Le projet du CCL est actuellement à sa 17e mouture, un excès de zèle manifeste. «C'est du jamais vu», s'étonne M. Mokhtar Hammami, éminent expert dans le domaine et président de l'Instance de prospective et d'accompagnement du processus de décentralisation (Ipapd) Au moment où l'Isie, censée être le chef d'orchestre des élections, s'apprête à mettre tout en œuvre pour organiser les municipales le 25 mars prochain, un autre son de cloche se fait entendre. Et tous les partis ou presque, y compris ceux au pouvoir, font la fine bouche, remâchant les mêmes «arguments» d'avant le 17 décembre 2017, rendez-vous initialement prévu. Mais, comme les mauvais perdants jouent toujours les prolongations, ce retard de trop n'est pas sans compromettre tout le processus démocratique. Le pouvoir local tel que prescrit dans le chapitre 7 de la Constitution risque d'être loin du compte. Et encore moins de chance pour la région de demain, pour un futur citoyen faiseur de la cité. A commencer par l'élection du président de l'Isie, suite à la démission surprise de son prédécesseur Chafik Sarsar, le renouvellement du tiers sortant du conseil de l'Instance, jusqu'au flagrant blocage du projet du Code des collectivités locales (CCL), le cafouillage à l'ARP n'a pas cédé la place au consensus parlementaire sur une date butoir pour l'échéance électorale tant attendue. D'ailleurs, on y voit que des langues bien déliées sans rien dire et un combat de coqs à n'en plus finir. Passés deux ans, déjà. Le projet du CCL est actuellement à sa 17e mouture, un excès de zèle manifeste. «C'est du jamais vu», s'étonne M. Mokhtar Hammami, éminent expert dans le domaine et président de l'Instance de prospective et d'accompagnement du processus de décentralisation (Ipapd). Il s'attend à ce que l'examen en commission des 363 articles dudit code soit terminé d'ici fin janvier 2018, avant de le soumettre, en février, à la plénière pour adoption. Soit un mois avant le jour J. Ce qui n'est pas suffisant pour revoir tous la copie, dont seulement un tiers du contenu, jusque-là, discuté par la commission d'organisation de l'administration et des affaires des forces armées au sein de l'ARP. Communes en difficulté Face à ces tergiversations malintentionnées, y aura-t-il encore espoir de voir les municipales se tenir dans les délais ? Difficile, mais pas impossible ! Et si oui, comment faire pour rattraper le temps perdu?, s'interroge-t-il. Certes, cela exige d'autres textes d'appoint exécutifs du Code des collectivités locales. Pour lui, à son département au ministère des Affaires locales et de l'Environnement, une panoplie de décrets d'application sera fin prête d'ici la fin de l'année. «L'Ipapd a déjà fait appel à une vingtaine d'experts qui vont y travailler en toute cohérence», indique-t-il. Et d'ajouter que tout est là pour être au rendez-vous : «Le budget pour l'exercice 2018 consacrés à 350 municipalités déjà adopté, les ressources humaines identifiées, il ne reste qu'à recruter un nombre d'ingénieurs dont 5 mille au chômage». Même avis pour son collègue M. Fayçal Kazez, directeur général des ressources et gouvernance de la finance locale au ministère de tutelle : «La voie est claire, mais il y a, quand même, des préalables». Il est question de venir en aide aux communes en difficultés financières et structurelles dont 64 sont, aujourd'hui, surendettées. Au terme d'un CMR, réuni le 30 octobre dernier à La Kasbah, rappelle-t-il, il a été décidé d'injecter 150 millions de dinars pour supporter leurs dettes publiques, contractées au titre de 2016. Une mesure de soutien afin de bien préparer la décentralisation. «Au total, 64 communes dans 19 gouvernorats seront ainsi concernées», recense-t-il. Sur la même lancée, l'appui de l'Etat à la gestion communale (toutes municipalités comprises) est estimé à 430 millions de dinars en 2018. Une sorte d'avance sur encaissement, pour ainsi dire. Surtout que, se félicite-t-il, 200 municipalités sur l'ensemble des 264 à travers le pays ont pu faire un carton plein, en termes de 26 indices d'évaluation du rendement dont la gouvernance. A titre d'exemple, Siliana, Bir Mcherga (Ben Arous), El Mahres (Sfax). «La machine a bien démarré», juge-t-il. Sur le terrain, l'action municipale ne marque, semble-t-il, aucun point. Pollution à perte de vue, étalages anarchiques forcés, infrastructures quasiment détruites, éclairage public voué à l'abandon, le service minimum à peine garanti. Et le responsable de mettre en garde sur un tel retard pesant sur l'organisation des prochaines municipales. «Plus les délais s'étirent, plus les dégâts s'amplifient pour devenir ingérables», craint-il. Un retard de trop A qui profite ce statu quo ? L'impréparation de la majorité écrasante des partis saute aux yeux. Ils n'hésitent point à tout mettre en échec, à des fins électoralistes. S'en faire le chantre, c'est un pain quotidien. Chacun tire la couverture à soi, au grand dam de l'intérêt du citoyen. Pas plus tard qu'hier, les trois partis de la coalition gouvernementale (Ennahdha, Nida et l'UPL) se sont alignés sur les outsiders, demandant à ce que le rendez-vous du 25 mars 2018 soit de nouveau décalé. Sans préciser aucune date. Ces tractations partisanes ne relèvent guère des politiques sûrs d'eux-mêmes, mais plutôt d'hommes de paille bien rodés aux jeux politiciens. Ces acteurs du dernier quart d'heure n'en font qu'à leur tête. Au point que l'Isie se trouve, désormais, dans l'embarras du choix. Son indépendance risque d'être remise en question. Primauté de constitution, dites-vous !