L'Institut supérieur de biotechnologie de Monastir (ISBM), la première institution de biotechnologie créée en Tunisie, a été inauguré en 2001. Cet institut comporte actuellement 3 départements, à savoir ceux de «la biologie moléculaire, cellulaire et biotechnologie», des «sciences des vivants et la biotechnologie» et, enfin, des «sciences de base, des langues et de l'informatique». L'Isbm forme les étudiants dans le secteur de la biotechnologie en vue de décrocher la licence dans les domaines de l'agroalimentaire, de l'environnement, de la bio-marine, de la bio-médicale ainsi que la «licence appliquée co-construite en biotechnologie marine et aquaculture». Cet institut assure aussi la formation en vue de décrocher le master de recherche en biotechnologie et le master professionnel dans le domaine de «la qualité et l'hygiène dans «l'agroalimentaire» ainsi que la formation doctorale en vue de décrocher le diplôme de doctorat en «sciences biologiques, biotechnologiques et santé». Aujourd'hui, comme nous l'a indiqué le professeur Boulbaba Selmi, titulaire d'un doctorat en «génie-enzymatique, bio-conversion et microbiologie» de l'université de technologie de Compiègne (UTC,France), sous la direction du professeur Daniel Thomas, l'un des pionniers de l'insertion de la biotechnologie en Tunisie, une réforme nationale s'impose pour renforcer l'intégration de nos bio-technologues dans le tissu industriel afin de rattraper le grand retard constaté quant aux avancées poussées du secteur industriel basé sur l'apport de la biotechnologie, et ce, dans les pays américains, européens et asiatiques . Nos industriels, a-t-il poursuivi, doivent croire, dur comme fer, que la biotechnologie est un pilier majeur du développement économique futur de la Tunisie, et ce, dans les domaines de l'agriculture, des cosmétiques, de la biologie marine et l'aquaculture, de l'agroalimentaire, de la bionique et de l'industrie pharmaceutique et pétro-chimique. D'autant plus que la biotechnologie est l'ensemble des techniques analytiques et des bio-procédés utilisés à des fins appliquées dans les différents domaines industriels précités. Afin d'en savoir plus, le directeur de l'ISBM a accepté avec amabilité de répondre à nos questions. Interview. Quelle est la base du développement du secteur de la biotechnologie en Tunisie? La biotechnologie est la résultante des connaissances dans plusieurs disciplines scientifiques telles que la biologie cellulaire, la micro-biologie, la génie-enzymatique, la génie de fermentation, la génétique moléculaire, la microélectronique, la chimie et surtout la génie-génétique. Cette dernière discipline a permis de produire avec précision des enzymes-clés des protéines recombinantes et des anti-corps qui jouent un rôle primordial dans le développement du secteur industriel en Tunisie et qui pourraient être la clé du développement industriel et économique de la Tunisie, notamment l'implantation des bio-technologues dans le tissu industriel afin d'améliorer les produits finis en adéquation avec les normes internationales de qualité, de certification et d'accréditation. Quel est l'apport de la biotechnologie dans le domaine industriel pétro-chimique? L'apport se traduit par nos efforts déployés dans ce domaine et inspirés des travaux de recherche entrepris au préalable aux USA et en Europe dans le développement des bio-carburants (essence, diesel, kérosène d'origine bio), des bio-lubrifiants et des huiles moteur bio, et ce, à partir des plantes oléagineuses sauvages et transgéniques (soja, colza, tournesol...). Ces plantes pourraient être cultivées en Tunisie dans les terres en jachère, et ce, pour renforcer l'apport de l'industrie pétro-chimique dans le développement de l'économie tunisienne. L'essence, le diesel et le kérosène, les lubrifiants et les huiles moteur d'origine chimique, proviennent d'une source pétrolière (roche fossile). Ces bio-carburants sont une alternative d'actualité réalisée par les Américains et les Européens par voie biotechnologique (génie génétique des plantes et cultures des cellules végétales ainsi que la génie-génétique). Il faut valoriser les terres en jachère en Tunisie pour renforcer la culture des plantes oléagineuses et subvenir aux besoins en huiles végétales susceptibles de subir des bio-conversions par voie enzymatique pour la production à grande échelle des bio-carburants afin d'alléger le coût élevé des importations des carburants d'origine chimique. Il ne faut pas oublier d'exploiter les huiles de friture afin de renforcer le domaine de l'industrie des bio-carburants. Quel est l'apport de la bio-technologie dans le développement des domaines de la bionique, de l'industrie agroalimentaire, de l'industrie pharmaceutique et des cosmétiques? La bionique est, en vérité, une discipline née en 1960, marquant officiellement l'intérêt des scientifiques pour les innombrables astuces de conversion par les systèmes vivants ( bactéries, champignons, cellules animales et végétales, virus....) au cours de leur évolution. La bionique est une science qui utilise les connaissances dans les domaines de la biologie et de l'électronique. Elle a abouti à l'industrialisation et la fabrication des bio-capteurs largement utilisés dans les domaines de l'agroalimentaire (contrôle de la qualité des produits alimentaires, de la sécurité au niveau de la consommation des eaux potables), de l'industrie pharmaceutique (notamment la distinction entre les tumeurs bénignes et malignes du cancer, l'analyse du taux de glucose dans le sang par l'appareil dit «Accu-Check»). Quant à l'apport de la biotechnologie dans le domaine de l'agroalimentaire , il est concrétisé par l'introduction des arômes et des molécules obtenues par extraction des huiles essentielles des plantes aromatiques ou par la bio- conversion enzymatique avec label naturel dans l'industrie laitière (fromages et yaourt), la confiserie, l'industrie du chocolat en utilisant le beurre de cacao obtenu par bio-conversion de l'huile de palme par voie enzymatique. La biotechnologie intervient aussi dans la production des anti-oxydants à partir de sources végétales avec un label naturel substituant ainsi les anti-oxydants obtenus par voie chimique et utilisés dans toutes les industries agroalimentaires (conserves de poissons, de thon, d'haricots et autres) . Quant à l'apport de la biotechnologie dans le domaine de l'industrie pharmaceutique, il est concrétisé par toutes les techniques d'analyses biologiques effectuées dans les labos d'analyse médicale et dans les services de biochimie des hôpitaux de Tunisie. Plusieurs genres d'analyse, effectués par des kits moléculaires de pointe obtenues par voie biotechnologique, manquent dans les hôpitaux tunisiens et pourraient éventuellement améliorer la qualité des soins pour nos patients. La phytothérapie, basée sur l'utilisation des principes actifs extraits des plantes médicinales, pourrait promouvoir l'industrie pharmaceutique biologique en Tunisie. Y a-t-il une adéquation entre la formation académique et l'insertion professionnelle des diplômés ? J'ai constaté que l'introduction de la formation en biotechnologie dans les différentes universités tunisiennes n'a pas été bien préparée au préalable pour répondre au marché réel de l'emploi dans le tissu industriel tunisien. Cependant, l'adoption récente des «licences co-construites» et des «masters professionnels co-construits» par l'ISBM constitue le premier pas de l'implication du tissu industriel en faveur du renforcement de l'employabilité des bio-technologues. Il est d'une extrême urgence d'aligner la décision politique avec le besoin réel de l'introduction de nos jeunes bio-technologues dans tout le tissu industriel tunisien et notamment l'industrie pharmaceutique, agroalimentaire et l'industrie des cosmétiques pour hausser le niveau de l'industrie et garantir la qualité de nos produits selon les normes internationales.