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Le monde des arts et de la culture en émoi
Levée de boucliers contre le projet de loi relatif à l'artiste et aux métiers artistiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 02 - 2018

L'esprit même de l'initiative gouvernementale pose problème. Le projet de loi cultive, selon ses détracteurs, majoritaires dans la salle, un principal ressort, celui de la dissuasion, la menace et l'intimidation au détriment du droit à la culture et à la liberté de création qui sont, eux, des principes constitutionnels.
Un cri d'alarme est lancé par les artistes tunisiens. Mercredi dernier, une réunion est organisée à l'espace El Teatro portant sur le projet de loi N°104/2017 relatif à l'artiste et aux métiers artistiques qui a provoqué une levée de boucliers de la profession, tous métiers confondus.
Ce texte de loi de 41 articles, élaboré par le ministère des Affaires culturelles et approuvé par le Conseil des ministres, a été déposé à la Chambre des représentants le 27 décembre 2017. Il est pour l'heure soumis à la commission parlementaire de la jeunesse, des affaires culturelles, de l'éducation et de la recherche scientifique. Trois réunions ont été tenues depuis.
En maître des lieux, Taoufik Jebali a projeté sur grand écran le texte de loi face à un public composé essentiellement d'artistes et de créateurs, en plus de certains députés dont notamment, Tarek Barrak, président de commission de tutelle, et Ali Bennour, chargé du dossier Culture au sein de ladite commission. Un trio féminin était également de la partie, à savoir Bochra Bel Haj Hmida, Hager Ben Cheikh Ahmed et Sabrine Goubantini.
Faire appel aux amateurs pour exister
Taoufik Jebali a tenu à préciser d'entrée de jeu la définition de l'artiste professionnel ; c'est celui qui perçoit un salaire en contrepartie d'un travail fourni et qu'aucune personne, en l'occurrence ni institution, n'est en mesure de juger s'il est artiste ou s'il ne l'est pas. «Nous avons constitué près de 150 commissions, a-t-il informé, pour organiser le secteur, mais le secteur ne s'est pas organisé. Toutes les lois existent, celles qui concernent les activités d'art dramatique entre autres ou celles qui portent sur les réformes sociales. Mais rien n'a été fait», a-t-il détaillé. «Il est impossible qu'une institution publique ou privée assure une production avec une dizaine de personnes, si le volet amateur n'est pas introduit», a-t-il ajouté posément.
Et de poursuivre, «il faut savoir que la moitié du théâtre tunisien s'appuie pour exister sur le principe du bénévolat et en faisant appel aux amateurs. Vouloir établir coûte que coûte l'obligation d'attribuer une carte professionnelle à quiconque souhaitant faire du théâtre signifie méconnaître la réalité». Et de trancher, «nous rejetons cette mascarade que même Ben Ali n'a pas osé produire». Voila qui est dit.
Par cette mise en contexte, le ton est donné. Sur le mode donc de l'ironie, le projet de loi ainsi que ses rédacteurs ont fait l'objet de moqueries et de critiques virulentes tout au long de cette rencontre mouvementée, c'est un euphémisme.
Si l'on met de côté les huées, les interventions intempestives, les cris et les rires, il en ressortira concrètement l'aspect problématique de l'esprit même de l'initiative gouvernementale. Le texte de loi cultive, selon ses détracteurs, majoritaires dans la salle, un principal ressort, celui de la dissuasion, la menace et l'intimidation au détriment du droit à la culture et à la liberté de création qui sont, eux, des principes constitutionnels.
Plusieurs articles du projet contesté énumèrent à loisir les sanctions des contrevenants, à l'instar de l'article 37 qui stipule «est passible d'une amende comprise entre 1.000 et 5.000 dinars celui qui exerce une activité professionnelle sans avoir obtenu au préalable une carte professionnelle». Les articles 38 et 39 sont écrits dans la même veine. Le volet portant sur le statut de l'artiste ainsi que l'attribution d'une carte professionnelle par une commission relevant du ministère de la Culture sont particulièrement clivants.
Des coups assénés de l'intérieur
A ce titre, Riadh Chaouachi, juriste spécialisé en droit des activités culturelles a critiqué l'absence de consultation avant de procéder à l'élaboration de ce texte, dont il fixe les principales failles: «Le projet souffre de multiples faiblesses, tant et si bien que malgré les amendements éventuels, il risque de rester décalé quant aux aspirations des artistes». Le juriste a plaidé pour un retrait en bonne et due forme du projet, critiquant, en passant, l'esprit général qui l'anime : «Il semblerait que l'Etat a décidé d'étendre sa tutelle sur le champ culturel et se donner le droit de juger qui est artiste ou pas, qui est en droit de recevoir une carte professionnelle et qui n'est pas en mesure d'en bénéficier», a-t-il estimé.
Atef Ben Hassine, acteur et metteur en scène, a tenu à mettre en lumière les efforts déployés par le passé pour mettre en forme un projet qui organise le champ artistique, et de raconter : «L'Union européenne avait débloqué 200 mille euros en vue d'élaborer une loi organique portant sur le statut du créateur. Une avocate belge s'est déplacée et avait alors prospecté le terrain pour mieux cerner les spécificités du pays. Le projet qui en a découlé est historique parce qu'il a vu la participation de tout le monde. Nous avons essayé après coup de recueillir le résultat de ces travaux auprès du ministère de la Culture, sans succès», a-t-il regretté. La ministre de la Culture a démissionné, une autre lui a succédé. «Nous avons appris plus tard que Mme Sonia Mbarek avait constitué une autre équipe pour travailler sur le projet». «Je souhaiterais savoir qu'en est-il advenu du premier», a-t-il lancé. «Par la suite, un atelier de réflexion a été formé dont le rapporteur est Habib Belhédi, ici présent, nous avons commencé à élaborer la première mouture d'un projet qui prévoit d'organiser l'ensemble de la profession. Un livre a été imprimé à ce titre qui résume les travaux dudit atelier». Atef Ben Hassine a tenu à dévoiler à l'assistance la provenance des coups portés au champ artistique «assénés de l'intérieur de la sphère artistique et culturelle». Selon ses propres termes, des usurpateurs apparus après la révolution, ayant adhéré à des syndicats et des associations, mais qui n'ont jamais rien créé de leurs vies, ont pris part à l'élaboration du projet de loi et sont en train de détruire méthodiquement l'acte créateur.
Un jugement sur les libertés en attente d'exécution
Par la suite, l'élue Hager Ben Cheikh Ahmed prend la parole et suggère en s'adressant à l'assistance de faire des propositions élaborées en lieu et place de rejeter totalement le texte, «pour que le gouvernement le retire en vue de l'amender, procédure qui risque de prendre du temps et d'être inefficace», a-t-elle conseillé. Ce projet, a-t-elle fait remarquer, se situe en porte-à-faux avec les dispositions de la Constitution dont notamment l'article 42 qui stipule que «Le droit à la culture est garanti. La liberté de création est garantie. L'Etat encourage la créativité culturelle...». Dans ce projet de loi «on ne voit ni encouragements, ni incitations fiscales, ni subventions», a encore critiqué la députée, ajoutant que le texte est important en soi «mais, a-t-elle prévenu, nous ne pouvons, sous prétexte de vouloir faire une loi, en fabriquer une qui réduit les marges de liberté des artistes et les sanctionne».
Leila Toubel a revendiqué, elle, la liste des auteurs, «parce que ce document est tout sauf une loi mais un jugement sur les libertés et les forces créatrices en attente d'exécution». L'auteure et comédienne considère que le statut de l'artiste, celui de l'intermittent du spectacle et la question de la protection sociale sont des fondamentaux à ne pas perdre de vue, «De nos jours encore lorsqu'un artiste tombe malade, c'est une enveloppe de 1.000 DT qui lui est jetée. Les exemples sont légion de ceux qui sont morts dans l'indigence et la maladie». La comédienne déclare avoir participé à de multiples commissions avec pour objectif de préserver la liberté et la dignité de l'artiste, inutilement, du reste, puisque aujourd'hui, «nous sommes confrontés à une farce».
Tour à tour, des femmes et des hommes prennent la parole dans une ambiance tendue pour dire leur colère, lancer quelques noms qui auraient pris part à concocter «ce simulacre de loi», et formuler leur rejet total ou partiel de l'initiative gouvernementale. Le député Ali Bennour a essayé, quant à lui, de calmer les esprits, précisant que la tendance générale au sein de la commission est à la temporisation, «nous allons prendre le temps qu'il faut pour étudier ce projet de loi et le réformer», a-t-il tenté d'assurer.
Aplanir les divergences
Imed Jemaa, danseur et chorégraphe, a pointé du doigt le texte qui pénalise directement les jeunes, «puisque ce sont essentiellement eux qui pratiquent la danse, eux qui n'ont pas de carte professionnelle. Une telle réglementation coupera les jambes des danseurs amateurs qui constituent le principal réservoir du monde de la danse», a-t-il plaidé.
A l'opposé de cette position et de la plupart qui ont précédé, le musicien Chadi Garfi fait entendre un autre son de cloche, en tenant à rectifier une donnée fondamentale quant à l'implication certaine d'artistes connus dans l'élaboration du texte de loi désavoué, «mais il faut le reconnaître, a-t-il critiqué sans ménagement, celui qui n'est pas appelé à siéger dans une commission en devient malade». Ajoutant que la carte professionnelle est importante pour organiser le milieu artistique professionnel. Mais à ce jour, «tout le monde y a droit, il n'y a pas de critères définis et objectifs qui réglementent son attribution», a-t-il objecté.
Habib Belhédi a tenu à faire le point en récapitulant, précisant à ce titre qu'il avait suivi le processus depuis le début avec l'experte belge évoquée au début de la rencontre. «Un projet dit de la société civile et parallèle à celui du ministère a vu le jour, a-t-il énoncé, dans lequel ont pris part près de 120 entre personnes et associations. Le livre qui a été imprimé comprend les deux textes, celui du ministère et celui de la société civile», a-t-il encore détaillé. Et d'ajouter, «nous nous ne sommes pas arrêtés au stade de l'impression du livre au mois d'octobre 2016. Mais nous l'avons défendu auprès des associations et au sein même du ministère de la Culture». En revanche, ce texte de loi déformé qui contient une liste infinie de sanctions ne figure dans aucun des projets antérieurs qui ont été soumis à la présidence du gouvernement, apprend-on. Micro à la main et s'adressant à ses pairs, le producteur de théâtre et de cinéma a fait valoir l'importance du débat mais également l'utilité d'aplanir aujourd'hui plus que jamais les divergences : «Nous pouvons contribuer à la réforme du texte ou le rejeter. Mais le plus important dans ce débat est de savoir si nous avons un projet à proposer ou pas ? Et la carte professionnelle, qui représente un volet décisif, souhaitons-nous la garder ou pas ? Il ne faut pas oublier, par ailleurs, qu'une loi garantit les droits économiques et sociaux», a-t-il rappelé tranquillement en guise de conclusion.
Bafouer le principe de la continuité de l‘Etat
Si tout débat est, in fine, bénéfique, celui-ci lève le voile sur des problèmes de fond qui touchent non pas uniquement le champ artistique et culturel mais presque tous les domaines dans notre pays; cette propension des responsables bien de chez nous à faire table rase des projets proposés et conduits par leurs prédécesseurs. Au regard de ce qui a été dit, les commissions, ateliers et quantité de textes produits par le passé, à chaque fois écartés sans état d'âme pour en proposer d'autres, posent question. Les gouvernants semblent prendre un malin plaisir à détruire à coups de massue ou à détricoter insidieusement le travail fait, pour, bis repetita, ouvrir de nouveaux chantiers et lever d'autres fonds, forcément, bafouant le principe même de la continuité de l'Etat. C'est autant de temps perdu que d'argent des contribuables dilapidé. En outre, il aurait été utile de choisir des noms consensuels pour siéger dans la commission chargée de rédiger le projet de loi, dont l'expertise est reconnue, mais encore crédités d'une légitimité certaine auprès de la profession. Il ne sert à rien de penser à édifier des plans par l'intermédiaire de personnes intrinsèquement désavouées. D'un autre côté, un sentiment de malaise, faut-il le dire, s'est dégagé de la rencontre, et des questions s'imposent comme de savoir de quelle manière les concernés espèrent-ils faire entendre leurs voix, s'ils avancent en un tel ordre dispersé ? Sinon, comment faire taire pour un temps les rivalités tenaces pour atteindre un objectif commun ?


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