Nous n'allons pas en arriver à la conclusion que le culte de la gagne doit primer sur le beau jeu, mais simplement qu'il faut parfois ranger les considérations «artistiques» de côté pour profiter de ce qui est sûrement le plus important dans le sport : la victoire ! Zouheir Dhaouadi a donc offert ce break définitif au CA suite à un service splendide de Saber Khelifa. Et à l'adversaire de finir par payer ses occasions manquées, particulièrement ce penalty repoussé par Seïf Charfi. Le suspense était déjà là, bien avant cette fin de match, à l'avantage du CA. Porté par son public, le COM a affiché d'incroyables ressources pour non seulement tenir la dragée haute au CA. Mais aussi monopoliser le ballon tout en se portant résolument vers l'avant. Le COM méritait certainement mieux, à l'image d'un Traoré intenable et brillant d'aisance, balle au pied. Sans suite toutefois, le bloc clubiste ayant rarement laissé apparaître des signes de fléchissement. Cette défaite laissera sûrement un goût amer chez les Médeninois. Frustration d'un côté, satisfaction de l'autre. Les deux équipes se rejoignent toutefois sur un point. Celui d'avoir régalé le public. En début de rencontre, les interrogations des uns et des autres étaient légitimes : le CA parviendra-t-il à gagner son premier match en déplacement? Le COM sortira-t-il la tête de l'eau ? Droit comme un «piquet» dans sa tenue de timonier aux abords du banc de touche, Bertrand Marchand a quitté Médenine ravi. Il n'en demandait pas tant sachant que rares sont les équipes qui se sont imposées chez les gars de Afouen Gharbi. Le CA est donc venu à bout du promu. Encore heureux, devrait-on rajouter! Mais force est de constater que ce fut un succès difficile à construire, loin de ses bases. Dans le jeu, le CA progresse au fil des rencontres. Vivacité, implication, repli rapide, projection et combinaisons via les triangulations chères à Marchand. La différence avec le CA de Simone n'est pas difficile à percevoir tant cette équipe a semblé généreuse, sereine, déterminée et appliquée. Et ce ne sont pas les causeries appelant à redonner sa fierté au CA qui mettront ce onze-là sous pression. Libérée depuis peu, insouciante et solidaire, cette équipe clubiste avance sereinement. Elle a du coffre et un mental à toute épreuve, chose qui lui a manqué auparavant. L'escouade clubiste doit maintenant garder ce «mode de combat» pour continuer à monter en grade et retrouver ses standards d'antan. Il faut impérativement que ce soit le «bleu de chauffe» à chaque fois ! Définir ses priorités Volet communication du coach aussi, nous sommes loin de l'approche du Lombard Marco Simone. L'Italien se limitait à consoler les siens. Marchand, lui, prône «un discours d'opération commando» à des années-lumière de la méthode de son prédécesseur ! Certes, ce n'est pas évident dans le contexte actuel. Surtout après le changement opéré en haut de le hiérarchie clubiste, et l'exigence d'austérité pour un club qui devait forcément serrer la ceinture, afin de résorber le gouffre financier hérité de l'ancien bureau directeur. Faire des efforts, proposer du jeu, des buts, des envolées collectives! En clair, plus le CA fera le spectacle, plus il marquera, plus il aura des chances de gagner des matches et plus il augmentera son «capital sympathie» ! Car le navet a trop duré. Et les supporters se rappellent encore ces échecs à répétition, et cette élimination peu glorieuse en demi-finale de la Coupe de la CAF face à Supersport United. Oui, le CA revient de loin. Sur tous les plans, il s'est remis en question. Après avoir écarté l'option du changement au sein de la cellule technique (Simone a fait de la résistance), il a finalement activé l'option Kolsi-Marchand. Pour combien de temps cependant ? Telle est la question. Un avenant de six mois renouvelable, c'est trop juste pour se projeter. Il faut que le contrat du Français soit blindé et que son projet s'inscrive dans la durée. Car il y a peu, le mystère entourant l'avenir du CA étant tellement épais, qu'il était extrêmement difficile de se projeter au-delà du mois de janvier. Maintenant, les tenants clubistes ont de la marge et les résultats leur donnent d'ailleurs raison. Leurs choix sont jusque-là payants avec un CA tout aussi démonstratif que conquérant. Il faut comprendre que bien que ce soit en partie vrai, il ne faut pas oublier que le beau jeu n'est pas un gage de réussite, surtout dans le football, et que bien souvent (voire tout le temps) on ne retient que les vainqueurs ! Demandez-le au COT et au ST des années 80 s'ils n'auraient pas échangé quelques titres plutôt qu'une place honorifique de l'une des plus belles équipes tunisiennes de la décennie. Un football alléchant et du talent à revendre, est-ce pour autant suffisant ? Outre le tandem cité ci-haut, les exemples sont multiples. Le beau football a souvent amené des équipes à gagner des matchs et des trophées mais, comme vu plus haut, il a aussi de nombreuses fois été l'arbre qui cachait la forêt des défaites et des échecs. La science exacte n'existe pas dans le football, et le beau jeu n'est pas cette science qui permet à chaque équipe qui le pratique de finir par triompher. Il peut même être un énorme porteur de regrets car il fait passer la défaite comme encore plus douloureuse ! Pour revenir au CA actuel, il ne tient pas encore son match référence. Mais il peut se vanter désormais de performances maîtrisées et abouties. Même si le succès fut étriqué et le suspense insoutenable (penalty raté par le COM), la victoire est venue récompenser une équipe en confiance et déterminée. Oui, le beau jeu, la belle mécanique tactique ou ce que vous voulez qui se rapproche de la beauté ne sont que des aboutissements immatériels, les succès, eux, sont factuels et sources d'énergie !