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Tuer le temps pour vivre ou vivre pour tuer le temps Spécial : Journée mondiale de la santé : Visite non inopinée au Centre de protection des personnes âgées de Grombalia
Quand on a perdu la famille, la santé, le travail, les proches et les amis, et que l'âge a fini d'épuiser les forcs et parfois l'envie de vivre, être accueilli dans un centre de protection des personnes âgées et partager la vie d'autres gens, de même condition, devient une chance, une opportunité. Soins médicaux garantis, conditions de logement décentes, alimentation équilibrée, habillement convenable, hygiène assurée et présence quotidienne d'un personnel jeune, des femmes et des hommes, dont le travail consiste à s'occuper de ces personnes qu'elles ne connaissent pas mais avec lesquelles, au bout d'un certain temps, elles finissent par tisser des liens de sympathie et d'affection, ce dont les pensionnaires du centre ont le plus besoin. Aïchoucha,75 ans, est paralysée, elle est installée dans un fauteuil roulant. Elle ne l'était pas à son arrivée au centre de Grombalia. La tristesse, le sentiment d'abandon, le désespoir ont eu raison de ses bras et de ses jambes. Elle ne bouge plus. Elle ne parle plus. Elle pleure quand on s'approche d'elle et qu'on lui demande de ses nouvelles. Halima et Taouss, même âge, même situation. Taouss, quant à elle, peut encore communiquer et même sourire quand l'animatrice Khaoula évoque le nom de son mari, pensionnaire lui aussi du même centre. Les autres, Mabrouka, Zina, Khédija, Fatma, Manoubia... Elles sont 19 en tout, sont, plus ou moins, en bonne santé. Manoubia est aveugle. Elle est âgée de 71 ans, elle est là depuis 1978, un cas exceptionnel. Les problèmes psychiques sont présents, flagrants. Dur, dur, d'être vieux et sans famille ou loin de ses enfants. Le personnel est là, souriant, accueillant; mais on sait pertinemment que ce n'est pas toujours facile. Du côté du pavillon des hommes, aussi, il y a des handicapés moteurs et mentaux. Mohsen a à peine 44 ans. Il est en crise, il est énervé. Il vit là depuis 1992. Jemaïel, 86 ans, ne parle pas, entend à peine. Avec des gestes maladroits que seul le personnel du centre peut déchiffrer, il revendique son petit poste radio qui est tombé par terre, comme d'habitude, et s'est cassé. Cigarettes et thé pour tout bonheur Derrière chaque pensionnaire, une histoire douloureuse, un drame, un mal-être. Mais dans ce centre, le deuxième après celui de La Manouba au niveau des services, ces vieux solitaires ont la chance d'être entourés, soignés et de communiquer. « Si je n'étais pas là, j'aurais été à la rue; ici, je suis nourri, blanchi, vêtu et surtout soigné ; je suis asthmatique, on me soigne à l'hôpital Charles-Nicolle». Comme Mabrouk, tous les autres pensionnaires, 54 en tout dont 19 femmes, bénéficient des mêmes droits et soins. Les handicapés sont, également, suivis par des kinésithérapeutes, des psychologues, un psychiatre. Deux spécialistes en gériatrie travaillant à l'hôpital de Grombalia offrent leurs services au centre deux fois par semaine. Comme le psychiatre, chef de service à l'hôpital de Nabeul, M. Tahar Maâmouri. Quatre infirmiers se relayent 24 heures sur 24. Les auxiliaires de vie manquent : quatre pour les femmes, aucun pour les hommes. Ces derniers sont pris en charge par des ouvriers du centre. « Nous avons tous fini par apprendre le métier à force de les côtoyer », confie Lamia, la surveillante. Pour Khaoula, l'animatrice et ergothérapeute, qui s'occupe entre autres des excursions et des travaux manuels, s'occuper de ces personnes n'est pas seulement un travail, c'est une leçon de la vie car «chacun sait comment il est né, mais personne ne sait comment il va finir ». Retirés dans leurs chambres ou réunis dans le grand living, les hommes s'adonnent à leur passe-temps favori: fumer des cigarettes et préparer le thé à petit feu sur le kanoun, à l'insu de Lamia, de Khaoula et des autres. Ici, le temps semble figé et on ne sait pas si les pensionnaires vivent pour tuer le temps ou tuent le temps pour vivre. Indulgent, le personnel fait semblant de ne pas voir. Le directeur du centre, M. Nabil Slama, encore bien jeune, jouit, pour sa part, d'une grande popularité parmi les pensionnaires. Mais la gestion d'un tel centre est loin d'être une sinécure. Sans oublier la supervision des deux équipes mobiles qui sillonnent les 15 délégations pour rendre visite, contrôler et prendre soin des 200 personnes âgées vivant au sein de leur famille mais suivies du point de vue social et médical par l'Association de protection des personnes âgées de Grombalia. Une troisième équipe mobile intervient localement au niveau de Menzel Bourguiba.