Devant les parlementaires, Youssef Chahed annonce que son gouvernement part en guerre contre le terrorisme, la corruption, le chômage et les disparités régionales Après une série de consultations ayant abouti à la formation d'un gouvernement d'union nationale profondément remanié et après s'être assuré du soutien de plusieurs blocs parlementaires de la majorité, Youssef Chahed n'a pris aucun risque hier en venant à l'Hémicycle solliciter le vote de confiance. Le chef du gouvernement a confirmé ce qui a été dit quant à la préservation des équilibres politiques du gouvernement précédent. «Nous avons, à travers ce remaniement, conservé l'esprit d'union nationale et un consensus politique large, consacré par le Document de Carthage», a-t-il assuré. Il fait toutefois savoir qu'au-delà des équilibres, le remaniement a été décidé sur la base d'une évaluation objective du travail des membres du gouvernement. Mais prévient-il : «Il n'est pas question de désigner un membre du gouvernement condamné par la justice». Anticipant certaines critiques de l'opposition à propos de la nomination d'un sécuritaire à la tête du ministère de l'Intérieur, Youssef Chahed a indiqué que l'idée était de «renforcer les capacités du gouvernement à lutter contre le terrorisme, le crime organisé et la contrebande». Le chef du gouvernement met également en avant sa volonté de « « remporter la bataille économique», et ce, en permettant à l'industrie de s'émanciper dans un ministère à part entière. «Nous l'avons également épaulé d'un secrétariat d'Etat, déclare-t-il. Nous avons aussi créé un secrétariat d'Etat au Commerce extérieur qui veillera à booster l'exportation ce qui permettra de réduire le déficit de la balance commerciale ». Selon lui, le secrétaire d'Etat chargé de la «Diplomatie économique», s'attellera à chercher de nouveaux marchés et à promouvoir la Tunisie en tant que «destination compétitive d'investissement». Horizon 2020 Dans son discours de politique générale, Youssef Chahed fixe le cap sur l'horizon 2020, date à laquelle, il espère que la politique de son gouvernement permettra de faire passer au vert la majorité des indicateurs économiques. Il dresse néanmoins un bilan qu'il juge positif après une année aux affaires, dont la hausse de la croissance, une hausse de 6,7% des investissements étrangers, le retour progressif de la production du phosphate et la hausse des exportations de 18% durant le premier semestre de 2017. Chahed donne notamment les chiffres positifs réalisés par le tourisme qui a permis de réaliser une augmentation de 8,7% des revenus en devises. Par ailleurs, toujours selon les chiffres avancés par le chef du gouvernement, les revenus fiscaux ont bondi de 15% au premier trimestre. Côté promesses et grandes lignes de son programme économique jusqu'à la fin de son mandat, Youssef Chahed indique que les actifs de l'Etat, et ils sont nombreux, seront affectés de manière plus prononcée, à la création de richesses et d'emplois. «Pour les trois années à venir, nous avons identifié la possibilité d'investissements d'une valeur de 5200 millions de dinars, sous forme de concessions ou de partenariats public-privé», a annoncé Chahed. Quatre objectifs pour le gouvernement Le chef du gouvernement a annoncé qu'avec l'aide d'experts en économie, la nouvelle équipe gouvernementale s'appliquera à mettre en œuvre un programme qui aura pour but de réduire le déficit budgétaire à 3% du PIB à l'horizon 2020. Le deuxième but du gouvernement d'union nationale sera de tenter de garder un taux d'endettement inférieur ou égal à 70% du PIB, tout en faisant en sorte que la tendance aille vers la baisse à partir de 2019. Le troisième défi de l'équipe Chahed, comme il l'a promis, est de ramener la masse salariale du secteur public à 12,5% du PIB d'ici 2020. Le quatrième objectif annoncé par Youssef Chahed est certainement le plus ambitieux, c'est celui d'atteindre un taux de croissance annuel moyen de 5%, soit 1,5 point de plus que le taux prévu par le plan de développement. Selon lui, si ces objectifs sont atteints, le chômage pourrait régresser de 3% en 2020 en comparaison de 2016. «Je sais que nous allons être critiqués, que beaucoup diront que ces chiffres ne sont pas réalisables, mais nous sommes convaincus que ces chiffres sont réalistes», dit-il en s'adressant aux élus. Caisses sociales et service public Outre la maîtrise de la masse salariale qui plombe le budget de l'Etat, le chef du gouvernement a réitéré son intention de stopper les recrutements «anarchiques» et de favoriser les départs volontaires à la retraite. Dans le même temps, le gouvernement cherchera à attirer les compétences à la tête des entreprises publiques, et ce, en créant un statut de « haute fonction publique», avec ce qu'elle implique comme incitations financières. «Actuellement, ceux qui travaillent beaucoup et ceux qui ne font même pas le minimum de ce qui leur est demandé bénéficient des mêmes salaires et des mêmes privilèges, dénonce-t-il. Cela a pour conséquence une administration peu efficace. Nous ferons en sorte que cela change». Le chef du gouvernement promet par ailleurs de moderniser et de restructurer les entreprises publiques qui évoluent dans des secteurs concurrentiels, qui sont «structurellement déficitaires». Il évoque aussi dans son discours la situation difficile des caisses sociales (l'Etat y a injecté 500 millions de dinars en 2017). Pour lui, le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite est essentiel, tout comme la révision du salaire de référence et du rendement social des années de travail ainsi que la révision de la prime de retraite. Au passage, les cotisations sociales devront elles aussi être revues à la hausse. «Ces mesures resteront insuffisantes et il nous faudra chercher d'autres sources de financement. Le gouvernement a proposé aux partenaires sociaux de créer une cotisation sociale solidaire, dont le rendement servira à financer les caisses», a conclu sur ce sujet Youssef Chahed qui semble croire fermement que le programme que propose son gouvernement est «une tentative de changement du modèle de développement», mais ce n'est pas l'avis de l'opposition et même d'une partie de la majorité qui reste sceptique. Si Youssef Chahed a été assuré, hier, d'obtenir le vote de confiance à l'Assemblée, il n'est, par contre, pas assuré d'avoir le soutien politique nécessaire, la majorité étant de plus en plus divisée, et de la centrale syndicale, plus soucieuse de préserver les acquis sociaux.