L'activité industrielle dans la région du Sud a eu des répercussions lourdes sur la faune, la flore, l'écosystème marin, ainsi que sur la santé des habitants. Actif pendant plusieurs années à travers ses pôles implantés à Sfax, M'dhilla, Gabès et Skhira, le Groupe chimique tunisien a contribué à la dynamique économique du pays grâce à la transformation du phosphate en acide phosphorique et en engrais chimiques. Mais à toute activité économique, il y a un revers de la médaille. Pendant plus de trente ans, les habitants de la ville de Gabès ont souffert de la pollution causée par la transformation du phosphate. L'écosystème terrestre et marin, qui s'en est lourdement ressenti, s'est considérablement dégradé dans la zone. De bleu turquoise dans les années 60, la mer a fini, au long des années qui ont suivi, par virer à la couleur marron à cause des rejets industriels. Connue pour la diversité des espèces qui vivent dans son écosystème marin, la contamination par les subtances chimiques a touché plusieurs espèces de poissons qui ont périclité, subissant de plein fouet les effets de la pollution. Les habitants n'ont pas été épargnés non plus. La transformation du phosphate libère un résidu radioactif : le phosphogypse serait responsable de la contamination du sol par l'uranimum et le radium. Il n'y a pas de chiffres précis à ce propos, mais selon les membres de la société civile dans la zone, le niveau de radiation n'a cessé de s'élever au fil des années à cause de la libération continue de rejets non traités. Cette pollution radioactive serait notamment responsable, bien qu' aucune étude scientifique ne l'ait prouvé officiellement, des fausses couches survenues chez des femmes habitant la région, ainsi que de diverses pathologies chez des enfants souffrants et qui ont été soignés à l'hôpital. Ne pouvant plus tolérer davantage cette situation, les habitants et les membres de la société civile ont organisé l'année dernière plusieurs manifestations qui ont porté leurs fruits. Les autorités ont décidé de lancer un programme de réhabilitation environnementale basée sur l'implantation de nouvelles unités industrielles non polluantes et qui répondent aux normes internationales. Une mesure qui est, certes, à saluer, mais qui semble actuellement rencontrer beaucoup d'obstacles sur le terrain. La situation n'est guère plus reluisante dans la ville de Sfax et les îles Kerkennah. L'activité de la Siape dans le gouvernorat de Sfax responsable de la pollution de la ville s'est attiré les foudres de la société civile qui a exigé l'arrêt de l'activité des unités polluantes et leur remplacement par des unités non polluantes. Aujourd'hui, la situation est toujours au point mort. Après Gabès et Sfax, les projecteurs, ces dernières semaines, sont braqués sur l'archipel de Kerkennah qui souffre de la pollution causée par l'activité des compagnies pétrolières. Récemment, les rivages de l'île ont été souillés par des fuites de pétrole et des poissons ont été retrouvés morts, échoués sur la plage. La colère gronde au sein de la population de l'archipel, composée d'une majorité de pêcheurs inquiets pour les ressources halieutiques de l'île qui constituent leur principal gagne-pain. La guerre est déclarée contre la pollution dans toute la zone du Sud devenue le principal cheval de bataille de la société civile très active sur le terrain. Celle-ci veut, en effet, coûte que coûte interrompre toute activité industrielle polluante dans la zone. Arrivera-t-elle à relever ce pari risqué face aux gros pontes de l'industrie de la région? Seul l'avenir nous le dira. Notre dossier