Par Jawhar CHATTY «Jeune Afrique» vient de publier dans son édition du 19 novembre un éditorial alarmiste sur la Tunisie. La sagesse aurait à notre sens voulu qu'il fasse preuve de lucidité pour analyser de manière objective, loin du sensationnel, la situation de la Tunisie dans toute sa complexité. Personne ne détient la vérité. Plus que jamais ce dicton se vérifie. La sagesse veut que l'évaluation de toute situation se fasse à l'aune de la lucidité et que soient prises en considération les vicissitudes d'une conjoncture régionale et nationale fluctuante et très mouvementée. A l'actif des dirigeants et du peuple tunisiens 7 ans après la Révolution : avoir pu réussir, en comparaison d'autres pays de niveau similaire, des succès tangibles en matière politique marqués par l'affirmation de la compétition démocratique dans une scène politique vivace et dynamique : pluralisme politique et syndical, société civile... et l'affirmation d'une façon irréversible de la liberté d'expression (démesurée par moments). La démocratie, la liberté d'expression, le pluralisme ont un coût énorme, ceci est d'autant plus vrai que le pays et ses élites n'étaient pas habitués à cette explosion de libertés. Le revers de la médaille : affaiblissement de l'autorité et des institutions dans d'autres pays, c'est la guerre civile. Dans ces conditions, un pays comme la Tunisie, relativement pauvre en ressources naturelles, ne peut que compter sur l'intelligence de son peuple pour relever les défis énormes tant économiques que sécuritaires. Tout en étant conscient des difficultés et des défis colossaux que la Tunisie vit actuellement, défis aggravés par des revendications de tous ordres sans fin, certes légitimes, nous estimons que la Tunisie a besoin aujourd'hui plus que jamais de message apaisant, de signes de confiance, d'encouragement et d'appui sur la scène internationale pour soutenir la démocratie naissante, la seule dans le monde arabo-musulman. La Tunisie n'est pas le seul pays à avoir connu de telles difficultés. Des pays européens (Espagne, Portugal, Islande, Grèce) ont pu se sortir de ces difficultés grâce notamment à l'appui de leurs partenaires au sein de l'Union européenne. Il faudrait, à notre sens, dépasser le stade du diagnostic. L'éditorial de «Jeune Afrique» aurait à cet égard mieux fait d'appeler la communauté internationale, notamment les pays riches, à apporter massivement leur appui économique pour la réussite de l'expérience démocratique en Tunisie. Nous sommes confiants que malgré la crise, le peuple tunisien, doté d'une grande intelligence, saura faire face à ces mutations et consolider la réussite de cette transition politique par une réussite de la transition économique dont il puisera les ressorts dans son histoire triplement millénaire et qui l'a vu relever d'énormes défis par le passé et réussir son destin fort également de sa confiance en lui-même et dans l'avenir.