Une nouvelle avancée en vue, mais le chemin est encore très long en Tunisie vers la création de richesses, de revenus et d'emplois, à travers l'entrepreneuriat social. «Il faut opposer au pessimisme de la raison, l'optimisme de la volonté», affirmait Antonio Gramsci, homme politique et théoricien italien des années 1920. Quand on sait que dans l'histoire de l'économie sociale et solidaire (E.S.S.), des pays comme l'Espagne et l'Italie sont cités comme modèles de réussite grâce au coopérativisme, cela laisse songeur. Quant aux possibilités en Tunisie, à tenter le pari de l'entrepreneuriat social, l'idée fait son chemin. Car en temps de crise, il faut trouver des alternatives sociales et économiques, à même de répondre aux besoins impérieux de toute une nation, en matière de travail et d'emploi. L'ESS est adaptée à chaque stade de l'histoire d'une nation, dans différentes phases de son développement et de création de richesses nationales. Il suffirait juste d'y croire, en plus d'une réelle volonté politique. A ce sujet, une conférence de presse s'est déroulée dans la matinée du samedi 20 janvier, à l'amphithéâtre de Time Université, école supérieure privée des technologies de l'information et du management de l'entreprise. Implantée dans la zone du parc technologique d'El Ghazela, à Chotrana 2 (délégation de Raoued), elle a abrité un évènement socio-économique autour du thème intitulé : « L'économie sociale et solidaire, l'entrepreneuriat social ». C'est que le secteur associatif et mutuel représente une troisième voie, mal exploitée en Tunisie à côté des secteurs public et privé. Des pays comme le Maroc et la Tunisie se retournent de plus en plus vers ce gisement d'emplois et d'activité que sont l'économie sociale et solidaire (ESS) et l'entrepreneuriat social. La Tunisie s'apprête à voter une loi-cadre dans ce secteur. L'animateur principal de cette conférence, M.Jean Gatel, ancien ministre de François Mitterrand et consultant sur l'ESS, justifie les motifs de sa venue en Tunisie, «La France est forte d'une expérience lointaine sur l'économie sociale et solidaire. J'ai occupé le ministère du secteur qui regroupe les associations, les mutuelles, les coopératives et l'entrepreneuriat social. Ce secteur très important de l'économie sociale et solidaire représente 12% du PIB et des emplois. » L'économie sociale et solidaire est la branche de l'économie regroupant les organisations privées, telles que les entreprises coopératives, mutuelles, associations ou fondations. Elle vise la cohésion sociale, en conciliant activité économique et équité sociale. «Favoriser l'essor de l'ESS nécessite avant tout d'accompagner les jeunes promoteurs et entrepreneurs », avertit un formateur tunisien des nouveaux promoteurs dans l'agriculture. Ce qui justifie la présence de nombreux jeunes étudiants africains qui ont démontré leur curiosité d'en savoir davantage. Un Congolais, interrogé en fin des débats, affirme que dans son pays, il y a des mutuelles qui opèrent grâce au volontariat du voisinage ou de la famille mais pas d'associations, à cause de problèmes de financement et d'organisation. « On doit arrêter de compter sur le public ou le privé», dit-il, bien averti. Une autre nuance : si l'ESS offre des solutions, elle a ses propres contraintes. Car, par exemple, la politique de délocalisation de la main-d'œuvre a marqué pour la France un tournant dans les limites de l'ESS à travers l'absence d'entrepreneuriat social. Délocalisée dans un premier temps dans les pays d'Europe de l'Est : tels la Bulgarie, la Pologne et la Roumanie puis vers le Maghreb, pour satisfaire les entreprises cherchant les gains de productivité à tout prix. Au point que lorsque la population maghrébine a cherché une meilleure condition de vie, l'Asie était devenue la dernière option. Un tort que, le RAESS, réseau africain de l'économie sociale et solidaire qui constitue une avancée à l'échelle africaine, veut rompre pour briser les chaînes. La Tunisie doit suivre à son rythme Retour en France. Le dernier fait d'armes sur l'ingéniosité française porte le nom de French Impact, le nouveau rassemblement des acteurs du secteur de l'ESS qui va transformer les modes de production et de consommation. Un milliard d'euros seront injectés sur cinq ans. Un mouvement lancé, jeudi 18 janvier par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, trouve un écho favorable chez M Jean Gatel. Il revendique au gouvernement du président Macron, «un sans- faute ». A la question de savoir si la Tunisie pourrait, en l'état actuel des choses, se lancer sur la voie de son allié historique, il reste perplexe et un peu évasif. « Ce n'est qu'à la suite d'un processus très long de montée en puissance de l'entrepreneuriat social que les choses aboutissent enfin en France. La Tunisie n'en est pas encore là. Il faut faire émerger d'abord une génération d'entrepreneurs, de jeunes pousses. Ensuite, on pourra mettre en place des mécanismes de stimulation et d'accélération des pratiques d'entrepreneuriat social. » De l'autre côté, Dr Mohamed Damak, président-directeur général du groupe Time Université, se désole de la faible mobilisation des représentants des différents ministères attendus, avec les présences seules de quelque trois à quatre ministères. Alors que tous les acteurs de la vie politique sont concernés notamment pour discuter du texte de projet de loi afin qu'il soit conforme aux attentes et sans défaillance ou décalage avec la réalité économique et sociale du pays. Il affirme tout de même, non sans optimisme : «L'enseignement majeur tiré de cette conférence concerne la création d'emplois et le gain de points de croissance économique, à travers l'économie sociale et solidaire et par rapport à un nouveau modèle de développement économique. » Parmi les problèmes et risques graves qui mettent à mal les processus de l'ESS en faveur du développement durable, celui de la déforestation en Afrique à cause des pillages et incendies, ainsi qu'en Amazonie, en plus du dérèglement climatique et de la montée des eaux. Le dérèglement dans l'industrie pharmaceutique ou chimique avec l'affaire Mosanto sur leurs pesticides et herbicides avec la présence de glyphosate, porteur de cellules cancéreuses. « Une juridiction existe pour les condamnations, qu'est la cour de justice internationale de La Haye (Hollande), mais c'est très faible pour faire face aux désastres humains et écologiques ! », termine amèrement M. Gatel.