi-septembre, il devra attendre l'adoption de la loi de finances et la tenue des élections municipales devant théoriquement se tenir le 17 décembre prochain. Et supporter entre-temps les coups fourrés, chausses-trappes et traquenards des partis plus ou moins hostiles de la majorité gouvernementale précités, sans parler de ceux de l'opposition. En somme, s'il n'est pas en face d'un dilemme, M. Youssef Chahed est devant un choix cornélien. Et sa marge de manœuvre rétrécit comme peau de chagrin. Autre fait important et non des moindres, la guerre contre la corruption est elle-même sujette à caution. Enclenchée fin mai 2017, M. Youssef Chahed en a fait un cheval de bataille. Elle est populaire auprès de l'opinion mais fait grincer bien des dents du côté de l'establishment, Nida Tounès et Ennahdha en prime. Plusieurs de leurs ténors et séides veulent n'y voir que manœuvres dilatoires, sélectivité douteuse et règlements de comptes avec des rivaux potentiels. Youssef Chahed, lui, y tient bec et ongles. L'aura acquise au fil des mois à la faveur de cette guerre le réconforte dans sa détermination à y aller encore de l'avant. Mais les partis de la majorité craignent à juste titre qu'elle ne les éclabousse directement, s'étant jusqu'ici cantonnée à leurs alliés et proches collaborateurs. On attend avec impatience les nouveaux épisodes de cette guerre pour y voir plus clair dans cette confrontation feutrée et larvée. Là aussi, des avocats poches de Nida Tounès et d'Ennahdha affûtent leurs couteaux en vue de sérieuses passes d'armes à la rentrée. Et, en toile de fond, il y a les pesanteurs d'un vécu de plus en plus emblématique. Le chômage est toujours massif, les prix augmentent à une allure vertigineuse, le déficit de la balance commerciale s'aggrave et les finances publiques sont saignées à blanc. Les jacqueries et soulèvements dans la Tunisie profonde sont toujours une perspective sérieuse. De quoi se dire que, pour le gouvernement dit d'union nationale, la moindre accalmie officie comme une trêve entre deux guerres. La politique s'avérant au bout du compte comme l'une des modalités de la guerre permanente de tous contre tous.