Huit partis demandent au président de la République de ne pas signer le décret de convocation des électeurs, en l'absence des conditions de la réussite du scrutin La salle était comble hier à l'hôtel où se tenait la conférence de presse de huit partis sceptiques quant à la capacité du gouvernement et de l'Isie à organiser dans les délais prévus les élections municipales. Outre les journalistes, il y avait des militants des huit partis venus en grand nombre afin, nous dit-on, de prouver que les opposants à l'actuel calendrier ne sont pas si minoritaires qu'on le dit. Afek Tounès, Al-Jomhouri, Al-Massar, Machrou Tounès, Al-Badil, Al Watan Al Mouahad, Parti du travail national démocrate et Tounès Awalan se sont toutefois gardés dans leur communiqué commun de demander ouvertement le report des élections ou de proposer une nouvelle date. Dans le communiqué, ils appellent le Parlement à combler les postes vacants du conseil de l'Isie, dont le président, et à voter au plus vite le code des collectivités locales. Ces partis demandent également au chef du gouvernement de garantir la neutralité de l'administration, de créer des mécanismes de coordination entre les parties prenantes du processus électoral, d'allouer le budget nécessaire aux communes conformément à la nouvelle loi des collectivités locales dans le projet de loi de finances de 2018 et de fixer un calendrier clair pour la réalisation des préalables énumérés. Enfin, les partis appellent le président de la République à ne signer le décret de convocation des électeurs que si et seulement si toutes les conditions sont remplies. « Or nous savons très bien que ces conditions ne pourront pas être respectées dans des délais aussi courts », nous confie Fathia Saidi, membre du bureau politique et exécutif de la Voie démocratique (Al Massar). Si les partis signataires feignent de ne pas s'opposer aux dates fixées, ils semblent unanimes sur le fait que les conditions adéquates ne pourraient pas être réunies avant la fin du mois de mars 2018. Le représentant du parti Al-Jomhouri s'est même hasardé à la tribune à proposer la date du 20 mars 2018 avant d'être très vite recadré par le reste des partis, créant une tension palpable parmi les cadres. Partie prenante du gouvernement d'union nationale, Afek Tounès privilégie des élections municipales pendant le premier trimestre de 2018. « Il s'agit de notre première position commune, nous dira par la suite Ridha Belhaj, le coordinateur général du parti Tounès Awalan. Il est donc normal que les violons ne soient pas tout à fait bien accordés ». Watfa Belaid, du parti Machrou Tounès, a en outre rappelé que pendant la consultation organisée par l'Isie, 11 partis étaient hostiles à la date du 17 décembre. « Malgrè cela, l'Isie s'est alignée sur la position de deux partis, Ennahdha et Nida Tounès, dit-elle. Depuis ces consultations, le climat électoral s'est encore détérioré, notamment avec la démission du président de l'Isie et de deux de ses membres ». Mohamed Ali Toumi, qui représentait le parti Al-Badil lors de la conférence, pointe également du doigt des dysfonctionnements à l'intérieur de l'Isie qui, selon ses dires, a été amputée du tiers de ses membres, partis dans la foulée de la démission de Chafik Sarsar. Pour l'ensemble de ces raisons, Issam Chebbi, secrétaire général du Parti républicain (Al Joumhouri), croit fermement que le climat actuel ne permet pas la tenue des élections municipales, « les plus importantes depuis la révolution ». Clairement, Issam Chebbi a demandé qu'une nouvelle date pour les élections municipales soit fixée. « Continuer à s'attacher aux dates prévues est une aventure périlleuse », a-t-il déclaré. Pour sa part, le secrétaire général du parti Afek Tounès a qualifié l'opération d'inscription des électeurs de « non réussie ». « La cause de cet insuccès réside entre autres dans le fait que plusieurs cadres de l'Isie ont quitté », a-t-il affirmé. L'ex-ministre du Développement rappelle aussi les difficultés qu'a actuellement le gouvernement pour la mise en place des tribunaux administratifs dans les régions. « Nous savons ce qu'est un tribunal, et nous savons que ce n'est pas évident d'en créer un », renchérit Watfa Belaid. Les partis signataires défendent également l'argument selon lequel le mois de décembre est le mois de l'examen et du vote du budget de l'Etat. Selon eux, cette concomitance pourrait biaiser le débat. A la question de savoir si la raison principale qui les pousse à demander le report ne serait pas en réalité un moyen de gagner du temps afin de mieux préparer leurs listes, les partis signataires ont répondu que « les élections ne se préparent pas en trois mois ». Autrement dit, le report de trois mois ne serait pas suffisant pour se préparer à une échéance électorale. Cependant, Ridha Belhaj, le coordinateur général du tout jeune parti Tounes Awalan, a reconnu que son parti ne pourra être présent que dans quelques circonscriptions électorales. « Nous sommes prêts à participer aux élections, mais bien évidemment, nous ne pourrons pas constituer des listes partout », nous a-t-il affirmé. Par ailleurs, les partis signataires de l'appel ne boycotteront pas les élections, même si les conditions qu'ils fixent ne sont pas réunies. « Je ne peux même pas imaginer un scénario dans lequel les élections se tiennent sans la participation des partis démocrates, nous explique Issam Chebbi. C'est pour cette raison que nous sommes quasiment certains que nos revendications légitimes vont être entendues et que les élections seront repoussées ».