L'Assemblée a achevé hier dans la matinée l'examen du budget du ministère de l'Education, sur fond de tension devant le Parlement suite à un rassemblement massif de jeunes (certains ont tout de même 40 ans) ayant passé le Capes avec succès, mais qui n'ont pourtant pas été embauchés par le ministère de l'Education. Un certain nombre d'entre eux ont crié leur désespoir et ont tenté de discuter avec des députés pour les convaincre de porter leur voix au ministre de l'Education, Hatem Ben Salem. Avec une grosse porte métallique entre eux, Mustapha Ben Ahmed, Leila Chettaoui ou encore Asma Aboulhana ont discuté avec les protestataires pour leur expliquer que la négociation est la seule voie de recours possible. «Il y a un problème de financement des recrutements, c'est clair, maintenant il faut constituer une commission formée de parlementaires, de représentants du ministère et l'un de vos représentants», explique Mustapha Ben Ahmed à l'un des protestataires. En début d'après-midi, l'Assemblée des représentant du peuple a entamé l'examen des budgets des instances indépendantes avec, dans l'ordre, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), l'Instance vérité et dignité (IVD), puis, dans la soirée, le Conseil supérieur de la magistrature. Le premier à passer à la barre était le tout nouveau président de l'Isie, Mohamed Mansri, qui a voulu afficher une image d'union au sein du conseil après une longue crise interne, qu'il estime aujourd'hui être «de l'histoire ancienne». Contrairement à ce qui s'est passé il y a quelques semaines, lorsque Mansri est venu seul défendre son budget en commission, les membres du conseil de l'Isie étaient cette fois tous présents, à l'exception de Riadh Bouhouchi (pour des raisons personnelles) et Najla Brahem (en mission à l'étranger). Les députés de l'opposition ont toutefois mis en garde les membres du conseil contre ce qu'ils estiment être «les tentatives permanentes des partis politiques de faire main basse sur l'instance». «Il faut que le président de l'Isie soit conscient des efforts déployés par les partis politiques pour s'emparer de l'instance. Après avoir vu et vécu les tiraillements politiques au sujet de l'Isie, je me demande jusqu'à quelle mesure elle peut être indépendante», lance même le frontiste Jilani Hammami. De son côté, le député d'Al Irada, Imed Daimi, a demandé à l'Isie de maintenir la date du 25 janvier 2018 comme date des élections municipales. Le député a également demandé au président de la République de publier, avant le 17 décembre, le décret de convocation des électeurs pour ces élections. «Certaines parties tentent malheureusement de faire pression sur l'Isie afin qu'elle reporte encore une fois la date des élections», a-t-il décalré. Pour sa part, le député d'Ennahdha, Houcine Jaziri, a estimé que les désaccords au sein du conseil de l'Instance ne pouvaient en aucune mesure justifier les attaques à son encontre. «Si vous estimez que le budget de l'Isie est élevé, je vous dirai qu'un seul contrat frauduleux de marché public au temps de Ben Ali coûtait 20 fois le budget de cette instance!», martèle Jaziri. En outre, il rappelle que même en temps de crise, l'Isie s'est toujours dite prête à organiser des élections. C'est d'ailleurs ce que confirme Mohamed Tlili Mansri lorsqu'il prend la parole une heure après. «Certains nous demandent si nous sommes prêts pour le scrutin du 25 janvier 2018. Je leur dis que nous étions déjà prêts pour le scrutin du 17 décembre», précise Mansri à l'hémicycle. Par ailleurs, le nouveau président de l'Isie s'est adressé aux députés qui ont émis un doute sur son indépendance ou l'indépendance de l'Isie dans son ensemble. Il regrette notamment que ce soit à lui de montrer patte blanche alors qu'en principe, «la preuve incombe aux accusateurs». «Même d'un point de vue technique, il est très difficile de parler de fraude électorale, ce sera difficile même si les élections étaient organisées par les politiques, ironise Mohamed Tlili Mansri. Les élections se déroulent sous les yeux des observateurs des partis et des organisations, le dépouillement des urnes se fait publiquement et les P.-V. sont affichés le jour même», explique encore le président de l'Iisie. Cependant, il déplore le fait que l'Isie n'ait pas les moyens juridiques de sévir contre les dépassements lors des périodes électorales. «Et c'est précisément là où se trouve le vrai danger», déclare-t-il. Sans surprise, le budget de l'Isie a été voté avec 114 voix pour et seulement une seule voix contre. Mais pour l'Instance vérité et dignité, la mission n'a pas été aussi simple. En effet, relativement vide lors du débat autour de l'Isie, l'hémicycle s'est tout d'un coup rempli au moment où Siheme Ben Sedrine a pris place. Tout de suite, les critiques se sont multipliées à son encontre. Beaucoup lui reprochent sa mauvaise gestion de l'instance, mais pas seulement. Ceux qui jadis soutenaient l'IVD semblent aujourd'hui en vouloir à l'instance. A l'image du député de Siliana Jilani Hammami, qui a estimé que la séance publique d'audition à propos des événements de la chevrotine a été un fiasco. «C'était une séance pour dissimuler les vérités et non pas pour les révéler». Le député de Nida Tounès Hsan Laamari a déclaré que contrairement aux autres instances constitutionnelles, l'IVD ne sert pas les seuls intérêts de la démocratie. «Le budget alloué ne sert que les intérêts de Siheme Ben Sedrine et quelques autres membres de l'IVD», affirme Hsan Laamari.