Le nomadisme ou le tourisme partisan et parlementaire retourne en force sur la scène politique nationale. L'Union patriotique libre (UPL), dirigée par Slim Riahi, réintègre le Pacte de Carthage et Nida Tounès se dote d'un responsable chargé du suivi de l'action gouvernementale, Abdelaziz Kotti, un revenant qui n'a pas sa langue dans sa poche A l'époque de l'Assemblée nationale constituante (ANC), quand un ou plusieurs constituants changeaient de parti politique au point qu'on est parvenu à la naissance d'un groupe parlementaire représentant Nida Tounès et parlant en son nom alors que la parti dirigé par Si El Béji a vu le jour le 18 juin 2012, soit près d'une année après les élections du 23 octobre 2011 ayant amené la Troïka I au pouvoir (Ennahdha, Ettakatol et le CPR s'étant partagé les trois présidences), on dénonçait fermement le phénomène et stigmatisait le tourisme partisan qui constituait une pure et simple violation de la volonté populaire. Et ceux parmi les constituants qui claquaient la porte des partis qui les ont portés au palais du Bardo faisaient l'objet d'accusations de trahison et on les considérait comme des opportunistes qui «se vendaient aux plus offrants», à l'instar de certains constituants d'Al Aridha Achaâbia (ex-Tayar Al Mahabba), dirigé par Hechmi Hamdi, qui ont accepté l'argent de Bahri Jelassi pour défendre les positions de son parti, le parti d'Al Islah et d'Al Wafa, aujourd'hui disparu de la circulation comme beaucoup d'autres partis qui ont pullulé après la révolution. La tendance générale penchait lors des élections législatives du 26 octobre 2014 pour l'interdiction du nomadisme partisan dans le but de veiller au strict respect de la volonté des électeurs en premier lieu et aussi pour empêcher «les barons de l'argent sale» de recruter parmi les députés qui ne pourront pas résister aux tentations de certains lobbies ou groupes de pression, notamment économiques, ayant intérêt à s'assurer une couverture parlementaire. Malheureusement, il n'en fut rien et le tourisme partisan est toujours de mise. Pis encore, dans la configuration actuelle du paysage parlementaire, il existe des partis politiques, à l'instar de Machrou Tounès, le parti dirigé par Mohsen Marzouk, qui dispose de près de 30 députés composant son groupe parlementaire appelé Al Horra, lesquels députés ont été élus sous les couleurs de Nida Tounès avant de le quitter pour participer à la formation de Machrou quand Marzouk, Ridha Belhaj et Hafedh Caïd Essebsi ne pouvaient plus diriger ensemble le parti de Si El Béji. C'est le cas également du parti «la Tunisie d'abord» dirigé par Ridha Belhaj, l'un des douze fondateurs historique de Nida Tounès. Le parti «la Tunisie d'abord» vient de perdre, ces dernières semaines, deux de ces fondateurs, d'abord Boujemaâ R'mili, l'universitaire de gauche qui a compris après près de cinquante ans de militantisme au sein de la gauche tunisienne (au sein du parti communiste tunisien devenu Ettajdid dans les années 90 du siècle précédent) et après avoir participé à la création de Nida Tounès aux côtés du président Béji Caïd Essebsi, comme il le dit lui-même, que «la vie politique nationale est une jungle où ceux qui veulent servir la Tunisie et les Tunisiens n'ont pas de place». Ensuite, Abdelaziz Kotti, l'ancien porte-parole du parti «la Tunisie d'abord» qui vient de réintégrer Nida Tounès auprès de Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif et Borhène Bsaïess, le chef du département des affaires politiques ou plus exactement l'idéologue du parti, sa voix assourdissante sur les plateaux TV et les radios et l'homme qui trace la voie à suivre au sein du parti et décide qui peut revenir au parti parmi les fondateurs et qui ne sera pas accepté comme Lazhar Akremi «le petit informateur qui ne rejoindra pas le parti tant que j'y suis», comme il le souligne lui-même. Aujourd'hui, Abdelaziz Kotti revient à Nida Tounès pour occuper le poste de responsable du suivi de l'action gouvernementale, un poste qui fait de lui la troisième personnalité après Hafedh Caïd Essebsi, le directeur qui décide de la poursuite de l'alliance avec Ennahdha et de l'acceptation du retour de l'Union patriotique libre (UPL), redevenu, à la suite d'une brève brouille, le troisième larron de la nouvelle Troïka (Nida, Ennahdha et UPL) dont les trois membres font tout ce qu'ils peuvent pour pousser Afek à quitter le gouvernement et à céder ses ministères et ses lieutenants à Slim Riahi qui est de retour au Document de Carthage après avoir déchiré publiquement la copie qu'il a signée lui-même au Palais de Carthage en présence du président Caïd Essebsi, initiateur du gouvernement d'union nationale. Entre Abdelaziz, Borhène et Slim Quant à la deuxième personnalité derrière laquelle le bouillonnant Abdelaziz Kotti sera obligé de se placer en attendant la tournure des événements, c'est Borhène Bsaïess, «le politologue qui a réussi à écarter les grosses têtes de Nida Tounès comme Khaled Chaouket ou Foued Bouslama, le chargé du département communication, et à s'imposer auprès des médias comme le responsable nidaïste qui fait l'actualité et parle quotidiennement d'activités que personne ne suit et ne dit en être informé», comme le soulignent plusieurs observateurs interrogés par La Presse. Les mêmes observateurs ajoutent : «Abdelaziz Kotti, connu pour ses déclarations incendiaires et pour son opposition à Ennahdha qu'il accusait d'avoir mis Nida Tounès sous sa coupe, peut-il coexister avec Borhène Bsaïess qui semble avoir attrapé de nouveau le virus de la présence médiatique quotidienne et avoir renoué avec ses petites phrases piquantes». Mais il existe une autre donnée qui pourrait introduire de nouvelles convulsions au sein de Nida Tounès et de son allié de consensus, Ennahdha. Il s'agit de la réponse à donner aux questions suivantes: Pourquoi Slim Riahi a-t-il renoué avec le Document de Carthage? Qu'a-t-il proposé à ses anciens alliés pour qu'ils acceptent sa réintégration après avoir essuyé ses critiques les plus virulentes au point qu'il n'a pas hésité à les accuser ouvertement d'être les protecteurs les plus indiqués de la corruption et de la contrebande? Une autre question: combien de temps résistera encore Youssef Chahed face aux ambitions démesurées exprimées par Slim Riahi, le sommant d'opérer un remaniement ministériel dans l'objectif de recomposer le gouvernement, de se débarrasser des ministres dont les partis n'ont pas de représentants au sein du Parlement, ne font pas montre «de solidarité et de cohésion avec la nouvelle troïka» et veulent traiter directement avec Youssef Chahed ?