Par Abdelhamid Gmati Le 7e anniversaire de la Révolution sera célébré aujourd'hui, 14 janvier. Le président de la République Béji Caïd Essebsi sera à la cité Ettadhamen dont il inaugurera la maison des jeunes et annoncera, selon toute vraisemblance, certaines mesures. De son côté, l'Ugtt organise un grand rassemblement à la Place Mohamed-Ali à Tunis. Le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, lui, organise des mouvements dans la capitale et plusieurs régions sous le signe : « La Tunisie récupère sa révolution ». Il s'agit essentiellement, pour lui, de s'opposer aux récentes mesures gouvernementales relatives à la hausse des prix. Hammami a réaffirmé l'impératif de faire tomber ces mesures pour réconforter les Tunisiens. Il semble que certains partis politiques, organisations et associations participeront à ces manifestations. Si les premiers sont positifs, l'initiative du Front populaire est, pour le moins, incohérente et aventureuse. Rappelons d'abord que le Front populaire a voté pour cette loi de finances qu'il attaque aujourd'hui. Lors des discussions à l'ARP (en novembre dernier) sur le projet de la loi de finances 2018, le député du FP Mongi Rahoui déclarait que «faire tomber la loi de finances représente un grand danger pour le pays et menacerait sa stabilité, surtout sur le volet dépenses d'investissement». Pour lui, « est politiquement fou celui qui ferait tomber la loi de finances». Cela n'a pas empêché son parti d'appeler à manifester contre cette loi. D'autres parties « non identifiées» ont également multiplié les appels. On s'interroge alors : cet acharnement contre la loi de finances ne serait-il pas un simple alibi pour réaliser des objectifs déjà avoués, comme le fait de faire tomber le gouvernement ou de faire pression pour anticiper les élections présidentielle et législatives. Et il y a eu manifestations...nocturnes. Mais aucun slogan n'a été entonné lors de ces rassemblements nocturnes ni pancartes ou revendications claires n'ont été brandies par ces hordes d'individus qui s'avérèrent être des casseurs, des pillards. Le colonel Walid Hakima, porte-parole de la sécurité nationale, déclare qu'il ne s'agit pas de manifestations spontanées mais d'un plan qui vise à déstabiliser la Tunisie. Pour lui, il ne s'agit pas de simples manifestants lorsque ces derniers apportent avec eux des cocktails Molotov et des pierres pour attaquer les forces de l'ordre et pour mettre le feu aux différentes institutions publiques. Ces fauteurs de troubles s'attaquent d'abord aux symboles de l'autorité régalienne de l'Etat en ciblant les postes de sécurité avant de se diriger vers les institutions commerciales, banques et recettes des finances pour finir par le pillage des entrepôts des municipalités où se trouvent des biens matériels. Selon lui, les attaques contre les sécuritaires est une stratégie destinée à affaiblir le contrôle sécuritaire de manière à créer un vide dont ils profiteront pour réaliser leurs objectifs. Il semble bien que les casseurs sont très organisés et sont clairement préparés à mettre des bâtons dans les roues des forces de l'ordre. Ils agissent selon des procédures similaires un peu partout et n'ont aucun autre objectif que la casse et l'instrumentalisation des médias pour laisser penser que la situation est quasiment insurrectionnelle. Cet effet grossissant provoqué par les médias et les réseaux sociaux est actuellement une arme entre les mains de ces pillards qui cherchent à précipiter l'instabilité. Au total, 96 policiers ont été blessés et 87 véhicules sécuritaires ont été endommagés après trois nuits d'affrontements entre les unités sécuritaires et les casseurs. Les émeutiers peuvent incendier les postes de police, attaquer les passants, les recettes des finances, les municipalités ou encore les bureaux de poste, et piller des magasins, mais il ne faut surtout pas les en empêcher au risque de fâcher Amnesty International, Human Rights Watch et autres « droit-de-l'hommistes ». D'ailleurs, des députés étaient présents lors d'une manifestation, comme Jilani Hammami (FP), où on scandait: « Le ministère de l'Intérieur est un ministère de terroristes ». Et le Front populaire a dénoncé « des méthodes dignes du régime oppresseur de Ben Ali ». Là, le Front populaire et d'autres parties jouent avec le feu. 778 est le total des arrestations depuis le début des troubles le 8 janvier. Et l'arrestation de plusieurs extrémistes islamistes dans le sillage des actes de vandalisme nocturnes prouve leur implication dans les violences ayant ciblé plusieurs villes, selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khelifa Chibani qui ajoute qu'à Tunis et dans les autres régions, l'implication d'extrémistes islamistes et d'individus issus du milieu du banditisme et du crime organisé, a été également démontrée. Et il a affirmé que « ces opérations ne servent à aucun moment les revendications légitimes, mais elles favorisent l'infiltration du terrorisme et des contrebandiers qui profitent de ces grabuges pour exécuter leurs plans destructeurs ». Il faut rappeler que ces extrémistes sont en contact avec des dirigeants de Daech et autres organisations terroristes basées à l'étranger. De ce fait, ils peuvent profiter de ces troubles qu'ils attisent pour s'adonner à des attaques terroristes. D'ailleurs, des informations font état de mouvements de groupes jihadistes à la frontière sud du pays et de possibles menaces sur la sécurité du pays. On comprend pourquoi le chef du gouvernement Youssef Chahed s'est rendu, mardi 9 janvier 2018, aux locaux de commandement du premier corps terrestre saharien de l'armée à Remada (gouvernorat de Tataouine). Il a effectué une visite d'inspection des forces armées se trouvant aux frontières. Le chef du gouvernement était accompagné du ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi. Le colonel-major Khelifa Chibani a mis en garde contre ce que peuvent cacher les protestations nocturnes, rappelant que lors des manifestations d'El-Kamour à Tataouine pendant l'été, des informations sur des mouvements de groupes terroristes étaient parvenues aux forces de sécurité. Ces craintes se sont avérées puisque l'attaque massive de Ben Guerdane pour l'établissement d'un émirat islamique s'est déroulée dans le sillage des protestations d'El-Kamour. Manifester, certes, mais encore faut-il savoir ce que l'on fait. Utiliser la colère de la rue, en alimenter la flamme et jeter de l'huile sur le feu pour le gain politique et non pour l'intérêt national est pour le moins hasardeux. Et à force de jouer avec le feu, on risque de se brûler.