Nida Tounès décide de rompre son alliance avec Ennahdha. Va-t-on revenir aux tiraillements d'avant le 24 octobre 2014 ? Les nidaïstes et les nahdhaouis entament une nouvelle étape «L'alliance-partenariat» ou la «coalition consensus» (jusqu'à son éclatement officiel, les nidaïstes et les nahdhaouis n'ont pas réussi à s'entendre sur une appellation précise qui qualifie les rapports qu'ils entretiennent depuis les élections législatives du 26 octobre 2014), établie entre les deux partis les plus influents de la Tunisie post-révolution, n'a pas résisté longtemps à la débâcle ou à la gifle retentissante que Nida Tounès a vécue lors des législatives partielles organisées fin décembre 2017 en Allemagne pour remplacer le député Hatem Ferjani, désigné secrétaire d'Etat chargé de la Diplomatie économique. Et quand Yacine Ayari a réussi à remporter le siège «allemand» au détriment du candidat nidaïste, pourtant soutenu par Ennahdha, les nidaïstes, dont certains responsables (notamment les nouveaux arrivants imposés aux postes de direction par Hafedh Caïd Essebsi), cherchaient un prétexte pour rompre l'alliance avec Ennahdha, ont considéré qu'il était temps de briser «cette alliance contre nature qui n'a que trop duré et dont le parti n'a tiré aucun profit dans la mesure où elle a plutôt été à l'origine de l'implosion que notre parti a subie puisqu'il a éclaté en trois partis, nous faisant perdre notre statut de premier parti au palais du Bardo et faisant accéder Ennahdha au rang de parti n°1 au Parlement», comme le soulignent plusieurs mécontents au sein de Nida Tounès, qui n'ont jamais été convaincus du bien-fondé de l'alliance avec Ennahdha. Samedi dernier, les nidaïstes ont pris leur courage à deux mains et ont décidé de rompre définitivement avec Ennahdha, de couper les ponts du dialogue et de la concertation avec le parti de Montplaisir et de considérer le parti nahdhaoui «comme un concurrent lors des élections municipales prévues le 6 mai prochain». Sauf que — et c'est là qu'apparaît l'innovation — «nous avons décidé de rompre tout contact avec Ennahdha mais nous continuons à appartenir au gouvernement d'union nationale présidé par Youssef Chahed sur la base du Document de Carthage dont les objectifs principaux nous rassemblent», soulignait, hier, Wissem Saïdi, responsable au sein de Nida Tounès. Le même discours est développé par Mongi Harbaoui, l'un des porte-parole de Nida Tounès. Il estime, en effet, que «le gouvernement d'union nationale peut perdurer même si Nida Tounès a décidé de rompre son alliance avec Ennahdha et, en tout état de cause, le dernier mot revient à Youssef Chahed qui est le seul habilité à opérer un remaniement sur son gouvernement au cas où il l'estimerait nécessaire. Pour nous, au sein de Nida Tounès, nous considérons toujours que Youssef Chahed préside le gouvernement au nom de Nida Tounès et nous continuons à le soutenir tant qu'il restera fidèle aux orientations contenues dans le Document de Carthage». Et si Ennahdha basculait dans l'opposition ? Hier, certains parmi les responsables de Nida Tounès ont fait la tournée des studios radio et plateaux TV pour expliquer aux Tunisiens que rien ne sera plus comme avant entre Ennahdha et Nida Tounès puisque désormais, «chacun défendra ses couleurs et participera aux élections municipales avec ses propres listes dans l'attente des législatives de 2019». Restent, cependant, les réactions des responsables d'Ennahdha qui ont attendu que Nida Tounès publie une déclaration officielle pour se prononcer et faire connaître leurs positions. Abdelkarim Harouni, président du Conseil de la choura, souligne: «Les alliances sont faites pour être rompues. Entre Nida Tounès et nous, régnera à l'avenir la compétition. Nous nous affronterons sur la base de programmes politiques et économiques». Quant à Oussama Sghaïer, député nahdhaoui, il fait remarquer : «Affirmer que Nida Tounès a rompu unilatéralement son alliance avec Ennahdha est un peu déplacé dans la mesure où il n'a jamais existé d'alliance dans le sens traditionnel du terme entre les deux partis. Nous avons entretenu des rapports de coopération rapprochée, voire de vote commun, quand il a fallu faire passer des lois qui étaient urgentes. En parallèle, nous avons exprimé plusieurs positions différentes de celles de Nida Tounès». Il conclut : «Les structures de base d'Ennahdha détermineront à l'avenir la nature des rapports que nous allons entretenir avec Nida Tounès que nous considérons toujours comme une pièce maîtresse de l'édifice national démocratique». Il reste, toutefois, qu'en dépit de toutes les justifications développées par les nidaïstes et les nahdhaouis, la question qui reste posée est : combien de temps résistera le gouvernement d'union nationale qui a déjà perdu le soutien d'Afek Tounès, d'Al Joumhouri et de l'UPL ?