L'équipe du Samusocial sillonne les rues du Grand-Tunis à la recherche de personnes en situation d'exclusion Le Samusocial du Grand-Tunis, service public développé par le Centre d'encadrement et d'orientation sociale de Tunis, a été lancé en décembre 2015. Il s'agit d'un dispositif d'aide mobile d'urgence qui apporte des soins sanitaires et psychosociaux aux personnes qui vivent dans la rue à Tunis. Depuis 2017, le Samusocial du Grand-Tunis est appuyé par l'association Samusocial International qui a signé en juillet dernier une convention de partenariat avec le ministère des Affaires sociales (notre article du 09/07/2017, «Agir contre l'exclusion sociale»). Prévu pour 3 ans, l'appui du Samusocial International au Samusocial du Grand-Tunis prévoit de poursuivre la formation de ses équipiers à la méthodologie Samusocial, de contribuer au développement de ses services sanitaires et psychosociaux dans la rue et d'améliorer la connaissance du phénomène de grande exclusion en Tunisie. Pour faire la lumière sur l'action du Samusocial International en faveur des personnes vulnérables (femmes victimes de violences, personnes exclues vivant dans la rue, migrants...) dans notre pays, on est allé à la rencontre de Bertille Pissavy-YVernault, directrice du bureau de Tunis. Des maraudes nocturnes C'est à la tombée de la nuit et au moment où tout le monde retrouve sereinement son chez soi que l'équipe du Samusocial intervient, et sillonne les rues du Grand-Tunis à la recherche de personnes en situation d'exclusion. Bertille Pissavy explique que ces personnes ont «perdu les codes de la vie en société, elles sont coupées de leur famille et ne sont plus capables de prendre soin d'elles-mêmes. Leur seul impératif devient la survie». Et d'enchaîner que le rôle du travailleur social est de tisser peu à peu un lien de confiance avec la personne et l'interroger sur sa situation. En fonction des raisons qui l'ont conduite à la rue et de sa situation médicale et psychologique, il essaye de trouver des solutions avec la personne (médiation familiale, accès aux droits sociaux, hospitalisation...). L'équipe du Samusocial intervient donc durant la nuit, dans la rue, pour écouter les besoins de ces personnes, analyser leur situation, leur offrir une prise en charge médicale, psychologique, éducative et sociale et éventuellement une mise à l'abri d'urgence. Mais son travail est handicapé surtout par le manque d'effectif et de moyens mis à sa disposition. Des femmes victimes de violences dans la rue Selon Bertille Pissavy-Yvernault, de janvier à juillet 2017, environ 200 personnes ont été prises en charge dans le Grand-Tunis, mais parmi elles seulement 18 ont été hébergées. 40% de ces personnes sont des femmes et la moitié déclare avoir été victime de violences. Un nombre qui illustre la nécessité de mettre en œuvre tous les mécanismes prévus par la nouvelle loi contre les violences faites aux femmes et notamment l'offre d'hébergement. Le suivi social se fait directement dans la rue. L'équipe va voir les gens régulièrement en essayant de les aider à construire un projet de sortie de rue. Un dossier personnel est créé pour chaque usager, il contient le compte-rendu des entretiens régulièrement menés avec les travailleurs sociaux. S'il y a urgence médicale, la personne est accompagnée à l'hôpital où elle bénéficiera de soins gratuits sinon, elle peut venir à l'infirmerie du Centre d'encadrement et d'orientation sociale de Zahrouni. Le manque de moyens: un grand handicap Depuis le début de cette année, une seule équipe circule dans les rues de Tunis trois fois par semaine. Elle a réalisé une soixantaine de sorties nocturnes et pris en charge environ 200 personnes.Elle a proposé l'hébergement à 18 d'entre elles. Chacune a un parcours de vie complexe, mais la très grande majorité a connu une situation de famille conflictuelle et la précarité économique. Le problème réside dans le peu de moyens dont dispose l'association: un seul véhicule pour le Grand-Tunis et une seule équipe composée d'un travailleur social, un éducateur spécialisé et un deuxième éducateur spécialisé qui fait office de chauffeur, en attendant la mise à disposition d'un vrai chauffeur. Il n'y a pour le moment pas d'infirmier ni de psychologue. L'hébergement, quand il est possible, se fait dans le Centre d'encadrement et d'orientation sociale de Tunis. C'est très peu pour le Grand-Tunis. Le service n'offre donc pas de prise en charge réellement pluridisciplinaire et ne peut pas remplir pleinement sa mission. Pour que le dispositif soit viable et puisse s'étendre réellement à tout le Grand-Tunis, la mise à disposition par le ministère des Affaires sociales de travailleurs sociaux, psychologues, soignants est indispensable. Actuellement, la capacité du Centre d'encadrement et d'orientation sociale de Tunis est de 50 places et le profil des personnes accueillies est très vaste, ne permettant pas l'hébergement d'urgence des personnes les plus vulnérables, ce qui nécessite une réflexion sur le plan national autour de l'hébergement social dans notre pays.