Les ONG attachées au principe du contrôle a posteriori Si l'Isie et certaines grandes formations politiques en Tunisie pensent que l'adoption du Code des collectivités locales (CCL) n'est pas un préalable à la tenue des élections municipales en décembre prochain, ce n'est pas le cas des organisations de la société civile qui estiment qu'il n'est pas possible d'appeler les citoyens aux urnes, en reléguant la décentralisation au rang d'accessoire et en continuant à appliquer la loi sur les communes de 1975. Ces organisations craignent donc que l'examen, en cours, du projet de code par la commission de législation générale traîne en longueur. «Nous n'avons pas souhaité être trop critique à l'égard du projet, nous confie la présidente d'Al-Bawsala, Chaïma Bouhlel. Notre angoisse est de voir l'adoption du projet retardée. Dans l'ensemble, nous estimons que le projet est bon, même si nous avons formulé quelques propositions lors de notre audition». Les principales observations formulées par l'organisation portent en fait sur la question de la finance locale. La crainte des ONG est de voir le principe de la décentralisation décidé clairement par la Constitution de 2014 être détourné par l'Etat central à travers l'outil tout puissant de la finance. «On peut énoncer le principe de la libre administration, mais nous savons tous que sans financement, les élus sont impuissants», note Chaïma Bouhlel. Cet argent, selon le projet du CCL, reste aux mains du pouvoir central, qui garde la possibilité de bloquer le financement des collectivités locales. Ce qui inquiète particulièrement Al-Bawsala, c'est l'important rôle du trésorier régional, relevant de la présidence du gouvernement, qui dispose de toute la latitude pour poser son veto sur certaines dépenses. L'interventionnisme du pouvoir central ne s'arrête pas là, puisque la présidence du gouvernement, conformément au projet de loi, détient la possibilité de dissoudre le conseil municipal, si ce dernier n'adopte pas, dans les trois mois, son budget. «Nous savons tous que c'est la première fois que les municipalités seront gérées librement, il serait tout à fait normal qu'il y ait certains blocages lors de la discussion du premier budget», tient à noter Chaïma Bouhlel. L'organisation critique également la tentative du projet de contourner la justice, notamment en créant une «commission de réconciliation» en cas de litige sur les compétences (entre le pouvoir central, le pouvoir régional et le pouvoir local). Or, le principe que défendent les ONG serait un domaine où seuls les tribunaux sont compétents pour statuer sur les prérogatives de chacun. De son côté, le président de l'association «Kolna Tounès», également auditionné au parlement jeudi, a estimé que les compétences des régions et des districts énoncés dans le projet ne délimitent pas d'une manière claire les prérogatives de chacun, tandis que pour les municipalités, le rédacteur du projet a excessivement verrouillé les prérogatives. «La décentralisation est un processus, on ne va certainement pas s'arrêter là, dans 20 ans les prérogatives vont changer et le législateur doit donc laisser une marge de manœuvre pour ces changement», explique Moëz Attia, le président de l'association. Les questions budgétaires inquiètent aussi «Kolna Tounès», qui précise qu'il n'est pas question d'abandonner le contrôle a posteriori. «Il ne devrait pas être possible de bloquer des projets, que ce soit par un gouverneur ou pas le trésorier régional, sans qu'il n'y ait une décision de justice», indique Moëz Attia.